Art. 720. — N° 285. La résolution de la vente pour inexécution des obligations par l'une ou l'autre des parties n'est que l'application du droit commun (v. art. 441 à 444 et Comm., T. II, nos 394 s.); mais comme c'est peut-être dans la vente qu'elle reçoit le plus fréquemment son application, il est d'usage dans les lois de la mentionner spécialement.
C'est généralement contre l'acheteur que la résolution aura lieu, parce que la principale obligation du vendeur, celle de délivrer, peut être exécutée sans sa volonté par voie de saisie; l'obligation de l'acheteur, étant de payer une somme d'argent, est en même temps ]a plus difficile à remplir, elle est aussi de nature à être retardée par le mauvais vouloir du débiteur.
Le Code français a prévu la résolution de la vente contre le vendeur pour défaut de délivrance (art. 1610) et pour éviction partielle de l'acheteur (art. 1636 et 1638), et contre l'acheteur pour défaut de payement (art. 1654 à 1657).
Le Projet réunit ici dans une formule commune tous les cas de résolution, en se référant au principe général, tel qu'il est posé dans la matière des Obligations, pour les contrats synallagmatiques.
En général, la résolution pour inexécution a lieu par l'effet d'une convention tacite; dans ce cas, il faut que la partie qui l'invoque s'adresse à la justice, et celle-ci peut suspendre la résolution en accordant un délai de grâce à la partie défenderesse; on sait seulement que ce pouvoir du tribunal cesse dans quelques cas qui ont été indiqués aussi dans la matière des Obligations en général (art. 426) et sur lesquels il n'est pas nécessaire de revenir ici.
Le Code français (art. 1655) refuse au tribunal la faculté d'accorder un délai à l'acheteur, " si le vendeur est en danger de perdre la chose et le prix," ce qui sera fréquent dans les ventes de meubles, lorsque la tradition aura déjà été faite, et sera possible dans les ventes d'immeubles, au cas, déjà prévu ci-dessus, où le vendeur aurait négligé les formalités requises pour la conservation de son privilége et pour que son droit de résolution fût opposable aux tiers. Lors donc que.la chose vendue, livrée ou non, n'aura encore été l'objet d'aucune convention entre l'acheteur et un tiers, le droit de résolution pourra être utilement exercé et le vendeur, en publiant la résolution opérée, se mettra à l'abri de tous droits ultérieurs des tiers (comp. art. 372, y al., L. fr. de 1855, art. 4 et 7).
286. Le Projet ne présente pas ici une disposition analogue à celle du dit article 1655, parce que l'article 426 a refusé aux juges, d'une manière générale, le droit d'accorder un délai de grâce, " lorsque le créancier en devrait éprouver un préjudice sérieux."
Les parties peuvent aussi stipuler d'une manière expresse la résolution pour inexécution, respectivement; elles se proposeront alors d'éviter la nécessité d'une action en justice et la résolution aura lieu de plein droit; par conséquent, aucun délai de grâce ne pourra être accordé à la partie qui sera en faute.
Mais cette résolution de plein droit n'a toujours pas lieu par le seul effet de l'échéance du terme: il faut encore que la partie qui n'exécute pas ait été mise en demeure, par un acte de procédure extrajudiciaire, à moins qu'il n'ait été convenu que la seule échéance du terme la constituerait en demeure; c'est l'application du droit commun (v. art. 404).
Le Code français, en exigeant aussi une sommation restée sans effet pour que la résolution de plein droit se produise, a paru à certains auteurs accorder au débiteur une protection spéciale; mais il est plus vrai qu'il a, en cela encore, suivi le droit commun.
Rappelons enfin que la partie qui est en faute ne peut se prévaloir de la résolution opérée de plein droit que si l'autre partie l'invoque contre elle: autrement, elle bénéficierait de sa faute (v. art. 442).
287. On remarquera que la loi permet de cumuler avec la résolution ”l'indemnité des pertes éprouvées," mais non la compensation des gains manques; déjà, sous l'article 444, on a justifié cette limite spéciale à l'indemnité et le rejet de l'expression ordinaire de " dommages-intérêts: " on a dit qu'il ne serait pas juste que la partie qui fait détruire le contrat en bénéficiât néanmoins, alors qu'elle recouvre la faculté de faire un nouveau contrat, au sujet de la même chose, avec un nouveau bénéfice.