Art. 368. — 182. On a reconnu, dans les temps modernes, la nécessité de donner une véritable publicité aux aliénations d'immeubles et aux cessions ou constitutions de tous autres droits réels formant démembrement de la propriété immobilière. Il serait tout-àfait contraire à l'intérêt général que celui qui a cru acquérir un droit immobilier, en traitant avec celui qui paraissait investi du droit cédé, fût exposé à en être évincé par un cessionnaire antérieur dont il n'avait pu connaître les droits. Les observations présentées cidessus, au sujet des mesures prises par la loi, dans le but d'éviter ce danger à l'égard des cessions de meubles, corporels ou incorporels, dispensent d'insister sur ce point. On indiquera seulement par qu'elles phases successives a passé la législation française, sur les cessions d'immeubles.
On a déjà mentionné plus haut (n° 125) les dispositions de certaines coutumes du nord de la France qui exigeaient, pour la validité des mutations d'immeubles, une formalité appelée insinuation, laquelle avait beaucoup d'analogie avec la transcription moderne et en fut évidemment l'origine.
Une loi célèbre du 11 brumaire an VII (ler nov. 1798) a établi, avec un soin tout particulier, la transcription des aliénations d'immeubles et l'inscription des hypothèques.
183. Lors de la rédaction du Code civil, en l'an XII (1804), il se produisit quelque désaccord au sujet du maintien de la transcription: on l'admit bien sans difficulté pour les donations (voy. art. 939), mais on hésita pour la vente et les autres contrats à titre onéreux; de là l'article 1140 qui renvoie à statuer sur ce point aux titres de la Vente et des Hypothèques. Lorsqu'on rédigea le titre de la Vente, la question fut encore réservée, seulement on sembla la décider en faveur du maintien de la transcription, car l'article 1583, réglant l'effet du consentement, dit qu'il " rend la vente parfaite entre les parties et transfère la propriété à l'acheteur à l'égard du vendeur," ce qui semble bien dire, implicitement, qu'à l'égard des tiers (ou mieux des ayant-cause) il faudra quelque chose de plus que le consentement.
Lorsqu'on arriva au titre des Priviléges et Hypothèques, il fallut bien se prononcer définitivement; on suivait d'ailleurs, presque de point en point, la loi précitée de l'an VII, laquelle subordonnait la conservation du privilége du vendeur à la formalité de.la transcription.
Après une assez longue discussion, le maintien de la transcription fut formellement admis au Conseil d'Etat et l'article 91 qui la consacrait, en reproduisant l'article 26 de la loi de Brumaire, fut réservé pour un changement de rédaction. On conserva en même temps des dispositions de détail sur les effets de la transcription à l'égard du privilége du vendeur (art. 2108).
Mais quand, deux jours après, le Projet de loi revint au Conseil d'Etat, l'article principal consacrant la transcription ne s'y trouvait plus et personne ne parut le remarquer (c).
Toutefois, si cette formalité ne figura plus dans la loi comme essentielle à la translation de propriété, elle y resta comme moyen de conserver et de publier le privilége du vendeur (art. 2108) et comme préliminaire de la purge des hypothèques (art. 2181), c'est-à-dire d'une procédure assez compliquée qui tend à dégrever l'immeuble des priviléges et hypothèques, lorsqu'il est passé aux mains d'un tiers-détenteur.
La transcription resta également nécessaire au donataire d'immeuble, pour qu'il pût opposer son droit aux ayant-cause du donateur, même postérieurs à la donation, lesquels lui étaient préférés, s'ils avaient eux-mêmes transcrit ou inscrit leur droit les premiers (art, 939 à 942); comme aussi le donataire qui avait fait la transcription primait les autres donataires ou les créanciers privilégiés ou hypothécaires qui avaient négligé de publier leur droit sur l'immeuble (d).
Enfin la transcription fut maintenue en matière de substitutions, dans les rares cas où elles sont permise8 (art. 1069).
Cet abandon de la transcription dans les aliénations à titre onéreux, ce résultat d'une incroyable inadvertance, souleva bien des objections dans la pratique et les pouvoirs publics s'en émurent souvent. On voyait, en effet, des propriétaires malhonnêtes aliéner leur bien une première fois, d'une façon plus ou moins clandestine, puis l'aliéner une seconde fois ou l'hypothéquer. Comme ils n'avaient plus de droits à conférer par la seconde convention, les nouveaux ayant-cause étaient évincés par le premier qui était tiers à leur égard, si son titre avait date certaine (art. 1328); ils avaient bien, il est vrai, l'action en garantie contre leur cédant, mais, le plus souvent, ce recours était rendu illusoire par l'insolvabilité de celui-ci.
184. Cette situation dura jusqu'en 1855 (23 mars), époque où une loi, aussi célèbre par son importance que par les nouvelles difficultés qu'elle a fait naître, est venue rétablir, avec quelques améliorations, le système de Brumaire an VII. Cette loi, trop laconique (elle n'a que douze articles), a été l'objet deno mbreux et volumineux commentaires; mais elle est maintenant bien comprise: elle est entrée dans les habitudes de la pratique et il est à croire qu'elle restera désormais attachée au Code civil dont elle est devenue le complément.
Le Code italien en a adopté les principales dispositions (Liv. III, tit. xx ii); il a même profité des critiques faites à la loi française, dans l'intervalle de dix ans qui a précédé la rédaction de ce Code, pour éclaircir quelques points et combler plusieurs lacunes (voy. art. 1932 à 1947); mais il est entré dans des détails d'exécution trop minutieux pour un Code civil (e).
Le Projet actuel se borne à poser les principes et renvoie pour les détails d'application, à des lois et règlements spéciaux (3).
185. C'est au tribunal civil de district (chiho saïbansho) de la situation des biens objets de la convention qu'on a placé le registre destiné à recevoir les transcriptions et les inscriptions: on maintient par là, avec une légère modification, un usage déjà ancien (g).
186, L'article 368 indique cinq classes d'actes qui doivent être soumis à ]a transcription; il y a là, tout à la fois, plus et moins que dans la loi française de 1855: plus, par la généralité du 1er alinéa qui comprend tous les baux d'immeubles, quand la loi française n'y soumet que ceux de plus de 18 ans, plus aussi par le cas du 5e alinéa, emprunté à la loi du 3 mai 1841, art. 16; moins, en ce que l'on a écarté les quittances de loyers non échus, pour un motif donné plus loin.
187. Le 1er alinéa est très large, il soumet à la transcription tous les actes entre-vifs qui confèrent à autrui, qui aliènent ou constituent un droit réel immobilier; qu'il s'agisse de la propriété pleine, ou démembrée d'un de ses avantages, ou d'un de ces démembrements mêmes, comme l'usufruit, l'usage, l'habitation, comme les droits de louage, d'emphytéose ou de superficie. Quelques-uns de ces droits sont pourtant incessibles; mais la publicité conserve une grande utilité pour ceux qui traiteraient avec le constituant: ils sauront qu'il n'a plus la disposition de ces mêmes droits et que la propriété est déjà démembrée entre ses mains.
Il n'y a pas à distinguer si l'acte est authentique ou privé, parce que le but de la transcription est la publicité, laquelle n'est pas obtenue par la forme authentique. Il n'y a pas à distinguer non plus si l'acte est à titre onéreux ou gratuit j les actes gratuits, il est vrai, ont toujours paru nécessiter la publicité, plus encore que les actes à titre onéreux: sans doute, parce que souvent le donateur garde longtemps la possession de la chose donnée; mais, aujourd'hui qu'on ne considère pas la tradition comme une publicité sérieuse, si ce n'est en matière de meubles (voy. art. 366), son absence ou son retard ne motive pas de disposition exceptionnelle.
Les principaux contrats nommés et à titre onéreux qui se trouvent soumis à la transcription, comme pouvant conférer des droits réels immobiliers, sont, outre la vente, l'échange et le louage, qui seront toujours les plus fréquents, la société, le contrat de mariage, la transaction; comme contrats innommés, on peut supposer une dation en payement (art. 482), une novation (art. 511-1°).
188. La seule restriction apportée ici à la publicité des actes portant aliénation est qu'elle ne s'applique qu'aux actes entre-vif s; par conséquent, elle n'a pas lieu pour les dispositions testamentaires ou à came de mort. Si elle doit être admise, législativement, pour ces sortes d'actes (et nous le proposerons), ce n'est pas ici qu'elle aura sa place, car la loi ne traite présentement que des contrats ou conventions.
Il a longtemps paru difficile de soumettre les dispositions testamentaires à une formalité dont l'inobservation pourrait compromettre gravement les droits du légataire, sans qu'il y ait, le plus souvent, de faute à lui imputer, Ainsi, l'héritier qui connaît presque toujours le testament avant le légataire pourrait, en se hâtant d'aliéner la chose léguée, à un tiers de bonne foi qui transcrirait le premier, dépouiller le légataire de la propriété qui lui a été léguée. En France, le légataire est dispensé de la transcription et n'en peut pas moins opposer son droit aux tiers, même de bonne foi. Mais il faut reconnaître que cette seule dérogation au principe général de la publicité suffit à détruire en grande partie les avantages du système de publicité et à laisser peser une fâcheuse incertitude sur les droits de ceux qui traitent avec l'héritier (1).
189. Quant à l'héritier légitime, qui succède par la disposition de la loi et non par la volonté de l'homme, qui acquiert aussi à cause de mort et non entre-vifs, il peut plutôt être dispensé de la transcription: il est clair que, lors même qu'il ne connaîtrait son droit que longtemps après le décès (soit parce qu'il n'aurait connu que tardivement ce décès même, soit parce qu'il ignorait sa qualité d'héritier), il ne fait courir aucun danger à des acquéreurs dignes de protection: ceux qui, au lieu de traiter avec lui, ont traité avec un héritier apparent, avec une personne qu'ils ont crue héritier, lorsqu'elle ne l'était pas, sont en faute: ils sont victimes de leur imprudence. D'ailleurs, l'héritier représente le défunt et si l'on dit, au point de vue fiscal ou administratif, qu'il y a mutation, changement de propriétaire, on doit dire, au point de vue du droit civil, qu'il y a continuation de la personne juridique du défunt et que c'est le même droit de propriété et la même possession.
La tendance est cependant, en Europe, de soumettre à la transcription les transmissions héréditaires, surtout à cause des partages qui modifient rétroactivement la dévolution légale (2).
190. Mais, que décider du partage des immeubles effectué plus ou moins longtemps après le décès, lorsqu'il y a plusieurs héritiers ? Doit-il être transcrit ?
Même question, au sujet du partage entre associés, après la dissolution de la société, ou entre co-propriétaires, lorsqu'ils veulent sortir de l'indivision.
Pour résoudre la question, il faut se reporter à ce qui a été dit de la nature du partage, au sujet de l'article 15 (v. T. 1er, nos 25-2G): le partage n'attribue pas, ne confère pas de droits nouveaux, il déclare des droits antérieurs; lorsqu'un co-héritier, un ex-associé ou un co-propriétaire reçoit un immeuble dans son lot, il est censé en avoir eu la propriété exclusive depuis que l'indivision a commencé; il ne tient rien de ses co-propriétaires, mais de la cause première qui a créé l'indivision, qu'elle ait été ou non soumise à la transcription.
Cette dispense de transcription, conséquence rigoureusement logique de la nature du partage, n'est pas sans danger pour les tiers, qui pourraient, dans l'ignorance du partage, traiter avec un des autres cohéritiers ou co-propriétaires; mais ils pourront, avec quelque précaution, éviter ce danger et, dans le doute, exiger la participation de tous les co-propriétaires à leur contrat, ce qui les garantira contre l'éviction de celui qui a reçu l'immeuble dans son lot
Du reste, la transcription du partage d'immeubles aura presque toujours lieu à l'effet de conserver les créances privilégiées des copartageants les uns contre les autres (v. art. 1185 et suiv.). Enfin elle est exigée, par le 4e alinéa de notre article, lorsque le partage se fait par licitation (v. n° 197, note).
191. Il reste à examiner s'il y a lieu de faire la transcription pour trois moyens d'acquérir assez exceptionnels, l'occupation, l'accession et la prescription.
La négative paraît la seule solution raisonnable.
D'abord, le texte ne parle que " d'actes entre-vifs portant aliénation - " or, ces trois faits, l'occupation, l'accession, la prescription, ne sont pas des actes entrevifs, car ils ne sont pas passés, consentis, entre les intéressés; ce sont des faits purement individuels de la part de celui qui acquiert, dans l'occupation et dans la prescription, ou même de la nature seule dans certains cas d'accession, comme l'alluvion, et de la loi, dans l'acquisition d'une île aux riverains: il n'y aurait pas d'acte, qui pût être copié, tJ'an.;c,tit sur les registres.
Mais cette raison tirée du texte, qui serait impérative, s'il s'agissait d'interpréter et d'appliquer une loi promulguée, perd toute sa force quand il s'agit, comme ici, d'une loi à faire, d'un Projet de loi: il serait facile, en effet, d'élargir le texte et d'assigner une forme particulière à la publicité.
Mais législativement, la solution doit être la même.
192.. Et d'abord, pour l'occupation, la question même ne se présentera pas au Japon, pas plus qu'en France. L'occupation est l'acquisition de la propriété d'une chose sans maître, par la prise de possession première ou originaire; or, les immeubles, au Japon, ne sont jamais sans maître: ceux qui n'ont pas de propriétaire particulier appartiènnent à l'Etat (art. 637 bis); on ne peut donc les acquérir de l'Etat que par un contrat administratif en bonne forme, lequel sera, sans aucun doute, soumis à la transcription. Le seul cas qui pourrait faire doute est celui, fort rare, où un immeuble, étant abandonné par son propriétaire, devient la propriété de l'Etat, en vertu de la loi; mais on ne voit pas dans l'intérêt de qui la publicité serait exigée: ce ne pourrait - être en faveur de ceux qui traiteraient avec l'ancien propriétaire depuis qu'il a abandonné l'immeuble, ce cas serait trop invraisemblable. Ce ne pourrait plus être que 'pour affranchir l'immeuble des droits antérieurement conférés et non publiés; mais il est juste que ces droits soient respectés par l'Etat, lorsqu'ils lui seront révélés, par quelque voie que ce soit; en effet, l'abandon n'a pu être fait que de ce qui restait à l'abondonateur.
193. Pour l'accession, lorsqu'elle résulte de l'alluvion, c'est-à-dire de l'augmentation lente et progressive d'une rive fluviale ou maritime (Íncrementum laten s), on ne comprendrait pas qu'elle fût soumise à la publicité de la transcription, ni à quel moment elle commencerait à l'être: le fait est journalier et pour ainsi dire continu; il est d'ailleurs public par lui-même.
La raison, de décider est la même pour l'accession résultant de la naissance d'une île dans le voisinage d'un fonds riverain d'un cours d'eau Ch).
194. Enfin, en ce qui concerne la prescription acquisitive d'un immeuble, il n'y a pas lieu, non plus, de la soumettre à la transcription.
D'abord, il arrivera le plus souvent que l'acte qui a motivé la prise de possession aura été transcrit comme junte titre, comme acte de nature à transférer la propriété (art. 194); lorsque le vice de ce titre impuissant à transférer la propriété, parce qu'il émanait d'un autre que le propriétaire (a non domino), a été couvert par la prescription, la publicité primitive du titre se trouve avoir eu la même utilité que si le titre avait été parfait à l'origine.
Cette raison ne s'applique plus au cas d'usurpation ou de prescription sans titre; mais il ne faut pas oublier que l'une des conditions essentielles de la prescription acquisitive est une possession continue et publique (v. art. 1474); or, cette publicité continue de la possession peut raisonnablement être considérée comme équivalente à la transcription, si même elle ne lui est pas supérieure.
195. Le 2e alinéa de l'article 368 s'applique à des actes qui diffèrent plutôt par le nom que par le fond de ceux qui précèdent: si une convention modifie un droit précédemment acquis, elle y ajoute ou elle en retranche quelque chose; si elle ajoute au droit du cessionnaire, elle diminue ceux du cédant et, dès lors, ceux qui contracteront plus tard avec celui-ci ont intérêt à connaître la convention; si elle retranche quelque chose au droit du cessionnaire, ce sont ceux qui traiteront avec ce dernier qui ont intérêt à la publicité; il en est de même, et à plus forte raison, au cas de renonciation totale à un droit réel établi sur la chose d'autrui.
Les démembrements de la propriété sont les seuls droits réels auxquels s'applique le 26 alinéa, parce que ce sont aussi les seuls qui, par la simple renonciation, passent d'une personne à une autre, en retournant à la souche dont ils ont été détachés. Il est vrai que si quelqu'un renonçait à un droit de propriété immobilière, son droit passerait à l'Etat; mais, outre que le fait est bien rare, il serait difficile de voir là une transmission directe du particulier à l'Etat: le bien serait d'abord devenu sans maître (nullius), ensuite, l'Etat tiendrait son droit de la loi, et le présent article ne s'y appliquerait pas. Ce n'est pas à dire que, dans ce cas, la transcription n'aurait aucun intérêt: elle tendrait, comme on l'a déjà fait remarquer plus haut, à prévenir l'aliénation ultérieure du bien par celui qui l'avait abandonné; mais si l'hypothèse d'un abandon d'immeuble est déjà rare, celle d'une aliénation ultérieure le sera davantage encore, car si l'aliénation avait été possible, le propriétaire n'aurait pas manqué de la faire, au lieu d'abandonner son bien; d'ailleurs, cet abandon aura presque toujours été notoire, par sa singularité même.
Il ne faut pas, quant à la publicité, assimiler à la renonciation aux démembrements de propriété leurs causes naturelles d'extinction; ainsi l'extinction d'un bail par l'expiration du terme fixé on d'un usufruit par la mort de l'usufruitier, n'est pas soumise à la transcription: ceux qui traiteraient avec le locataire ou le fermier au sujet de son droit normalement éteint, seraient en faute, car la transcription du bail leur en a révélé le terme; à plus forte raison, seraient en faute ceux qui, après la mort de l'usufruitier, traiteraient avec son mandataire, ignorant sa mort, ou avec son héritier, ignorant que l'usufruit s'éteint par la mort. Mais le jugement prononçant l'extinction d'un usufruit pour abus de jouissance devrait être publié, conformément à l'article 372, parce que ce n'est pas une cause naturelle d'extinction du droit d'usufruit.
196. Le Se alinéa suppose qu'un droit réel a été conféré par une convention purement verbale, laquelle, on le sait, suffit entre les parties; or, on ne peut transcrire qu'un acte écrit, puisque transcrire c'est " copier une pièce écrite." Mais, si l'acquéreur a prouvé son droit en justice, par témoins ou par aveu, ce jugement, portant reconnaissance du droit, devient, à son tour, une preuve écrite et authentique de la convention et il pourra être soumis à la formalité de la transcription.
Si les parties, après une convention verbale, étaient d'accord pour ne pas recourir à la justice, afin d'éviter des lenteurs et des frais, elles pourraient rédiger un acte spécial portant reconnaissance de la convention antérieure, lequel serait transcrit; ce ne serait pas une nouvelle cession, ce ne serait qu'une preuve de la première. La loi n'a pas besoin de prévoir ce cas particulier qui rentre suffisamment dans la règle.
La formule des 2e et se alinéas est générale quant aux renonciations, pour plus de simplicité; mais il y en a qu'il sera inutile de transcrire, faute d'utilité, ce sont les renonciations au droit d'usage ou d'habitation et à ceux des baux qui ne sont pas susceptibles d'être cédés ou hypothéqués (voy. art. 116, 142 et 143); en effet, personne ne pouvant devenir ayant-cause particulier du titulaire de ces droits en traitant avec lui, il n'y a à prévenir aucune des surprises ou erreurs auxquelles pare ordinairement la publicité; à l'égard de ceux qui voudraient traiter avec le plein propriétaire, au sujet des mêmes droits, celui-ci aura tout intérêt, en même temps que toute facilité, à établir, par la production de l'acte mêmede renonciation, que les droits antérieurement transcrits comme grevant son fonds ont cessé d'exister.
197. Le 4e alinéa soumet à la transcription les adjudications d'immeubles sur saisie: ce sont des actes translatifs de propriété immobilière; si la loi en fait l'objet d'une disposition spéciale, c'est que ce ne sont pas à proprement parler "des actes" entre-vifs, ils ne sont pas passés ou consentis entre les parties intéressées, puisque l'une d'elles, le débiteur saisi, est considéré comme résistant et contestant. Le Code de Procédure civile japonais soumettra certainement à la transcription la saisie immobilière elle-même; alors, pour l'adjudication, il n'y aura plus qu'à en faire mention en marge de la saisie, comme cela a lieu en France (comp. c. pr. civ. fr., art. 678 et 716) (3).
198. La loi française de 1855 (art. 2, n° 4), soumet à la formalité de la transcription les baux immobiliers de plus de dix-huit ans, pour qu'ils soient opposables à ceux qui traiteront avec le bailleur; il en résulte que les baux de moindre duré,- sont opposables à ceux-ci sans transcription. Le Code italien (art. 1932, n° 5) a une pareille disposition, avec cette différence que la transcription est obligatoire même pour les baux de plus de neuf ans.
Le Projet n'ayant ici aucune règle particulière pour les baux d'immeubles, il en résulte que, quelle que soit leur durée, ils sont soumis à la transcription; il en est de même des cessions de bail et des sous-locations. La raison de cette différence est double: 1° dans le Projet, le bail donne un droit réel, tandis qu'il ne donne qu'un droit personnel en France et en Italie; 2° du moment que le bail, quelle que soit sa durée, doit être opposable aux ayant-cause du bailleur, il est nécessaire que ceuxci soient préalablement avertis de l'existence du droit; ou peut donc reprocher une inconséquence aux deux Codes précités, en ce qu'ils admettent que les baux de moins de 9 ou 18 ans, quoique ne constituant que des droits personnels, sont opposables aux tiers et cependant ne leur sont pas révélés par la transcription.
199. Les deux législations précitées soumettent aussi à la transcription les conventions qui enlèvent au bailleur trois années de loyers ou fermages non échus, telles que cession de la créance desdits loyers ou quittance anticipée donnée au preneur. Le motif de la publicité donnée à ces actes est que le cessionnaire du fonds loué, étant tenu de respecter le bail, doit être averti qu'il n'aura rien à recevoir de ce chef pendant trois ans.
Le Projet japonais n'a aucune disposition à cet égard; mais la conséquence est, en sens inverse de la solution précédente, qu'aucune libération anticipée du preneur ou aucune cession de la créance à un tiers n'est soumise à la transcription et est cependant opposable à l'acquéreur, sauf son recours en garantie contre le cédant, comme dans toute autre cession d'une créance déjà éteinte ou n'appartenant pas au cédant (voy. c. civ. fr., art. 1693). En effet, il ne s'agit plus ici d'un droit réel immobilier aliéné, mais d'une simple créance éteinte ou cédée; en outre, l'acquéreur du fonds loué, étant toujours averti de l'existence du bail par la transcription, pourra s'assurer près du preneur si les loyers ou fermages lui seront payables ou non, à partir du moment où il deviendra propriétaire, et il traitera en conséquence.
200. Bien que l'expropriation pour cause d'utilité publique doive être réglée par une loi spéciale, à la fois civile et administrative, il paraît bon de déclarer, dès à présent (5e alinéa), que ce genre d'acquisition est soumis à la publicité du droit commun: l'utilité est la même, c'est d'empêcher que des particuliers n'achètent de l'exproprié un bien qui désormais est du domaine public; la loi ne distingue pas, du reste, si l'expropriation a été consentie à l'amiable ou prononcée en justice (comp. Loi fr. du 3 mai 1841, art. 16).
201. La loi déclare enfin que la publicité des droits réels de privilége et d'hypothèque est réglée dans une autre partie du Code; ce ne sera pas une transcription à peu près intégrale du titre, mais une mention de sa substance, sous le nom d'inscription. C'est au Livre IVe qu'il en sera parlé, lorsque la loi traitera des droits réels accessoires formant la garantie des créances (v. art. 1183 et s., 1219 et s.) (4).
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(c) Il est à. noter, du reste, que ces discussions, qui furent ordinairement si lumineuses et si bien conduites, présentent ici une certaine confusion. On y mêle, sans paraître s'en apercevoir, deux questions qui sont voisines, il est vrai, mais différentes: celle qui nous occupe, à savoir si la transcription sera conservée pour rendre les droits réels opposables aux tiers et celle de savoir si la transcription affranchira, purgera, les immeubles cédés des droits réels antérieurs. Contre cette dernière solution, on répète plusieurs fois que que" personne ne peut transférer plus de " droits qu'il n'en a lui-même; que la simple transcription ne purge pas " les priviléges et hypothèques qui grèvent le bien vendu." Ces vérités incontestables prennent place dans la loi (art. 2125 et 2182); mais ce qu'il fallait décider, et ce qu'on négligea, ce fut justement le point principal en litige, à savoir si les droits réels antérieurs à la transcription d'une aliénation, mais non transcrits eux-mêmes, tomberaient ou subsisteraient devant la transcription d'un titre translatif de propriété émané du même cédant.
La question ainsi posée ne devait pas faire de doute dans le sens de la déchéance des droits non transcrits; du moment que l'on songeait à maintenir la transcription, il en devait résulter cette double conséquence: 1° que les droits transcrits seraient à l'abri de toute cession ultérieure, 2° que les droits non transcrits s'évanouiraient devant un titre transcrit, même postérieur en date. C'est ce que décidait l'article 91 du Projet et ce qui fut mis en relief par Treilhard, Jollivet et Tronchet, non sans regrets même de la part de ce dernier.
On ne saura jamais comment l'article 91 disparut du Projet définitif et on ne comprend pas aujourd'hui l'inadvertance de tant d'intéressés: il semble que, ce grand travail du Code civil touchant à sa fin, il y eût une lassitude générale et qu'on eût hâte d'en finir.
Ce qui prouve encore cette précipitation, c'est le Rapport de Grenier au Tribunat sur le Projet: l'article 91 n'y figurait plus et cependant il en déduit les conséquences énoncées plus haut; puis, il corrige son Rapport dans le sens opposé et distribue un Erratum imprimé à ses collègues, et cet incident n'éclaire personne ! Le même Rapport est ensuite lu au Corps législatif, avec la correction; les orateurs du Conseil d'Etat l'en. tendent, mais aucune objection n'est soulevée par ceux qui seuls pouvaient porter la parole devant cette Assemblée muette. On sait en effet, que, sous la Constitution de l'an VIII, le Corps législatif ne discutait pas la loi proposée, mais l'acceptait ou la rejetait, après avoir entendu les orateurs du Conseil d' Mat et ceux du Tribunat. Voir FENBT, Travaux préparatoires du Code civil. T. XV:
P. 316, pour la proposition de l'article 91;
PP. 386-390, pour la discussion de l'article et l'établissement de ses conséquences logiques, soutenues par Treilhard, Jollivet et Tronchet;
P. 391, pour le renvoi au comité de réduction;
P. 407, pour le retour du Projet où l'ancien article 91 ne figure plus; P. 505, pour la correction du Rapport de Grenier au Tribunat;
P. 524, pour la répétition de ce Rapport au Corps législatif.
(d) Il est singulier encore que ce résultat nécessaire du système de la transcription, qui rencontra tant de résistance quand il s'agissait de la vente, n'ait soulevé aucune objection au sujet de la donation.
(3) Loi n° 1 du 8e mois de la 1ge année de Meiji (août 1886) et Loi des ler-2 Sept. de la 23e année (1890).
Il existe, en outre, une loi assez récente du 22 mars 1889,
(e) On consultera aussi avec fruit la loi belge du 16 décembre 1851, qui a remplacé tout le Titre des Priviléges et Hypothèques et dont les Dispositions préliminaires sont consacrées à la Transcription.
(22e de Meiji) sur les titres de propriété foncière dressés et, conservés aux préfectures. Il y aurait peut-être quelques réserves à faire sur les avantages qu'on a cherché à obtenir, mais cela ne rentre pas dans la nature de ce travail.
(g) En France, les registres des transcriptions et inscriptions sont tenus aussi au chef-lieu de l'arrondissement (sous-préfecture); ils sont confiés à un officier public spécial appelé conservateur des hypothèques; celui-ci n'est pas rétribué par l'Etat qui pourtant le nomme: il perçoit un salaire, d'après un tarif, sur les transcriptions, inscriptions, radiations et certificats requis par les intéressés.
Jusqu'ici, au Japon, dans les grandes villes, les registres des mutations d'immeubles et des hypothèques étaient tenus dans les Tcou ya7cou sho qui ont le caractère de sous -pi-é fectures; dans les campagnes, ils étaient généralement tenus aux mairies (ko-tcho, yaJcou-la). En plaçant les registres dans les tribunaux de district, on les a éloignés un peu plus des parties, mais les dépôts seront plus centralisés, la tenue en sera plus correcte et la conservation mieux assurée que dans les mairies.
La lre édition du Projet plaçait les registres à la préfecture dujfow ou ken; dans la 2e, on a proposé de les rapprocher des parties: c'était, en même temps, conserver en partie l'usage actuel. Aujourd'hui on donne le résultat des deux lois précitées.
(1) On verra au Livre III, Ire Partie (art. 651 et s.) que le Projet, après avoir adopté à cet égard un moyen terme, est arrivé, dans cette nouvelle édition, à soumettre le légataire à la transcription, d'une manière absolue.
(2) Un Congrès international sur les registres fonciers, tenu à Paris, en septembre 1889, a émis un vœu en ce sens; le vœu était le même pour les transmissions par testament. Au Japon, la transcription est déjà imposée au légataire et à l'héritier, quoique unique, en général (Loi précitée du 86 mois de la 196 année de Meiji),
(h.) La théorie de l'accession et celle de l'occupation se rencontrent ici par anticipation: on sait que c'est au Livre Ille, lre Partie, qu'elles trouveront leur place naturelle, comme moyens d'acquérir la propriété (v. art. 31, 211 al.).
(3) L'ancien texte ne dispensait pas formellement de la transcription (comme le fait la loi française de 1855, art. 1er -4°) les jugements d'adjudication sur licitation rendus au profit d'un des copartageants; mais comme il n'y soumettait que l'adjudication " sur saisie," il est clair que l'adjudication sur licitation formant partage en était virtuellement dispensée.
Maintenant que le Projet adopte le système de publicité d'une manière absolne, cette exception ne paraît pas devoir être conservée et nous exprimons formellement ce nouveau cas de transcription obligatoire.
La nouvelle rédaction comprend aussi, implicitement, l'adjudication sur licitation au profit d'un étranger, laquelle ne rentrait pas dans l'ancien texte, sans qu'on eÚt assurément songé à la dispenser de la transcription.
(4) Le Texte officiel emploie pour les mutations le mot inscription, parce que l'acte n'est pas copié en entier sur les registres, mais mentionné seulement par extrait de ses parties essentielles.
Nous maintenons dans notre Projet la transcription en entier, le mot et la chose (v. art. 368), parce que les mutations comportent des clauses si variées que les tiers ont intérêt à pouvoir les examiner dans leur ensemble et dans leur contexte. Nous avions d'ailleurs proposé, pour diminuer le travail du conservateur et les frais des parties, d'admettre que la transcription fût suppléée par le dépôt de l'acte de mutation en double origiual; c'était l'objet d'un article 368 bis ainsi conçu:
Art. 368 bis. " La transcription peut être remplacée, " en vertu d'un Règlement, par le dépôt, au bureau des " transcriptions, de deux originaux semblables de l'acte à " publier, lesquels, après avoir été collationnés et trouvés " conformes, sont revêtus du timbre dudit bureau, à mi" marge, sur chaque feuillet."
"L'un des originaux est conservé au bureau des trans" criptions, et la substance en est mentionnée sur un re" gistre spécial; l'autre original est rendu à la partie re" quérante, avec mention marginale du lieu et du jour où " le dépôt a en lieu."
Nous n'avons pas inséré cet article additionnel qui n'a plus de chance d'être repris; mais nous le signalons comme complément de notre Projet.