Art. 928. — 750. La division du mandat en général et spécial est traditionnelle; on la trouve dans l'article 1987 du Code français; mais elle y est suivie, dans l'article 1988, d'une autre division en mandat conçu en termes généraux et mandat exprès, et on est loin d'être d'accord, en France, sur la conciliation de ces deux divisions.
En théorie, on comprendrait un mandat absolument général qui permît au mandataire de faire dans l'intérêt du mandat, ou au moins dans l'intérêt du patrimoine de celui-ci, tous les actes qui paraîtraient utiles. Mais, en pratique, un pareil mandat serait dangereux: il laisserait au madataire le pouvoir de faire des actes d'une gravité que le mandant n'aurait pas prévue et qui pourraient causer sa ruine: par exemple, aliéner les immeubles, les hypothéquer, emprunter, faire une novation, transiger; il serait seulement interdit à un mandataire aussi général de faire des donations au nom du mandant, puisque la donation dépouillerait celui-ci sans équivalent.
La loi française fait donc sagement en ne permettant pas au mandant de s'exposer à. des surprises aussi graves et en limitant la portée du mandat général aux "actes d'administration," lesquels, par leur nature, tendent à conserver le patrimoine dans son intégrité ou à l'améliorer sans le compromettre. Si le mandant veut permettre davantage, il doit le dire expressément. Tel paraît être le sens de l'article 1988 qui ne parle plus de mandat spécial mais seulement de mandat exprès.
751. On n'adopte pas ici les termes de mandat exprès, de peur qu'il n'y ait contradiction, au moins apparente, avec la disposition qui permet le mandat tacite. On arrive alors à trois mandats: 1° le mandat général qui ne comprend que les actes d'administration; 2° le mandat déterminé qui comprend une ou plusieurs catégories d'actes plus graves que ceux d'administration, comme aliéner des immeubles, les hypothéquer, emprunter, transiger, etc.; enfin 3° le mandat spécial qui ne comprend qu'un ou plusieurs actes dénommés, comme aliéner ou acheter tel immeuble, emprunter ou prêter telle somme, avec ou sans indication d'une personne avec laquelle il faudra traiter.
Ces divers mandats seront, le plus souvent, exprès, parce qu'une volonté muette ne peut guère comporter de pareilles distinctions; cependant, il pourrait y avoir mandat tacite dans les trois cas: d'abord, le mandat général ou d'administrer, par cela même qu'il est, de sa nature, utile et souvent nécessaire, pourra facilement s'induire des circonstances; les deux autres, le mandat déterminé et le mandat spécial, seront tacites lorsque quelqu'un aura proposé à un de ses amis étant sur le point de partir en voyage, de faire, pour lui et en son nom, certains actes urgents, indispensables ou utiles, et que celui-ci sera parti sans en charger un autre, surtout s'il avait laissé à celui qui s'est offert au mandat des fonds, des titres ou d'autres objets nécessaires n l'accomplissement des actes proposés.
Entre le mandat déterminé et le mandat spécial, il n'y a d'ailleurs qu'une différence du plus au moins: le mandat spécial est plus limité encore que le mandat simplement déterminé, parce qu'il est spécifié, non,r seulement comme genre ou nature d'acte, mais encore comme appliqué à une chose ou à une personne nominativement désignée. De même, le mandat dit ici " déterminé " est spécial aussi, bien qu'avec plus de largeur, puisqu'il ne s'applique pas à la généralité des actes ni des biens du mandant. Il en résulte que, dans les autres parties de la loi, on pourra, sans inconvénient, se borner à opposer le mandat spécial au mandat général: le mandat général comprendra tous les actes d'administration applicables à tous les biens, le mandat spécial ne comprendra que certains actes applicables soit à certains biens, soit même à tous les biens. Déjà, la distinction a été faite en ces termes au sujet du louage: le mandataire, même général, ne peut faire des baux que d'une durée limitée à un petit nombre d'années variant avec la nature des biens; mais pour faire des baux d'une plus longue durée, qui se rapprochent d'une disposition des biens, il faut un mandat "spécial" (v. art. 126); d'après le présent article, ce mandat serait qualifié déterminé.