Art. 721. — 289. Le droit de résolution en matière de meubles ne peut guère être connu des autres créanciers de l'acheteur, comme lorsqu'il s'agit des ventes d'immeubles: pour ces dernières, si l'acte transcrit porte que le prix est encore dû, en tout ou en partie, ceux qui traitent ensuite avec l'acheteur savent qu'ils sont exposés à la résolution en faveur du vendeur. Mais les actes de ventes mobilières ne sont pas publiés et il ne serait pas juste que les créanciers de l'acheteur se vissent enlever un bien de leur débiteur lorsqu'ils ont pu le considérer comme étant leur gage général.
La loi toutefois doit faire quelques distinctions, pour ne pas sacrifier hors de propos les droits du vendeur.
Ier Cas. La vente a été faite avec ou sans terme pour le payement, mais la délivrance n'a pas encore été faite, soit parce que le vendeur a lui-même obtenu un terme à cet égard, soit parce que l'acheteur ne l'a pas sommé de délivrer: ici, le droit de résolution reste entier contre les autres créanciers, car, la délivrance n'ayant pas encore été faite, ils n'ont pas eu lieu de considérer la chose comme leur gage. La résolution n'est en fermée dans aucun délai: elle peut avoir lieu " toujours," à toute époque (1er al.). Sans doute, la tradition n'a pas été nécessaire pour que la propriété fût transférée à l'acheteur; mais si les créanciers ont connu cette translation, ils ont dû en connaître aussi les conditions; ils ont c1ft savoir que le prix n'était pas encore payé: le vendeur recouvrera la propriété.
IIe Cas. I ja vente a été faite avec terme pour le payement et le vendeur a dû délivrer la chose irrimcdiatement; en effet, il n'avait pas le droit de rétention dans ce cas (v. art. 684, 3c al.); il n'a pas non plus le droit de résolution que lui refuse notre article (2C al.). On peut dire, dans ce cas, suivant une formule qui remonte aux Romains, que " le vendeur a suivi la foi de l'acheteur," non en ce sens qu'il a accepté le risque de son insolvabilité, mais en ce sens que la propriété est irrévocablement acquise à l'acheteur, au moins " au regard des autres créanciers" et qu'elle fait partie de leur gage général (2); le vendeur conserve toujours un privilége sur le prix de la revente faite soit à l'amiable, soit sur saisie (5° al.); en effet, l'article 1162, 1er alinéa, lui accorde un privilége dans tous les cas, sans distinguer si la vente a eu lieu avec ou sans terme ni s'il y a eu ou non délivrance.
Le vendeur conserverait même le droit de résolution dans ce cas qui lui est le moins favorable, s'il n'avait que l'acheteur comme défendeur, sans aucun créancier intéressé à y contredire.
IIIe Cas. La vente a eu lieu sans terme pour le payement et la délivrance a été faite (3e al.). Le vendeur, en ne consentant pas de terme, n'a pas suivi la foi de l'acheteur, même quant à l'abandon définitif du droit de propriété:* s'il a fait la délivrance c'est qu'il espérait être payé promptement l'acheteur lui aura donné sans doute quelque assurance mensongère dont il ne doit pas être victime, pourvu qu'il ait soin de ne pas laisser s'écouler un temps trop long avant de demander la résolution. La loi lui donne seulement huit jours pour exercer ce droit de résolution; c'est le même délai que dans le Code français (art. 2102-4°), pour une revendication assez équivoque dont nous parlerons sous l'article 1164, lequel ne la lui accorde pas (v. T. IV, n° 315); le Code italien (art. 1513) accorde quinze jours pour une résolution proprement dite, semblable à celle de notre article.
Dans tous ces cas, la loi prend encore soin (4° al.) de sauvegarder l'intérêt des tiers qui ont acquis des droits réels sur la chose, comme serait, par exemple, un tiers auquel la chose aurait été aliénée, même sans lui être livrée, ou un créancier privilégié dont le droit serait fondé sur le nantissement même tacite, comme celui du bailleur de la maison d'habitation de l'acheteur, si l'objet vendu est par sa nature soumis au privilége du bailleur; à plus forte raison, serait respecté le droit c1e gage proprement dit d'un créancier auquel la chose aurait été remise en nantissement. La loi subordonne toutefois la préférence des tiers à leur bonne foi, c'està-dire à leur ignorance que le prix de vente du meuble était encore dû. Sans doute, la bonne foi se présumera, ici comme toujours, mais le vendeur sera reçu à prouver, par tous les moyens ordinaires, que les tiers connaissaient le défaut de payement du prix.
Enfin, la loi réserve, pour tous les cas également, avec le renvoi nécessaire, le privilége du vendeur de meubles déjà mentionné plus haut.
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(2) Chez les Romains, la vente de meuble ou d'immeuble, même suivie de tradition, était subordonnée tacitement à la condition suspensive que le prix serait payé; mais cette condition cessait d'être sous entendue si le vendeur avait donné un terme pour le payement et livré la chose > dans le droit moderne, la condition tacite est non plus suspensive mais résolutoire, et quand il s'agit de meublé notre article supprime le droit à la résolution, si la délivrance a eu lieu.