Art. 746. — 343. La loi règle ici, avec quelques détails, le délai des actions relatives aux vices cachés.
Le Code français (art. 1648) présente, à cet égard, une disposition singulière et peut-être unique en matière de prescription d'actions: au lieu de déterminer un délai fixe pour les actions rédhibitoire et en diminution de prix, il se borne à dire qu'elles devront être exercées " dans un bref délai," ce qui laisse aux tribunaux un pouvoir peut-être dangereux pour admettre ou rejeter l'action et expose l'acheteur aux frais et aux embarras d'une demande dont il ne peut savoir d'avance exactement si elle est ou non recevable.
Le Code italien est plus sage (art. 1500): il fixe luimême un délai, et il le fait varier avec l'objet vendu, suivant qu'il s'agit d'un immeuble, d'un animal ou de tout autre objet mobilier. C'est le système ici propose; seulement, au lieu d'un an pour les immeubles, nous croyons suffisant de donner un délai de six mois et il pourra être réduit ou augmenté suivant certaines circonstances, comme il est dit ci-après.
Le délai ne se compte pas du jour de la vente, mais de celui de la livraison, parce que c'est seulement lorsque l'acheteur est en possession de la cliose qu'il en peut connaître les vices.
D'un autre côté, le délai n'a cette durée que pour permettre à l'acheteur de découvrir les vices cachés, pour qu'il ait l'occasion probable d'en avoir connaissance; si donc, il acquiert cette connaissance à un moment assez rapproché de la livraison, il n'y a pas de motif de lui laisser un délai aussi long et il est réduit de moitié, "en supposant que ce qui en reste à courir excède cette durée autrement, l'action s'éteindrait avec le reste du délai.
Ce serait au vendeur à prouver, quand il y a intérêt, que l'acheteur a acquis la connaissance des vices.
344. En sens inverse, il est possible que, par suite de circonstances exceptionnelles ou de la nature de la chose, l'acheteur n'ait pas eu, pendant un certain temps, la possibilité de découvrir le vice caché; dans ce cas, il est juste que la loi lui vienne en aide et que le délai puisse être prorogé par le tribunal, c'est-à-dire que l'action soit reçue nonobstant l'expiration du délai.
Comme application de cette exception, nous citerons le cas, rare sans doute, d'un terrain destiné à la culture, qui serait exposé à des inondations graves par suite de l'éboulement récent d'une montagne obstruant une rivière: la vente pourrait avoir été faite longtemps avant l'époque des grandes pluies ou de la fonte des neiges et si cette époque se trouvait encore distante de plus de G mois lors de la livraison, ou si elle avait été retardée par une cause naturelle, connue ou inconnue, il serait juste de relever l'acheteur contre la déchéance.
Pour les meubles, il serait plus difficile encore de donner un exemple pratique et qui ne présentât pas de négligence chez l'acheteur.
On pourrait supposer pourtant un objet mobilier qui, ayant été volé chez l'acheteur, peu de jours après la livraison et avant que celui-ci ait eu le temps d'en connaître les vices, n'aurait été recouvré qu'après l'expiration des trois mois donnés pour l'action. Mieux encore serait le cas de semences vendues longtemps avant l'époque des semailles et qui auraient, en tout ou en grande partie, manqué à germer, quoique conservées et ensemencées dans de bonne conditions.
Mais nous n'admettrions pas qu'il y eut lieu à la prorogation du délai par suite d'une cause d'empêchement toute personnelle à l'acheteur, comme une maladie, une absence, même fondée sur un service public: en pareil cas, comme il est toujours possible de charger un mandataire (les intérêts qui pourraient sOllfi'rir, il n'y a pas lieu à prorogation des délais ni à relèvement contre la déchéance. C'est déjà une dérogation exceptionnelle au droit commun que celle qui permet ici de proroger le délai pour cause majeure; cette exception se justifie par la brièveté du délai de l'action qui nous occupe, mais elle ne doit pas être exagérée.
Il fallait assigner un nouveau terme à la prolongation exceptionnelle du délai, la loi le fixe à " un tiers du délai normal, à partir du moment tardif où le vice s'est révélé " (1).
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(1) Ce délai que nous n'avions proposé qu'après l'impression de la précédente édition a été adopté et figure au Gode officiel (art. 99 il u Livre de l 'Acquisition des Biens).