Art. 941. — N° 770. On dit généralement que le mandat est, comme le prêt à usage et le dépôt, un contrat unilatéral, l'obligeant en principe qu'une seule partie, ici le mandataire, et ne devenant obligatoire pour l'autre, pour le mandant, que par accident, après coup (ex post facto), d'où on le qualifie, comme les deux autres contrats précédents, de “sypallagmatique imparfait.”
Nous considérons cette opinion comme erronée: le mandat, très-souvent, oblige immédiatement le maudant et, dès lors, il est vraiment synallagmatique: d'abord, lorsqu'un salaire a été promis par celui-ci; ensuite, lorsque la gestion entraîne inévitablement des dépenses, comme un voyage, une réparation de bâtiments, un achat à faire. Pour que le mandant ne fût pas obligé dans ce cas, il faudrait supposer qu'il a, dès le contrat, fait au mandataire toutes les avances nécessaires.
Il ne faudrait pas objecter que le salaire stipulé n'est pas dû dès la formation du contrat, mais seulement quand le mandat est exécuté: ce serait dire que cette obligation est conditionnelle; mais une obligation conditionnelle a ne existence suffisante pour rendre un contrat synallagmatique.
La question a d'ailleurs un grand intérêt pratiqne, comme dans les autres cas où il peut s'en poser une semblable: 1° la preuve écrite du contrat devra être rédigée en double original, dont l'un sera remis au mandant, naturellement, et l'autre au mandataire, pour lui assurer le payement de son salaire et du rembour. sement de ses frais et avances; 2° le contrat sera ré. soluble, sur la demande du mandataire, si le mandant ne lui paye pas son salaire, en tout ou en partie, à l'époque convenue, ou s'il ne lui rembourse pas les avances faites, même avant l'entier achèvement du mandat.
771. Reprenons maintenant, en peu de mots, les quatre obligations du mandant, en reconnaissant d'ail. leurs qu'elles ont presque toujours un caractère conditionnel.
I. Si le mandant n'a pas remis tout d'abord au mandataire les sommes ou valeurs nécessaires pour l'accomplissement du mandat, il doit lui rembourser les dépenses faites pour la gestion. Il est à peine besoin de donner des exemples; c'était un achat à faire, à prix fixé, ou au mieux des intérêts du mandant: celui-ci doit rembourser le prix d'achat; ou bien, c'était un procès à intenter comme demandeur, ou à suivre comme défendeur: les frais de justice, de procédure, d'avocat, sont à rembourser.
La loi veut que ces avances et frais soient “ légitimes," c'est-à-dire conformes au mandat, ou dans la mesure de ce qui était nécessaire ou utile.
Le mandant doit aussi les intérêts légaux desdites avances, à partir du jour où elles ont été faites; cette obligation accessoire est la contre-partie de celle que l'article 938 met à la charge du mandataire.
II. Le mandant doit payer le salaire promis; l'article 943 reprendra cette obligation.
III. Il peut arriver que le mandataire éprouve des dommages ou des pertes par suite de l'exécution du mandat; ainsi, ayant été obligé de voyager pour le mandant, il a forcément négligé quelques-uns de ses propres intérêts qui exigeaient sa présence; le texte a soin d'exiger que ces pertes ne soient pas le résultat de sa faute, car s'il avait pu les éviter, il ne devrait les imputer qu'à lui-même et il n'aurait pas de recours.
Il n'y a pas, du reste, à distinguer si les pertes ou dommages proviennent "directement” de la gestion ou si elles sont survenues "à l'occasion” de celle-ci; le Code français (art. 2000) a supprimé la distinction faite autrefois à cet égard et le Projet l'imite: ontre que l'équité n'en est pas suffisamment démontrée, elle présenterait, par sa subtilité, des difficultés considérables d'application.
Il y a une nature de dommage qui ne vient pas ilirectement de la gestion, mais seulement à son occasion; par exemple, le mandant aurait chargé le mandataire de vendre des marchandises avariées ou dangereuses et elles auraient causé dommage an mandataire avant la vente: il serait certainement tenu de rembourser ces dommages comme un prêteur à usage ou un déposant.
La loi excepte de cette indemnité les dommages qui ont pu être prévus, comme une suite naturelle de la gestion, et lorsque, en même temps, la fixation d'un salaire paraît avoir été motivée, en tout ou en partie, par l'intention de réparer ce dommage.
On saisit ici l'occasion de rappeler que le salaire du mandat a un véritable caractère d'indemnité à forfait de certains dommages, ce qui permet de dire que le salaire ne détruit pas le caractère de bon office du mandat et ne le confond pas avec le louage de services.
IV. Bien que le mandataire, à la différence du commissionnaire, n'ait pas à prendre d'engagements personnels, mais n'engage que le mandant, au nom duquel il traite, il peut arriver cependant que les tiers n'aient consenti à traiter avec lui que s'il s'obligeait lui-même, au moivs accessoirement; dans ce cas, le mandant doit lui procurer sa décharge, en traitant avec le tiers pour obtenir sa renonciation audit engagement, moyennant une autre sûreté ou, plus simplement encore, en exécutant; s'il ne peut arriver à ce résultat, il doit alors indemniser le mandataire: par exemple, en lui donnant à lui-même une sûreté contre les risques de cet engagement.