Art. 910. — 724. Cet article et le suivant concernent l'obligation de restituer qui peut être considérée coinme la principale obligation du dépositaire.
Il doit restituer la chose en nature et identiquement, c'est-à-dire celle même qu'il a reçue. On pourrait croire qu'il y a exception dans le cas du dépôt dit irrégulier, ayant pour objet de l'argent remis à découvert, sans enveloppe ni sac, et dont la restitution se fait non dans les mêmes espèces, mais en espèces de même nature; cependant, il n'y a pas lieu de présenter ce cas comme une exception: il rentre suffisamment dans la règle; du moment que l'individualité des espèces n'a pas été constatée, le dépositaire est considéré comme en rendant d'une identité suffisante, si la somme restituée est en même monnaie d'or, d'argent ou de papier.
Le dépositaire doit aussi rendre les fruits et produits par lui perçus, si la chose en a donné; ce ne peuvent guère être, du reste, que des petits d'animaux, puisqu'il ne s'agit pas d'immeubles et que les meubles autres que les animaux ne donnent pas de fruits ou produits (c).
Il pourrait arriver que les produits ne fussent pas susceptibles d'être conservés sans détérioration; dans ce cas, le dépositaire aurait dû les vendre et il rendrait la valeur qu'il en a tirée.
Bien entendu, cette restitution des fruits et produits n'aurait pas lieu si le dépositaire avait été autorisé à jouir de la chose, comme il est prévu à l'article précédent.
725. Le 20 alinéa de notre article recevra plus rarement une application; cependant, il pourrait arriver que la chose eût été endommagée par un tiers ou réquisitionnée temporairement pour un usage public, comme une pompe à incendie, un cheval, une voiture, et que ces faits eussent donné lieu à une indemnité que le dépositaire aurait reçue; dans ce cas, il ne pourrait évidemment la conserver sans s'enrichir injustement du bien d'autrui.
726. Le dernier alinéa suppose des faits plus graves: le dépositaire "a consommé, aliéné ou dé. tourné la chose déposée” et la loi suppose qu'il l'a fait “sciemment,” parce qu'il pourrait arriver, rarement il est vrai, qu'il eût oublié le dépôt ou qu'il eût confondu la chose déposée avec d'autres qui lui appartenaient. Hors ce cas, prévu à l'article 911, la disposition faite volontairement et de mauvaise foi est un acte trèsrépréhensible: il oblige le dépositaire à tous les dommages-intérêts et le soumet à l'action publique pour le délit d'abus de confiance, conformément au Code pénal.
Il faut remarquer que ces dommages-intérêts sont dus "de plein droit et sans mise en demeure.” La loi aurait pu ne pas s'en expliquer formellement, parce que ce n'est que l'application d'un principe général d'après lequel “celui qui est tenu de ne pas faire est toujours en demeure” (v. art. 404, 2° al.); mais il n'est pas mauvais que la loi fasse de temps en temps ellemêine l'application des principes, c'est une occasion de les faire mieux ressortir. Cependant, on ne va pas jusqu'à répéter que, comme il y a ici un dol, les dommages-intérêts comprendront même les dommages imprévus: cette règle a déjà été appliquée par la loi, au moyen de renvois à l'article 405.
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(c) Un dépôt de vers-à-soie, pendant l'élevage, serait, au Japon, un cas intéressant: ce sont des animaux donnant des produits (soie et graine); mais comme ils demandent des soins considérables et prolongés, le contrat devrait être plutôt considéré comme un mandat que comme un dépôt.