Art. 789. — 449. La loi prévoit enfin le cas où les parties n'auraient pas d'avance réglé les parts et où elles n'auraient pas non plus confié ce soin à des arbitres et aussi le cas où la décision arbitrale serait annulée: elle fait alors elle-même ce règlement, ce qui est de toute nécessité.
On aurait pu douter qu'il fallût admettre ici le cas où la décision arbitrale est annulée en vertu de l'article 787, et il ne serait pas déraisonnable de décider qu'alors le tribunal nommerait de nouveaux arbitres; mais ce serait s'exposer à un retard indéfini dans ce règlement, puisque la nouvelle décision pourrait ellemême être annulée pour l'une des trois causes énoncées à l'article 787, 2e alinéa. Nous ajoutons donc ce troisième cas de règlement légal que le Code français n'a pas prévu.
450. Le mode de fixation des parts adopté ici est le même que celui du Code français (art. 1853); il est d'une équité évidente: chacun aura dans le fonds social, augmenté des bénéfices ou diminué des pertes, une part proportionnelle à sa mise ou à son apport, et si l'actif est absorbé par les pertes et qu'il reste un excédent de passif, il sera de même supporté proportionnellement aux apports.
Ce point divisait les auteurs, en droit romain et dans l'ancien droit français, où l'égalité absolue et numérique des parts avait de nombreux partisans. Le Code français a fait une chose éminemment juste en adoptant la proportionnalité et on n'hésite pas à le suivre ici dans cette solution.
D'ailleurs, il n'est pas invraisemblable que l'égalité absolue des parts, dans les deux législations précitées, ait été fondée sur la présomption d'égalité des apports: lorsque les associés n'avaient pas réglé eux-mêmes leurs parts respectives, c'était sans doute parce qu'ils avaient reconnu que leurs apports leur donnaient un titre à des avantages égaux.
451. Si les apports ne consistent pas en argent et n'ont pas été évalués en argent, le tribunal devra préalablement procéder à cette évaluation.
Toutefois, l'apport de services, s'il n'a pas été évalué par les parties elles-mêmes, l'est par la loi et non par le tribunal: il se mesure sur la valeur du moindre apport des autres associés; c'est à celui qui apporte ses services et que cette estimation légale ne satisfait pas à faire adopter une autre évaluation par ses associés, au moment de la formation de la société.
Remarquons même que, pour que l'apport de services soit compté pour la valeur qui lui est ainsi attribuée, il faut qu'il ait été effectué en entièr, c'est-à-dire que, pendant toute la durée de la société, les services dont il s'agit aient été rendus et appliqués aux besoins de la; société: lors même que ce serait une force majeure, comme la maladie, qui aurait empêché l'associé de travailler pour la société, il n'en subirait pas moins une réduction proportionnelle de sa part; il n'y a que les corps certains apportés qui soient aux risques de la société. Cet apport est une sorte de louage de services,(v. art. 956 et s.).
452. Le texte suppose enfin que l'associé qui a promis ses services à la société a, en même temps, apporté de l'argent ou d'autres biens.
Ce cas, négligé par le Code français, mérite d'être mentionné et réglé, car il sera fréquent.
Il est naturel que cet associé ait deux parts; l'une aff,érente à ses services, l'autre afférente à ses autres apports.
On s'est demandé, dans ce cas, si l'apport le plus faible sur lequel se mesure l'évaluation des services pourrait être l'apport de celui-là même qui, avec ses services, apporte d'autres biens. Par exemple, un associé apporte 10,000 yens, un autre 5000, un troisième 2000 yens et ses services: ceux-ci seront-ils évalués 5000 ou 2000 yens ?
Assurément, le moindre apport d'argent est 2000 yens, mais si c'était sur cet apport que fût mesuré l'apport de services, il arriverait ce résultat choquant que celui qui apporte ses services serait moins bien traité quand il apporte quelque chose de plus que quand il n'apporte que ses services seuls. Il est impossible d'admettre une telle solution: les services seront donc dans ce cas, estimés 5000 yens. Du reste, le texte ne laisse pas subister de doute à cet égard, car il prend pour mesure de l'apport de services le plus faible apport " des autres associés. "
On devrait décider de même en droit français.
Nous avons dit plus haut que le tribunal doit évaluer les apports autres que celui de services. Lorsque ce sont des arbitres qui doivent fixer les parts, d'après l'article 787, ils doivent évidemment faire une pareille évaluation, pour que leur règlement soit équitable/ Mais sont-ils tenus d'observer la même exception en ce qui concerne les services ?
Nous n'hésitons pas à répondre négativement: lorsque les associés ont déféré à des arbitres la fixation des parts, c'est qu'elles n'ont pas voulu accepter le règlement légal; or, l'évaluation faite par la loi de l'apport de services peut être la cause principale de leur compromis, de leur renvoi à des àrbitres.
453. Nous avons eu à nous prononcer plus haut sur la question de savoir si un associé pourrait valablement apporter son crédit en société et nous avons conclu dans le sens de la négative (v. n° 398). Il n'y a donc pas de question, pour nous, sur l'évaluation à faire d'un tel apport et nous espérons qu'il ne s'en soulèvera pas au Japon, à cet égard.
Mais ce qui devrait faire encore plus hésiter, en France et ailleurs, ceux qui ne reculent pas devant l'admission d'un apport de crédit, c'est la difficulté de l'évaluer: on ne peut l'assimiler à un apport de services et lui donner la valeur du plus faible apport de choses, car la disposition légale qui fait cette assimilation est de droit étroit, comme toute exception; quant à assigner une valeur, par expertise, à un apport aussi incertain dans ses effets que le crédit, soit contre celui qui le promet, soit en faveur des autres associés, il faut reconnaître que c'est absolument impossible.
Un tel apport, pour ceux qui l'admettent, ne pourrait donner droit à une part de profits ou imposer une part de pertes que s'il y avait une convention spéciale fixant cette part.