Art. 743. — 340. L'annulation de la vente ou la diminution du prix n'indemniserait pas toujours suffisamment l'acheteur.
Ainsi, supposons qu'il obtienne l'annulation de la vente, il lui faudra se procurer une autre chose, avec difficulté peut-être, et pour un prix plus élevé qu'il ne l'eût payée antérieurement; s'il a pris lui-même des engagements qu'il ne pouvait remplir qu'avec la chose vendue, il peut manquer à gagner et même encourir une certaine responsabilité envers des tiers. L'action en diminution de prix ne l'indemuise pas non plus en entier; dans la même hypothèse, la chose conservée peut ne pas suffire à lui permettre de remplir ses engagements.
Mais les dommages-intérêts seront encore plus faciles à justifier, si nous supposons que la chose a causé chez l'acheteur des dommages directs aux biens ou aux personnes; ce qui arrivera si la vente a eu pour objet un animal vicieux, une voiture en mauvais état, une machine à vapeur dont quelques parties non visibles étaient détériorées. Le cas le plus simple serait celui d'une tête de bétail atteinte d'une maladie contagieuse non encore apparente et qui aurait été communiquée à tout ou partie d'un troupeau de l'acheteur. On peut citer encore un vase, un tonneau veudu qui, ayant contenu des acides, sans odeur qui les révélât, gâterait le vin, l'huile ou toute autre substance qui y aurait été introduite.
Si la loi ne statuait spécialement ici sur le règlement de l'indemnité, on appliquerait le droit commun, on distinguerait entre la bonne et la mauvaise foi du vendeur, mais la bonne foi n'excluant pas la possibilité d'une faute, on pourrait imputer à faute au vendeur d'avoir ignoré les vices de la chose qu'il vendait: il n'y aurait de différence entre la bonne et la mauvaise foi que quant à l'étendue de la responsabilité pouvant aller, au cas de mauvaise foi, jusqu'aux dommages imprévus et impossibles à prévoir (v. art. 405).
Mais le Projet, pour éviter des recours des vendeurs les uns contre les autres, et imitant en cela le Code français (art. 1645 et 1646) et le Code italien (art. 1502 et 1503), ne soumet le vendeur de bonne foi qu'à la restitution du prix et des frais ou à la diminution du prix, et il restreint la responsabilité des autres dommages et pertes au cas de mauvaise foi. Dans ce dernier cas, les tribunaux devront être encore plus sévères pour le vendeur qui, par dol, aura dissimulé les vices de sa chose que pour celui qui, les connaissant, se sera borné à ne les pas révéler.