Art. 877. — 652. On a dit plus haut que le contrat de prêt de consommation est purement unilatéral et que c'est à tort que le Code français consacre une Section à deux prétendues "obligations du prêteur, alors que l'une n'existe pas du tout et que l'autre ne naît pas du prêt, mais seulement à son occasion."
La première obligation serait de ne pas demander la restitution avant le terme convenu (art. 1899); or, ce n'est pas là une obligation proprement dite née du contrat, c'est un devoir général de ne pas contester à autrui ses avantages légaux ou conventionnels: le prêteur a acquis le droit de se faire rendre l'équivalent des choses prêtées; mais ce droit est né avec une certaine limite de temps, il est affecté de la modalité qu'on appelle "terme initial " (tenue, a quo), cette limite doit. être respectée, comme toutes les autres. il est tout aussi inexact de voir là une obligation spéciale du prêteur que si l'on en' voyait une dans l'absencee - du droit, pour lui, de demander plus ou autre chose que ce qu'il a prêté.
Rappelons enfin, à cause de son importance, la remarque déjà faite, que si l'on voyait là une obligation du prêteur, on en trouverait une analogue dans tous les autres contrats qui sont considérés comme unilatéraux, par exemple la novation, et il ne resterait pas un seul contrat unilatéral !
653. La' seconde obligation que le Code français ”présente comme née du prêt, à la charge du prêteur, est celle d'indemniser l'emprunteur des dommages que celui-ci a éprouvés par suite des défauts des choses prêtées, lorsque le prêteur connaissait ces défauts (v. art. 1898, se référant à l'article 1891 écrit pour le prêt à usage).
Ici, nous ne nions pas qu'il y ait une véritable obligation du prêteur, mais nous nions qu'elle résulte du prêt, qui deviendrait ainsi synallagmatique,- au moins par exception. Cette obligation naît d'un dommage causé injustement, avec ou sans intention de nuire; il y a là une source d'obligation (v. art. 390 et s.), indépendante du prêt et dont celui-ci n'est que l'occasion, comme d'autres conventions pourraient occasionner un enrichissement indu ou sans cause légitime, ce qui est encore une autre source d'obligation (v. art. 381 et s.).
Le Projet énonce donc cette obligation du prêteur, mais avec une distinction entre le prêt gratuit et le prêt à intérêts: c'est une application du droit commun de la garantie.
D'abord, dans les deux cas, il est supposé que les défauts des choses., prêtées étaient Il non apparents et ignorés de l'emprunteur, " car s'ils étaient apparents, celui-ci aurait pu les reconnaître au moment du prêt ou avant d'employer les choses, et si, étant non apparents, ils avaient pourtant été connus de l'emprunteur, c'est pour lui comme s'ils étaient apparents: dans les deux cas, il (loit imputer à sa négligence, autant qu'à la faute du prêteur, le dommage qu'il éprouve.
654. Si l'emprunteur n'a ni connu ni pu connaître ces défauts, le prêteur à titre gratuit n'en est responsable que s'il les a connus lui-même et a eu l'intention, en les prêtant, de causer un dommage à l'emprunteur, ou, au moins, de profiter de l'ignorance de celui-ci, en se faisant promettre des choses de bonne qualité en retour des choses vicieuses qu'il livrait; ce dol, du reste, n'implique pas, par lui-même, l'intention de nuire, car le prêteur, tout en connaissant les qualités nuisibles des choses prêtées, et même en les dissimulant, a pu espérer qu'elles ne causeraient pas de dommages. La responsabilité se réglera, dans les deux cas, d'après le principe de l'article 390 qui renvoie lui-même à l'article 405.
Si le prêt est à intérêts, comme le contrat tend à procurer un profit au prêteur, il est juste que celui-ci. apporte plus de soins à ne causer aucun dommage à l'emprunteur, et l'on peut lui reprocher de n'avoir pas connu les défauts de la chose prêtée, " lorsqu'il pouvait les connaître. " Ce ne serait pas d'ailleurs pour le prêteur un moyen de se disculper que d'alléguer que les choses prêtées ne lui appartenaient pas et qu'il n'a pu en connaître les défauts; car ce serait un autre tort que d'avoir prêté des choses d'autrui, tort dont il est garant aussi dans le prêt non gratuit, ainsi qu'il est dit à l'article précédent.
655. La loi termine par un renvoi général aux règles de l'action rédhibitoire de la vente, lesquelles seront appliquées au prêt, " autant qu'il y a lieu. "
Ainsi, l'emprunteur venant h découvrir les vices des choses prêtées, avant de les avoir consommées ou aliénées, peut faire résilier le prêt (art. 741); il peut le maintenir avec diminution de la quantité ou de la qualité à restituer (art. 742); il peut demander des dommages-intérêts, dans les deux cas (art. 743); le prêteur ne peut, par une stipulation de " non garantie, " s'affranchir de la responsabilité des vices qu'il connaissait (art. 744); la preuve des vices cachés se fera par tous les moyens légaux de preuve (art. 745); l'action rédhibitoire et en dommages-intérêts est limitée à' nn délai spécial (art. 746); elle n'est pas perdue par l'aliénation des choses prêtées (art. 747); enfin, la perte fortuite ou par force majeure de tout ou partie des choses prêtées éteint ou restreint les droits de l'emprunteur (art. 748).
Les articles 749 et 750 seuls sont ici sans application.