Art. 816. — 522. La rente viagère étant ordinairement créée pour assurer les moyens d'existence d'une personne, il est naturel qu'elle repose sur sa tête, qu'elle soit mesurée sur sa vie; mais le contraire pourrait avoir lieu. Ainsi, il pourrait être convenu que la rente sera servie par le débiteur pendant la durée de sa propre vie: le motif de cette stipulation, assez inusitée d'ailleurs, pourrait être la crainte que le débiteur, ayant intérêt à la mort du rentier, ne fît plus que des võux, mais des actes criminels pour la hâter. Une pareille stipulation serait cependant imprudente, car si le débiteur de la rente vient à mourir avant le crédirentier, celui-ci sera peut-être privé de moyens d'existence.
La rente peut aussi reposer sur la tête d'un tiers dont on est convenu; on peut trouver un intérêt à cette stipulation, en supposant qu'en réalité la rente avait été créée dans l'intérêt de ce tiers et pour assurer son existence, mais le donneur de valeur ou le donateur avait voulu que les arrérages fussent payés à un autre qui, fidèlement, en ferait profiter le bénéficiaire. Par exemple, quelqu'un voulant assurer l'aisance d'un vieillard, mais craignant sa faiblesse d'esprit, sa prodigalité ou même son avarice, constituerait une rente viagère payable au fils, mais reposent sur la tête du père: le fils nourrirait son père chez lui et le préserverait ainsi de l'un des deux extrêmes également dangereux pour ses vieux jours, la faiblesse prodigue et les privations avares.
Toutefois, comme il pourrait y avoir des cas moins favorables et qu'une personne pourrait ne pas se soucier que sa vie fût ainsi la mesure du droit et des obligations respectives de deux autres (ce qui peut constituer un danger pour elle et, en tout cas, une inquiétude), on propose ici que le consentement de cette personne soit nécessaire, non seulement à la validité de la convention, mais encore à sa formation, c'est-à-dire à son existence: lorsqu'elle consentira à la convention, c'est qu'elle n'aura aucun sujet de craindre une entreprise contre ses jours.
La conséquence logique de la nullité de la convention serait la répétition de ce qui aurait été fourni des deux côtés, lorsque l'une des parties jugerait à propos de se prévaloir de la nullité; mais la loi refuse la répétition des arrérages payés, parce qu'elle considère le débi-rentier comme ayant spéculé sur la mortalité humaine, sans avoir, comme le créancier, l'excuse de la nécessité. Celui-ci, au contraire, pourra répéter le capital qu'il a fourni, si le contrat est à titre onéreux, comme la loi a soin de le distinguer, et ce droit de répétition du créancier sera le frein le plus efficace de la spéculation du débiteur.