Art. 751. — N° 349. La licitation, dans son sens propre et d'origine latine, est la “vente aux enchères (a);" l'usage moderne a limité l'emploi de ce mot à la vente aux enchères “d'un bien indivis”; du reste, il n'est pas nécessaire que les enchères soient publiques pour qu'il y ait licitation: on verra bientôt que les enchères peuvent n'avoir lieu qu'entre les copropriétaires eux-mêmes.
La licitation est ici appliquée, suivant l'usage, à un bien indivis, et c'est parce qu'elle n'a pas toujours le caractère d'une vente, mais l'a quelquefois, souvent même, qu'elle ne figure dans ce Chapitre que comme Appendice.
La loi commence par dire quand il y a lieu à la licitation. C'est évidemment quand il n'y a pas partage en nature. Mais quel obstacle la loi suppose-t-elle à ce partage ?
Le Code français (art. 1686) suppose et paraît exiger “que le partage en nature ne puisse se faire commodément et sans perte," ou "qu'aucun des propriétaires ne puisse ou ne veuille prendre le bien," évidemment en indemnisant les autres de leur part.
Le Projet s'écarte de ces deux conditions et les remplace par une seule autre: “le refus par un des copropriétaires de procéder au partage en nature.”
La première condition est écartée, car elle nécessite, en cas de désaccord entre les parties, une première intervention du tribunal pour décider si la chose est ou non “partageable commodément et sans perte”: c'est une occasion de lenteurs et de frais regrettables, et l'on doit considérer les parties comme meilleurs juges que le tribunal de leurs intérêts et de leurs convenances.
En se contentant du refus d'un seul des propriétaires de partager en nature, la loi simplifie la solution et celle-ci nuit moins aux parties que la solution du Code français, car l'un des copropriétaires ne se trouvera pas forcé d'avoir malgré lui une portion de la chose commune, et ceux qui désirent avoir la leur pourront acquérir le tout sur la licitation.
Remarquons d'ailleurs que cette disposition ne concerne que l'indivision d'un ou plusieurs objets déterminés, car, s'il s'agissait d'une universalité, comme d'une succession échue à plusieurs ou d'une société dissoute, le partage en nature, avec formation de lots, pourrait être imposé à un ou plusieurs des copropriétaires même opposants.
La seconde condition du Code français est qu'aucun des propriétaires ne veuille prendre la chose (ou une des choses indivises lorsqu'il y en a plusieurs). Mais, il ne suffit pas, pour empêcher la licitation, qu'un des propriétaires veuille prendre pour lui la chose indivise, pas plus qu'il ne suffirait que chacun voulût la prendre: il faut encore qu'on soit d'accord sur l'équivalent qui doit être fourni; or, ce désaccord seul oblige à recourir à la licitation, sauf à la faire à l'amiable, c'est-à-dire que les enchères n'aient lieu qu'entre les copropriétaires.
C'est donc encore avec raison que le Projet déclare qu'il y a lien à licitation “dès que l'un des intéressés refuse de partager en nature.”
350. La licitation on vente aux enchères n'est pas, dans ce cas, le seul moyen de remplacer le partage en nature: les parties peuvent faire une vente à l'amiable, soit à un tiers, soit même à l'une d'entre elles; ce ne serait pas une licitation, puisqu'il n'y aurait pas d'enchères, quoique le prix fût débattu, peut-être avec plusieurs.
Bien entendu, pour qu'il y ait ainsi vente amiable, il faut supposer que tous les copropriétaires sont présents et capables ou maîtres de leurs droits. L'article suivant supposera le cas contraire.
La loi termine en disant que le prix sera distribué entre les copropriétaires dans la mesure de leur droit ou de leur part dans la chose. Cela ne demande pas de justification.
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(a) Pour ne pas donner dans le texte une définition dogmatique de la licitation et pour que cependant le sens du mot fût consacré par la loi, il y est introduit comme équivalent des mots "vente aux enchères,” en remarquant toujours qu'il s'agit d'un bien indivis.