Art. 715. — 277. Ordinairement, il ne suffit pas d'être débiteur d'un capital exigible pour en devoir les intérêts; il faut, en général, une convention spéciale ou une demande en justice; par exception, dans divers cas, tantôt les intérêts courent de plein droit, tantôt une simple sommation suffit pour les faire courir (voy. art. 413).
On trouve ici l'application de la double exception.
1° Les intérêts du prix de vente sont dus de plein droit, c'est-à-dire sans convention, sans demande Cil justice ni sommation, lorsque la délivrance a eu lieu et que la chose vendue produit des fruits: dans ce c::s, la plus simple équité demande que l'acheteur paye un équivalent des fruits qu'il perçoit et, pour que le mot fruits ne soit pas entendu dans un sens trop étroit, la loi a soin de mettre sur la même l'igne les autres avantages périodiques que la chose peut procurer à l'acheteur, lorsque ces avantages sont appréciables en argent. Tel serait le cas d'une maison d'habitation que l'acheteur habiterait lui-même: il est clair que l'économie qu'il réalise sur son loyer est un avantage pécuniaire. Il en serait de même d'un cheval, d'une voiture ou de tout autre objet mobilier dont l'acheteur se servirait et qu'à défaut de la vente il lui faudrait louer.
Quelques cas peuvent paraître douteux. Par exemple, s'il s'agissait d'un terrain situé dans une ville, non bâti et non mis en culture, mais destiné à être couvert de constructions dans un temps plus ou moins prochain; assurément, il serait possible qu'il gagnât en valeur, d'une façon lente et continue, mais on ne pourrait pas dire qu'il, produit des avantages périodiques appréciables en argent," à moins qu'il ne fût loué; et l'on ne devrait pas prétendre que l'acheteur pourrait le louer pour des dépôts de matériaux, ce qui est fré(tuent dans les villes: ce serait exagérer la pensée de la loi. Il y aurait plus de doute si ce terrain était ensuite couvert de constructions, aux frais de l'acheteur: cela pourrait suffire pour motiver un payement d'intérêts, puisque ce serait un profit direct et continu tiré par lui de la chose vendue.
Le Code français (art. 1652) n'est pas assez explicite sur ce point.
2° Dans les autres cas, lorsque les intérêts ne courent pas de plein droit, il est facile au vendeur de les faire courir au moyen d'une sommation; c'est une faveur pour un contrat d'une utilité exceptionnelle.
Le vendeur peut aussi stipuler les intérêts au moment de la délivrance; cette stipulation pourra même être utile à l'acheteur: notamment, si elle réduit l'intérêt à un taux assez faible, à raison du peu d'avantages que lui procure la vente; tandis que les intérêts dus en vertu d'une sommation seraient au taux légal.
Les dispositions qui précèdent sont établies surtout pour le cas où la chose est livrée; on pourrait cependant les appliquer au cas même où la chose n'est pas livrée, lorsqu'elle produit des fruits véritables, parce que ces fruits doivent être restitués i1 l'acheteur au moment de la délivrance: il y a dès lors même raison de lui faire payer les intérêts, et ce sera depuis le jour de la vente, puisque c'est de ce même jour qu3 le vendeur doit compte des fruits, s'il n'y a convention contraire.