Art. 981. — N° 834. La loi n'emploie pas ici les expressions du Code français “ Des Devis et Mar Sousentrepreneurschés”: la première, parce qu'elle ne présente pas à l'esprit un sens assez clair par lui-même, la seconde, parce qu'elle est trop générale et s'emploierait pour désigner beaucoup de contrats onéreux, autres que le louage d'ouvrage; ainsi, on pourrait très-bien dire qu'une vente, qu'une entreprise de transport, est un marché.
Ce qui caractérise le louage d'ouvrage ou d'industrie et empêche de le confondre avec le louage de services, c'est, comme le texte l'exprime: 1° qu'il s'agit d'exécuter un travail déterminé, 2° que le prix est fixé d'avance, à forfait.
Le travail à exécuter peut être industriel, en prenant ce mot dans un sens large, de manière à y comprendre les travaux où l'intelligence est associée à l'effort matériel pour une part plus ou moins large: par exemple, des constructions de bâtiments, des fabrications ou réparations d'objets mobiliers, des cultures, des copies, des écritures, et même de la comptabilité ou des traductions; il peut aussi être purement manuel (a), c'est-à-dire sans art, comme des terrassements, des charrois de matériaux, des démolitions, des plantations ou arrachages d'arbres, des récoltes de fruits.
Le prix alors, au lieu d'être fixé à raison de la durée du travail, par jour, par mois ou par an, comme dans le louage de services, est fixé d'avance, soit pour tout le travail convenu, soit pour ses diverses parties: par exemple, “tant par mesure, par nombre, ou par poids."
On dit quelquefois que ce contrat a deux caractères: que l'ouvrier donne ses services à loyer et qu'il prend à loyer l'ouvrage à faire; cette théorie, plus ou moins empruntée au langage du droit romain (locatio operarum, conductio operis) prête à la confusion et doit être abandonnée. Il vaut mieux dire que l'ouvrier est bailleur de l'ouvrage promis et que l'autre partie, qu'on appelle le maître, en est preneur.
835. Mais pour que la convention soit un louage d'ouvrage, il faut que l'ouvrier travaille sur la matière du maître ou preneur, soit qu'il s'agisse de fonds de terre à modifier ou de bâtiments à réparer, soit qu'il s'agisse d'un bâtiment à construire en entier avec les matériaux fournis par le maître, ou d'un vêtement à confectionner avec ses étoffes, ou de tout autre objet à créer avec la matière du maître.
Si, au contraire, l'ouvrier doit fournir la matière, alors il y a vente, et non pas seulement vente de la matière avec louage d'ouvrage, mais vente de l'objet confectionné. C'est pourquoi le texte dit qu'alors “la vente est conditionnelle”; elle est sous la condition suspensive de l'exécution de l'objet.
Ce caractère conditionnel de la vente est très-important à noter: si l'on disait que la vente est ferme et actuelle pour la marchandise ou la matière, dès qu'elle est choisie par le maître, comme chose certaine, celleci serait dès lors aux risques du maître devenu propriétaire: en cas de perte, le dommage serait pour lui et il en devrait le prix, quoique ne recevantr ien; or, ce résultat est considéré par la loi comme étant contraire à l'intention des parties. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que les contractants s'en fussent espliqués ou que la vente de la matière eût été faite par un contrat distinct de la convention de louage, laquelle chargerait le vendeur du travail désiré.
Il peut arriver que le maître et l'ouvrier fournissent chacun une partie de la matière. Dans ce cas, pour doit rechercher quel est celui qui fournit le plus de matière, comme quantité ou comme importance: si l'ouvrier fournit plus que le maître, il y aura yente de l'ouvrage entier; dans le cas contraire, il y aura louage d'ouvrage absorbant la vente d'une partie de la matière.
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(a) Nous ne prétendons pas dire qu'il y ait des travaux pour lesquels il ne faille aucune intelligence; toujours il faut que l'esprit guide la main; c'est pourquoi on ne peut compter sur le travail manuel d'un fou.