Art. 895 et 896.—701. Le Code français s'est peu occupé de la restitution de la chose, laquelle pourtant est la principale obligation de l'emprunteur.
On règle ici trois points concernant ladite restitution: 1° quand, 2° à qui et 3° en quel lieu doit-elle être faite?
I. Elle doit naturellement être faite au temps fixé par la convention, quand les parties ont pris le soin de le fixer; mais si cette fixation n'a pas été faite expressément, elle peut l'avoir été tacitement, quand l'emploi de la chose a été déterminé: par exemple, comme il a déjà été supposé plus haut, on a prêté un cheval pour un voyage, une voiture de transport pour l'enlèvement de matériaux dont la quantité est connue du prêteur, on une maison d'habitation pendant qu'on répare celle de l'emprunteur: il est clair que le prêteu doit laisser écouler le temps nécessaire pour le voyage, le charroi, ou la réparation, avant de réclamer sa chose; si l'usage est destiné à être continu, ou permanent, comme celui d'un cheval de selle, d'une roi ture de promenade ou d'une maison de plaisance, sans indication de délai ni d'une circonstance qui implique une limite de temps, et si l'emprunteur allègue qu'il a encore besoin de la chose prêtée, le tribunal fixera un délai convenable, toujours d'après l'intention probable des parties et les circonstances du fait.
Le texte permet aussi au prêteur de réclamer sa chose avant le temps fixé, dans deux cas:
1° Lorsque l'usage est terminé auparavant; il est clair que, dans ce cas, l'emprunteur n'a plus de canse légitime de garder la chose et il serait de mauvaise foi en refusant de la rendre.
Le Code français a décidé dans le même sens, mais incidemment, à propos de la définition même du prêt à usage, où il dit que l'emprunteur reçoit la chose à charge de la rendre "après s'en être servi.” Ces expressions d'ailleurs ne doivent pas être prises à la lettre, car si l'emprunteur tardait trop à commencer l'usage de la chose, ou prétendait le prolonger outre mesure, le préteur n'en devrait pas souffrir.
2° Le prêteur peut encore réclamer la restitution de la chose avant le temps fixé, lorsqu'il en a “pour luimême un besoin urgent et imprévu.”
Ceci est encore emprunté au Code français (art. 1889). Il ne faut pas oublier que le prêt à usage est un contrat de bienfaisance, que le prêteur ne reçoit pas d'équivalent du service qu'il rend et que son intention n'a pui étre de se priver de sa chose absolument et à tout événement. Mais, comme le dit le texte, il faut que le besoin soit “urgent,” par conséquent, que le prêteur ne puisse ni attendre, ni suppléer à cette chose par une autre lui appartenant; il faut encore que le besoin ait été "imprévu” lors du contrat: autrement, le prêteur serait considéré comme ayant consenti à se priver de l'usage de sa chose ou à se pourvoir autrement d'une chose semblable; enfin, il faut que le besoin soit pour l'emprunteur "lui-même”; par conséquent, il ne pourrait reprendre la chose pour satisfaire au besoin urgent d'un autre ami, même d'un membre de sa famille.
II.—702. L'emprunteur n'a pas à se préoccuper de savoir à qui appartient réellement la chose prêtée; il doit donc la rendre au prêteur, lors même qu'il déconvrirait après le prêt qu'elle appartient à un tiers. On n'excepte même pas le cas où il découvrirait que c'est une chose volée: cette exception n'est admise que pour le cas de dépôt (v. art. 914-4° et C. civ. fr., art. 1938); en effet, il n'y a pas même motif d'autoriser ici l'emprunteur à se prévaloir de sa prétendue découverte pour ne pas restituer; il y a une raison puissante de ne pas assimiler le prêt au dépôt: dans le prêt, celui qui reçoit la chose obtient un service gratuit; dans le dépôt, au contraire, c'est lui qui le rend; de là, une double conséquence: celui qui reçoit un service a une obligation plus étroite de ne pas retarder la restitution et de ne pas susciter des embarras au prêteur; ensuite, il est plus à craindre qu'il n'abuse de simples soupçons de vol pour ne pas restituer au temps fixé et pour prolonger l'usage qui lui a été accordé; tandis que le dépositaire qui n'a que la charge de la chose, sans pouvoir même en user, ne peut pas être suspect de chercher à prolonger le dépôt sans cause légitime,
Mais, qu'il y ait eu vol ou non, si l'emprunteur reçoit une opposition régulière à la restitution de la part d'un tiers qui se dit propriétaire, ou même de la part d'un créancier qui vent saisir la chose pour être payé par le prêteur, la restitution n'est plus obligatoire ni même permise.
Si le prêteur ou l'héritier du prêteur est un incapable, c'est à son représentant légal que la restitution doit être faite; s'il est absent et a laissé un mandataire, c'est à celui-ci qu'il faut restituer et non à ses serviteurs, ni même à ses parents se trouvant dans sa maison.
III.—703. En général, le débiteur paye à son domicile et la restitution est un payement, en donnant à ce mot le sens large qui lui appartient (v. art. 472, jer al.); mais ici, il y a une dérogation toute naturelle an principe: le prêt est un contrat de bienfaisance, il est donc aussi conforme à l'équité qu'aux convenances que l'emprunteur prenne la peine de faire porter la chose au domicile du prêteur, ou, s'il s'agit d'un incapable ou d'un absent, au domicile de son représentant.