Art. 769. — N° 411. C'est une règle de droit commun que les droits qui ne sont affectés ni d'un terme ni d'une condition et qui, pour cette raison, sont dits “purs et simples," sont immédiatement exigibles, dès que l'acte qui leur donne naissance est lui-même parfait (voy, art. 422).
La loi applique cette règle à la société: d'abord à sa naissance, dans ler alinéa du présent article, ensuite à la réalisation des apports dans le 2° alinéa.
Mais la loi admet aussi une convention tacite autant qu'expresse pour la fixation d'un autre terme ou d'une condition retardant ou suspendant le commencement de la société ou de la réalisation d'un ou plusieurs apports.
En effet, il peut résulter de l'objet de la société une preuve suffisante qu'elle ne peut commencer à fonctionner utilement qu'après un certain temps ou si un certain événement s'accomplit.
Par exemple, une société s'est formée, au mois de janvier, pour la pêche dans l'ile de Yéso ou dans les Kouriles; cette pêche ne peut avoir lieu avant le mois. d'avril ou de mai; pour atteindre l'objet de la société, l'un doit fournir le bateau, l'autre de l'argent pour les provisions et les appareils, plusieurs autres doivent donner leur travail; dans ce cas, bien que l'on conçoive, à la rigueur, que la société existe avant de pouvoir fonctionner, on peut reconnaître qu'en fait, telle n'a pas été l'intention des parties, lesquelles n'ont pas agi en jurisconsultes, mais en spéculateurs.
De même, s'il s'agit de la formation d'une société pour l'exploitation d'une mine, pour laquelle il faut l'autorisation du Gouvernement, la société sera tacitement retardée dans sa formation jusqu'à l'obtention de ladite autorisation, elle y sera même subordonnée.
412. Le Code français dit, assez inutilement, que “ chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu'il a promis de lui apporter” (art. 1815). Le présent article (2° al.), au lieu de proclamer une conséquence aussi évidente de l'effet obligatoire des conventions, et désireux pourtant de la mentionner, la rattache à la disposition précédente, c'est-à-dire à la formation de la société, laquelle rend les apports exigibles.
Le 2e alinéa a surtout pour but de dire, implicitement, que l'associé est de plein droit en demeure, s'il n'effectue pas son apport au moment où il est dû: bien que la loi n'emploie pas cette formule générale, il ne faut pas douter que ce ne soit sa pensée et que toutes les conséquences de la mise en demeure ne se produisent, outre celles que la loi exprime ici: notamment, si la chose due est un corps certain, elle sera désormais aux risques de l'associé, en cas de perte fortuite et si elle n'avait pas dû périr au cas où elle aurait été livrée (voy. art. 355).
Ce qui est encore à remarqner dans le présent article, c'est que les sommes d'argent non versées en temps utile par les associés produisent non seulement les intérêts légaux, conformnément au droit commun, mais encore des dommages-intérêts supplémentaires. L'article 411, 1er alinéa, a réservé les cas où ce supplément serait permis par la loi. La seule différence entre ces deux classes d'intérêts c'est que les premiers seront dus, sans que les associés soient tenus de justifier d'aucune perte: la perte est présumée (voy. art. 412); tandis que les seconds ne seront dus que sur la justifi. cation spéciale d'une perte supérieure à celle des intérêts légaux.