Art. 905. — 717. Le dépositaire, rendant un service gratuit, doit être traité avec indulgence quant à l'appréciation des fautes ou négligences qu'il pourrait '"commettre dans la garde des choses lui à confiées.
Il est de tradition, depuis les Romains, qu'on n'exige de lui que les soins qu'il apporte à ses propres affaires: le déposant doit s'imputer à lui-même d'avoir choisi un dépositaire peu soigneux ou peu diligent. C'est la même règle qu'en matière de société, pour les associés qui n'ont pas la qualité de gérants (v. art. 780) (b).
On a quelquefois douté si, dans le cas inverse, celui où le dépositaire est particulièrement soigneux et diligent, le déposant pourrait lui reprocher de n'avoir pas apporté à la chose déposée les mêmes soins que ceux qu'il est dans l'habitude d'apporter aux choses qui lui appartiennent.
Sans aller jusque-là, il faut décider que la responsabilité ordinaire reprend son empire: le déposant n'a sans doute choisi ce dépositaire que parce qu'il connaissait ses bonnes habitudes; il a, dès lors, dû compter au moins sur les soins d'un bon administrateur.
718. Le Code français, après avoir posé le même principe que celui de notre article (v. art. 1927), y apporte quatre exceptions dans l'article suivant. Nous ne proposons d'en adopter que deux et d'écarter le 2° cas, où le dépositaire reçoit un salaire, et le 4°, où il a été convenu que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute.
Pour ce qui est du salaire, nous n'admettons pas qu'un véritable dépositaire en reçoive un sans devenir, par cela seul, locateur de services: le contrat est " essentiellement gratuit," et nous ne comprendrions pas qu'il fût salarié sans changer de nature et, par suite, de nom.
Si la loi française a eu en vue le cas où le dépositaire a stipulé une indemnité déterminée pour certaines charges que le dépôt lui imposait, par exemple, un travail de déplacement de choses lui appatenant pour faire place au dépôt, ou la mise en état d'un emplacement pour l'abriter, ce n'est pas là un salaire proprement dit, puisque le dépositaire n'y trouve aucun profit; si l'on a eu en vue les dépôts d'argent ou de titres reçus par les banques, moyennant un droit fixe ou proportionnel, ou les dépôts de marchandises reçus par les entrepôts, docks, magasins généraux, lesquels sont véritablement salariés, on a négligé la réalité pour s'attacher au nom: il y a dans ces cas de véritables louages de services et le nom de dépôt, quoique usité en fait, est inexact.
Nous ne comptons pas le 4° cas du Code français, pour un autre motif, c'est que la convention fait loi entre les parties, dans ce cas comme dans tous les autres; il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter ici.
719. Au contraire, les deux autres cas où la responsabilité du dépositaire revient au droit commun peuvent être admis, quoiqu'assez rares.
1° Le dépositaire s'est offert au dépôt: il faut supposer que le déposant avait seulement témoigné une certaine inquiétude au sujet de la chose, comme craignant soit le vol, soit la détérioration par la nature de l'emplacement où elle se trouvait, mais sans demander à la déposer, et que le dépositaire, en s'offrant, ait ainsi provoqué le dépôt, ou qu'il ait demandé d'être préféré à un autre dépositaire.
2° Le cas où le dépôt "est dans l'intérêt unique du dépositaire " (comp. c. civ. fr., art. 1928) sera rare également, et comme cette hypothèse paraîtrait singulière, au premier abord, la loi indique ici le cas où elle est plausible: c'est lorsque la chose est destinée à être prêtée à usage au dépositaire, dans le cas où le besoin naîtrait pour lui, et comme, ce besoin peut être subit et le préteur être éloigné, la chose est d'abord confiée comme dépôt à l'emprunteur futur et éventuel; dans ce cas, il doit déjà apporter les soins d'un bon administrateur, avant même d'avoir commencé à user de la chose.
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(b) Il est d'usage, dans la doctrine, de dire que, dans ce cas, la faute s'apprécie in concreto, par opposition aux autres cas, où elle s'apprécie in. abgtracto: on prétend par là exprimer que, dans le premier cas, le modèle que le débiteur doit suivre est lui-même, tandis que, dans les autres cas, son modèle est idéal.