Art. 725. — 298. L'exercice de la faculté de retrait aurait pu être considéré comme exclusivement attaché à la personne du vendeur et comme ne pouvant être exercé par ses créanciers: il serait alors entré dans l'exception mise par la loi à l'exercice de l'action dite indirecte ou oblique (v. art. 359, 3° al.). Ce caractère personnel serait d'autant plus apparent qu'il s'agit plutôt ici d'une faculté, que d'un droit proprement dit (b).
Mais la loi, considérant que le bien n'a pas été vendu à sa valeur véritable, à cause du risque que court l'acheteur, ne veut pas que celui-ci profite des embarras d'argent du vendeur: si le vendeur, ne pouvant exercer le retrait, a des créanciers qui croyent de leur intérêt de faire rentrer le bien dans les mains de leur débiteur, en fournissant les sommes nécessaires, il est juste de le leur permettre: c'est un de ces cas où, entre personnes dignes d'intérêt à des titres différents, " la loi donne la " préférence à celle qui cherche à éviter une perte sur " celle qui cherche à réaliser un gain " (voy. Tome II, nos 78, 91, 163).
Mais, pour qu'il n'y ait pas d'abus de la part des créanciers, la loi veut qu'ils établissent préalablement l'insolvabilité du débiteur; c'est moins exiger que ne fait le Code français (art. 1666), lequel autorise l'acquéreur à demander la discussion préalable des autres biens du vendeur, c'est-à-dire leur vente. D'un autre côté, cette discussion est implicitement soumise aux mêmes règles que le bénéfice de discussion invoqué par la caution (v. c. civ. fr., art. 2021 à 2024), il en résulte des limites, des délais, des frais qui seraient ici également nuisibles aux deux sortes d'intéressés; la loi les protège davantage et plus facilement, en se contentant de la subrogation judiciaire déjà mentionnée dans l'article 359, lequel règle l'exercice ordinaire des droits d'un débiteur par ses créanciers.
299. Il est naturel que l'acheteur puisse empêcher le retrait par les créanciers du vendeur en les désintéressant. Cependant, on songe aussitôt au danger de voir tous ces créanciers se présenter successivement devant l'acheteur avec la menace du retrait. Mais cet abus est conjuré par l'application d'un principe de la matière (v. art. 727, 1er al.) auquel la loi se réfère ici: l'acheteur fera subir au premier créancier la déduction des dépenses déjà faites " pour la conservation de la chose " et quand se présentera le second créancier, il lui fera subir, à son tour, la déduction de ce qu'il aura payé au premier, parce que c'est une là véritable dépense de conservation, et ainsi de suite pour les autres; cela arrêtera promptement leurs prétentions.
Le renvoi à l'article 717, pour les déductions. que l'acheteur fait subir aux créanciers eût été trop absolu, si la loi n'y ajoutait une restriction en ce qui concerne les frais du contrat: il est clair que, puisque le contrat est maintenu, la moitié des frais payée par l'acheteur doit rester à sa charge.
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(b) Sur la différence entre les simples facultés et les droits proprement dits, voir l'article 359 et le Commentaire, au Tome II, n° 154.