Art. 720 bis. -288. Assurément, le vendeur d'immeubles non payé de son prix, ou envers lequel l'acheteur n'aurait pas rempli ses autres obligations, ne serait pas suffisamment protégé si son action résolutoire était purement personnelle: s'il ne pouvait l'exercer contre les tiers, l'acheteur ne manquerait pas, pour échapper à la résolution, d'aliéner l'immeuble ou de l'hypothéquer.
Mais il ne faut pas non plus que les sous-acquéreurs ou les créanciers hypothécaires soient exposés à perdre des droits qu'ils ont pu croire il l'abri de toute atteinte.
Le système général de la loi, en matière de propriété immobilière, est de ne pas exposer les acquéreurs iL des évictions qu'ils n'ont pu prévoir. De là, la nécessité pour le vendeur qui veut conserver à la résolution son caractère réel de lui donner une publicité suffisante.
Le moyen est toujours la transcription.
Si le vendeur est prudent, c'est dans l'acte même de vente qu'il fera insérer les charges et conditions du contrat, à la suite du montant du prix; mais pour le prix, il ne suffira pas de l'énoncer, il faudra de plus exprimer qu'il est encore dû, pour le tout ou pour partie; car, il n'est pas rare que le prix soit payé comptant ou peu de temps après la vente, et les tiers ne doivent pas rester dans l'incertitude à ce sujet (a). Sans doute, la loi pourrait laisser les tiers dans la nécessité de s'informer près du vendeur si le prix simplement énoncé a été payé, comme ils doivent s'informer si les autres conditions ont été remplies; mais, dès que le contrat exprime que le prix est encore dû, cette mention est pour eux un avertissement, une menace salutaire qui les préservera de la négligence. Si donc le contrat ne porte pas la mention exigée, la résolution faute de payement ne pourra, en principe, atteindre et dépouiller les tiers.
Mais la loi fait sagement, en permettant au vendeur de réparer cette omission, au moyen d'une publicité tardive, soit des charges et conditions, soit du non payement du prix, soit même de la demande en résolution déjà formée. Cette publication n'aura pas d'effet rétroactif, il est vrai: elle ne permettra pas au vendeur d'atteindre les tiers qui ont déjà traité avec l'acheteur, depuis la transcription qu'il a faite, mais ella arrêtera les transcriptions et inscriptions qui seraient opposables au vendeur (voy. art. 372, 1er al.) (I). Sous ce rapport, la position du vendeur est moins bonne que si l'acheteur n'avait pas fait cette transcription incomplète; en effet, tant que la transcription n'est pas faite, le vendeur est considéré, à l'égard des tiers, comme étant encore propriétaire (v. art. 1186).
Dans notre article, on ne parle que de la résolution au profit du vendeur, car lorsque l'acheteur demande la résolution, ce n'est que pour recouvrer son prix: il ne peut être dès lors question pour lui d'agir contre les tiers.
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(1) La conservation de l'action résolutoire et surtout son exercice contre les tiers, en matière d'immeubles, ont été soumises à des conditions particulières, par trois articles supplémentaires (art. 1276 bis, 1278 bis et 1290 bis) qu'il serait prématuré d'expliquer ici: on les justifiera au Livre IV.
(a) Cette première disposition est empruntée au Code français, au moins en ce qui concerne le prix (v. art. 2108). Le Code italien est beaucoup moins favorable au vendeur: il ne suffit pas, pour qu'il puisse exercer l'action résolutoire contre les tiers, qu'il ait fait savoir par la transcription de l'acte de vente que tout ou partie du prix lui est encore dÙ, il faut encore qu'il ait fait transcrire la de m a nde en résolution jusque-là les tiers acquéreurs lui sont préférables (v. art. 1511).