Art. 724. — 295. On a dit, en commençant, que la faculté qui nous occupe n'est pas, à proprement parler, un rachat, parce qu'un rachat ou une revente ne ferait recouvrer la chose au vendeur que dans l'état où elle serait présentement, c'est-à-dire grevée des droits qu'aurait conférés l'acheteur, et même ne pourrait aucunement la faire recouvrer si elle avait été aliénée en entier: au lieu d'un rachat, c'est donc une résolution.
Le caractère de la résolution est bien connu déjà: elle remet les choses en l'état où elles étaient lors du contrat dont elle opère la destruction elle a un effet rétroactif (v. art. 429).
La loi applique ici ce principe aux ventes d'immeubles soumises à la faculté de retrait; les tiers ne peuvent sérieusement se plaindre, puisque la faculté de retrait ne leur est opposable que si elle a été insérée dans l'acte même de vente et publiée en même temps (a).
La loi fait une exception en faveur de ceux qui auraient acquis un droit de bail sur la chose, mais à la condition que ce bail ait, par sa durée peu considérable, un caractère d'acte d'administration, comme il est régie aux articles J26 et 127 (2). Le texte n'ajoute pas, comme le Code français (art. 1673) et comme le Projet, au sujet des conditions résolutoires en général (art. 431), que le bail doit avoir été fait sans fraude ou de bonne foi, parce que, du moment que ce contrat a le caractère d'un acte d'administration, l'acheteur a fait une chose raisonnable et utile, quel que puisse être le sort de la vente; cette condition de bonne foi ne serait justifiable que si l'acte d'administration n'était pas limité dans sa durée; aussi, peut-on s'étonner que le Code italien, qui admet aussi la limite de 3 ans pour le bail, exige de plus que ce bail soit " fait sans fraude " (art. 1528).
296, Lorsqu'il s'agit d'une vente de meubles, la loi ne défend pas la stipulation de la faculté de retrait, mais elle en restreint beaucoup les effets: la résolution ne pourra détruire les droits réels acquis aux tiers, parce que la faculté de retrait, n'ayant pas été publiée, peut ne pas être connue de ceux-ci; mais ici, comme il s'agirait souvent moins d'actes d'administration que d'actes de disposition, la loi exige que les tiers aient été de bonne foi, c'est-à-dire aient réellement ignoré la faculté que s'était réservée le vendeur; or, si on présume la bonne foi, la preuve directe de la mauvaise foi peut toujours être fournie, et, en fait, il est possible que l'acheteur, en traitant avec les tiers, les ait avertis du danger de résolution.
La loi ne prévoit pas ici le bail par l'acheteur du meuble vendu à retrait; il devrait être respecté, quelle que soit sa durée, car, plus il sera long, plus il sera voisin d'une disposition complète, laquelle devrait être respectée par le vendeur.
297. La faculté de retrait, ainsi restreinte dans ses effets pour les meubles, ne semble plus différer de la simple promesse unilatérale de revente véritable qu'aurait faite l'acheteur; il faut, en effet, reconnaître que si la mauvaise foi des tiers les soumet à la résolution, leur mauvaise foi les soumettrait aussi au respect d'une promesse de vente. Il ne faut pas non plus chercher de différence dans la circonstance que l'acheteur serait devenu insolvable, sans avoir d'ailleurs aliéné ni engagé l'objet: assurément, par la résolution, le vendeur, moyennant le remboursement du prix, recouvrerait la chose vendue, intégralement et sans subir le concours avec les autres créanciers; mais, avec la promesse de vente, le stipulant aurait le même avantage: il obtiendrait la chose en entier, en payant le prix total; il ne pourrait être contraint à n'en recevoir qu'une partie, même avec réduction proportionnelle du prix.
S'il y a quelque intérêt à distinguer ici le retrait de la promesse de vente, ce ne peut guère être qu'au sujet des droits fiscaux auxquels, dans l'avenir, les ventes de meubles pourraient être soumises: la promesse de vente entraînerait ces frais, parce qu'il y aurait mutation de propriété; le retrait ne les entraînerait pas, parce que le vendeur, en recouvrant la propriété, serait censé ne l'avoir jamais perdue.
Le Code français ne s'est pas expliqué sur l'exercice de la faculté de retrait en matière de meubles; il est impossible de croire qu'il ait permis de s'en prévaloir au préjudice des tiers acquéreurs de bonne foi.
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(a) Le Code français (art. 1664) n'a pas employé une formule heureuse pour exprimer la même idée: il admet l'exercice du réméré contre un second acquéreur "quand m ê m e la faculté de réméré n'aurait pas été déclarée dans le second contrat; " il semble qu'il eût été plus utile de dire: "pourvu que la faculté...a i t été déclarée dans le premier contrat."
(2) L'ancien texte portait une limite uniforme de 3 ans: c'était trop long pour certains biens et trop court pour d'autres; il nous semble préférable de prendre ici pour mesure la durée des baux que peut faire un administrateur de la chose d'autrui (comp. art. 431).
Le Code officiel a adopté la durée d'un an restant à courir.