Art. 795. — 475. On a déjà eu occasion de distinguer des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux; on appelle ainsi les premières, parce qu'elles sont formées en considération des personnes, les autres parce qu'on y envisage surtout les capitaux fournis; on donne a ces dernières le nom de sociétés " par actions; " le plus souvent, elles sont commerciales, mais rien n'empêche que le capital des sociétés civiles soit divisé en actions (voy. art. 768).
Le présent article limite aux sociétés de personnes la dissolution par la mort d'un des associés ou par l'une des autres causes portées au n° 5 de l'article 792. Il serait, en effet, déraisonnable que la mort d'un actionnaire pût dissoudre la société, alors que sa personne n'a été ni considérée, ni peut-être même connue, lors de la formation de la société. L'actionnaire qui a versé le montant de son action ou de ses actions a effectué son apport, et comme il ne doit plus rien à la société, son décès n'y jette aucun trouble; même les comptes à rendre seront rendus aux porteurs d'actions, quels qu'ils soient, aux actionnaires primitifs ou à leurs héritiers, et si l'un des actionnaires tombe en état d'interdiction, de faillite ou de déconfiture, ses droits seront exercés par son tuteur, dans le premier cas, et par ses créanciers dans les deux autres.
On remarquera que la loi a soin de limiter l'exemption de la dissolution au cas où les événements qui nous occupent se produisent en la personne d'un des actionnaires. C'est qu'en effet, il peut arriver et il arrive même souvent, qu'à côté des associés-actionnaires, non dénommés dans l'acte, il y a des associés en nom, dont la personne a été prise en considération pour la formation d-e la société et qui en seront ordinairement les gérants; or, si c'est l'un de ces associés qui vient à mourir ou à être frappé d'incapacité, avant le terme ilx6 pour la durée de la société, la dissolution devra s'ensuivre.
476. Le 2e alinéa du présent article élargit encore l'exception: lors même qu'il s'agirait d'une société de personnes, les associés peuvent convenir que la mort, l'incapacité ou l'insolvabilité survenant chez l'un des associés, ne mettra pas fin à la société, laquelle continuera alors ayec les autres associés, et les droits du "décédé, de l'incapable ou de l'insolvable seront réglés au jour de l'événement, comme si la société était dissoute, car elle l'est à son égard. Il va de soi, du reste, sans qu'il paraisse nécessaire de l'exprimer comme le fait le Code français (art. 1868), que " l'héritier participerait aux droits ultérieurs qui seraient une suite nécessaire de ce qui s'est fait avant la mort de l'associé auquel il succède" et il en faut dire autant des pertes qui ne se révèleraient de même que tardivement, mais dont la - cause serait dans des actes antérieurs.
La convention peut aller plus loin encore, on peut convenir que les héritiers du décédé deviendront euxmêmes associés en sa place, et, s'il s'agit d'une incapacité, que l'incapable restera associé, sauf à être représenté dans les redditions de compte ou les délibérations par son tuteur ou ses créanciers.
Le Code français n'a prévu la convention dérogeant à la dissolution de la société que pour le cas de décès d'un associé et ce n'est également qu'en vue du cas de décès qu'il a prévu que la convention pourrait admettre le représentant dè l'associé à entrer dans la société maintenue. Il n'y a pas lieu de considérer le silence de ce Code comme impliquant à l'égard d'un incapable la prohibition d'une telle convention qui ne serait contraire à aucun principe. Cette convention sera plus rare, sans doute, comme moins conforme à l'intérêt des associés, mais elle doit être considérée comme licite et le Projet lève tout doute à cet égard (2).
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(2) L'ancien texte admettait même que la convention pût continuer la société avec un insolvable; mais une telle convention serait si peu raisonnable qu'il vaut mieux ne pas la prévoir.