Art. 957. — 794. Il pourra arriver que le louage de services, au lieu d'avoir la durée variable que lui laisse l'article précédent, ait une durée fixée à l'avance. La loi intervient ici pour poser une limite à la durée de l'engagement réciproque. Cette durée ne peut excéder cinq ans ou un an, suivant la nature des services loués.
Le Code français ne défend que de louer les services à vie (art. 1780) et ses termes mêmes (" on ne peut louer ses services qu'à temps ") ne portent cette limite que pour le bailleur, non pour le preneur, en sorte que l'on admet assez généralement, en doctrine et en jurisprudence, que le maître qui aurait promis d'employer un commis, un serviteur, ou un ouvrier, pendant toute la vie de celui-ci, pourrait être tenu d'observer la convention. On serait peut-être moins affirmatif, si le maître avait pris sa propre vie pour mesure de son engagement.
Quoi qu'il en soit du Code français, on croit devoir poser ici une limite beaucoup plus étroite à la fixation de la durée du louage de services et on exprime qu'elle concerne et protége également les deux parties.
Le motif qui fait défendre un engagement à vie doit faire défendre aussi celui qui aurait une durée trop longue, eu égard aux prévisions des parties: c'est par respect pour la liberté et la dignité individuelles que la loi ne veut pas qu'un homme engage ses faits, son activité, pour toute sa vie ou pour un temps qui s'en rapprocherait; il ne serait pas conforme non plus à 1H dignité et à la prudence de se lier pour un temps qui fût une portion considérable de l'existence et pendant lequel il pourrait survenir une, foule d'événements imprévus qui rendraient regrettable et préjudiciable l'engagement pris témérairement.
Le délai de cinq ans, pour les serviteurs et employés occupés des soins de la personne ou des intérêts généraux du maître ou patron, a paru bien suffisant pour satisfaire aux exigences des uns et des autres, et de même, celui d'un an pour les ouvriers et hommes de peine ou de journée.
Le maître ou patron ne pourrait lui-même se lier envers ces personnes pour une période plus longue, parce qu'il pourrait souffrir aussi d'un engagement qui cesserait d'être compatible avec ses convenances personnelles ou avec des circonstances imprévues sur. venues dans ce délai et modifiant sa situation.
La loi excepte de cette limite le contrat d'apprentissage dont il sera parlé plus loin.
795. Il est naturel que l'inobservation de la limite légale ci-dessus déterminée entraîne non la nullité totale de la convention, mais seulement la réduction de l'engagement à la durée légale. Il est juste aussi que l'engagemennt puisse être renouvelé autant de fois qu'il plaira aux parties, mais de telle sorte que le nouvel engagement, joint iL ce qui reste il, courir de l'ancien, n'excède jamais cinq ans ou un an: c'est une théorie déjà rencontrée (v. art. 40 et 887, 3" al.; ftpcùn art. 722).
La loi a soin de dire que la réduction de l'engagement trop long peut être demandée " par l'une ou l'autre des parties;" mais elle ne s'oppose pas à ce que l'une des parties s'engage à fournir ou à recevoir les services pour un temps plus long que l'engagement de l'autre, pourvu que le tout soit renfermé dans les susdites limites..Ainsi, un maître pourrait s'engager iL garder un domestique, ou un patron un employé, pendant cinq ans, et ceux-ci ne s'engager à le servir que pendant un an, deux ans ou trois ans. L'égalité de situation et de droit ne devient impérative que lorsqu'il s'agit de rentrer dans les limites légales.