Art. 757. — N° 368. Le contrat de transaction a toujours passé pour difficile: en France, il occupe une grande place dans les discussions de la doctrine et il exerce souvent la sagacité de la jurisprudence. Les règles en sont d'ailleurs peu nombreuses dans le Code français (art. 2044 à 2058); plusieurs d'entre elles pourraient même être supprimées sans inconvénient, comme se trouvant déjà écrites dans la matière des Obligations en général.
Mais la difficulté est justement de déterminer en quoi la transaction se sépare du droit commun. C'est à cette séparation qu'on s'est surtout attaché dans le présent Projet.
La loi donne d'abord la définition même du contrat.
Remarquons que dans le langage juridique français, le mot "transaction” s'emploie dans deux sens: un sens large où il est synonyme de “contrat, convention"; c'est ainsi que l'article 1107 du Code civil parle de "transactions commerciales,” dans le sens de conventions, opérations commerciales (voy. aussi art. 72, C. com.); constamment, dans le langage du droit, soit qu'on loue, soit qu'on critique ou seulement qu'on discute la loi, on parle de ce qui est favorable ou nuisible aux “transactions,” à leur célérité, à leur sûreté; c'est encore le sens large de “conventions, négociations.”
Ici, le sens est tout à fait spécial et, sans s'arrêter à l'étymologie latine qui n'y jetterait guère de lumière, nous relèverons la définition même que donne de ce contrat notre premier article.
369. La définition du Code français (art. 2044) est incomplète: tout le monde, ou à peu près, est d'accord pour y ajouter que les parties doivent “se faire des concessions ou des sacrifices réciproques.” En effet, si, la contestation étant déjà née, le demandeur abandonne purement et simplement ses prétentions et sa poursuite, on doit dire qu'il y a “désistement”; si c'est le défendeur qui reconnaît que la demande est fondée et qui renonce ainsi à la contester, on dira qu'il y a “acquiescement”; ce sont deux cas de cessation ou d'extinction d'action, mais ce ne sont pas des transactions; c'est au Code de procédure civile à les régler plutôt qu'au Code civil.
370. Toutefois, une distinction est à faire entre les deux cas:
1° S'il s'agit du désistement du demandeur, il peut porter sur la prétention au fond ou seulement sur l'instance entamée, sur la procédure déjà commencée: au premier cas, il y a de la part du demandeur aban. don de son droit ou reconnaissance qu'il n'a pas de droit, et toute nouvelle instance à ce sujet lui est interdite; au second cas, il n'a renoncé qu'à l'instance entemée, soit parce que les preuves décisives qu'il espérait lui manquent encore, soit parce que le tribunal qu'il a saisi lui paraît incompétent ou parce que le commencement de la procédure est entaché de nullité; dans ce cas, il peut renouveler le procès, soit devant le même tribunal, soit devant un autre, en supportant, bien entendu, les frais de la première procédure (voy. C. proc. civ., art. 402, 403) (a).
2° S'il s'agit de l'acquiescement par le défendeur, le bien fondé du droit et la légitimité de la procédure sont, en général, reconnus simultanément en faveur du demandeur, de sorte que celui-ci a un nouveau titre de son droit, et un titre d'autant plus efficace qu'il a le caractère d'un “acte judiciaire,” c'est-à-dire d'une constatation faite par la justice (comp. C. civ. fr., art. 2117 et 2123). On comprendrait cependant un acquiescement qui ne porterait que sur la procédure commencée et non sur le fond de la prétention du demandeur, c'est lorsque le tribunal serait incompétent ou la procédure commencée irrégulièrement et que le défendeur, après avoir proposé l'exception d'incompétence ou celle de nullité que lui donne la loi (v. C. proc. civ. fr., art. 168, 169, 173), consentirait à l'abandonner: alors le procès continuerait sur le fond du droit.
371. Dans chacun de ces cas, si l'on se place au point de vue du fond du droit, l'acte de désistement, comme celui d'acquiescement, pent différer de caractère suivant le mobile qui le fait faire: ou il constituera une reconnaissance sincère du droit de l'adversaire poursuivi ou poursuivant, il appartiendra alors à la matière des preuves et non à celle des contrats; ou il sera l'abandon volontaire, mais déguisé, d'un droit qui pouvait être opposé à l'adversaire défendeur ou demandeur, ce sera alors une donation déguisée dont la validité peut être contestée mais sur laquelle il n'y a pas lieu de s'arrêter ici.
Pour qu'il y ait transaction, il faut qu'il y ait "sacrifice réciproque,” soit que chacun abandonne une partie de ses prétentious pour obtenir la reconnaissance de l'autre partie, soit que l'un abandonne toute sa prétention, pour recevoir quelque avantage qui n'était pas en jeu dans la contestation.
Ainsi, le demandeur réclame 1000 yens, comme pret ou comme prix de vente, le défendeur nie le prêt ou la vente, ou soutient avoir payé, ou invoque en compensation une créance égale; les parties, craignant l'une et l'autre de perdre le procès, transigent, en fixant la dette à 500 yens: le demandeur a ainsi sacrifié la moitié de sa prétention et le défendeur la moitié de la sienne.
Ainsi encore, le demandeur revendique comme sien un terrain possédé par le défendeur et qu'il soutient étre l'accessoire d'un fonds à lui vendu par le défendeur; celui-ci conteste la prétention; mais on finit par transiger et le demandeur consent à ne recevoir qu'une portion dudit terrain, l'autre restant au défendeur.
Dans ces deux cas, les sacrifices mutuels sont pris sur les objets mêmes de la contestation.
On peut supposer aussi qu'ils seraient pris en dehors de ces objets. Ainsi, dans le premier cas, le défendeur aurait consenti à payer les 1000 yens réclamés, mais il aurait obtenu d'être libéré d'une autre obligation qui n'était pas contestée; dans le second cas, le demandeur du terrain aurait promis de faire ou de ne pas faire quelque chose pour le défendeur ou il lui aurait conféré un droit réel, mobilier ou immobilier.
Cette distinction entre la nature et l'origine des avantages réciproques a une grande importance au point de vue de la garantie qui peut en être due, et elle se retrouvera au dernier article de la matière.
372. Il résulte de ce qui précède que la transaction est un contrat à titre onéreux, puisque “chaque partie y fait un sacrifice” (voy. art. 319), mais qu'il n'est pas nécessairement synallagmatique, car le sacrifice n'est pas toujours “une obligation contractée de chaque côté” (v. art. 318); c'est ce qui arrive lorsque le demandeur se borne à renoncer à une partie de ses prétentions pour assurer le reste: le défendeur contracte bien une obligation, ou, au moins, il confirme une obligation douteuse; mais le demandeur ne s'oblige pas en renonçant à demander ce qui excède: ce n'est pas une obligation “de ne pas faire.”
C'est encore sous le dernier article que nous examinerons si la transaction opère ou non novation de la première obligation.
373. Nous avons supposé jusqu'ici que la contestation au sujet de laquelle la transaction intervient est “déjà née”: elle tend alors à “la terminer"; mais le texte admet aussi qu'on puisse transiger pour “prévenir une contestation qui peut naître," que l'on a lieu de prévoir et de craindre.
Il est désirable que les procès cessent ou soient prévenus, car ils sont toujours un trouble social et moral: ils sont une charge pour l'Etat qui doit entretenir un grand nombre de magistrats et d'officiers de justice; ils sont une cause de frais pour la partie qui succombe, et souvent même pour celle qui triomphe; enfin, le gain du procès par une partie et sa perte par l'autre laissent subsister des haines ou des rancunes entre elles, et souvent même les font naître ou les aggravent. Il y a en France, à ce sujet, un proverbe qui n'est pas inconnu au Japon, c'est que “mieux vaut un mauvais arrangement qu'un bon procès.”
374. Nous avons dit, en commençant, que la transaction suit presque en tous points les règles générales des conventions et que le Code français leur en a inutilement appliqué quelques-unes, en ne mettant peutêtre pas suffisamment en relief les cas où elle s'en écarte.
On a donc procédé autrement ici; on commence par proclamer le principe et on énonce les exceptions.
Nous allons, à l'occasion du 2e alinéa de notre article, indiquer les principales règles du droit commun applicables à la transaction et relever les articles du Code français qui n'ont pas dû trouver place ici.
1° La transaction, étant une convention, doit présenter les trois conditions d'existence de toute convention: le consentement des parties, un objet certain ou déterminé et qui soit dans le commerce, c'est-à-dire o que les particuliers aient à leur disposition," enfin, une cause vraie et licite, c'est-à-dire qui ne soit ni fausse ou erronée, ni illicite (voy. art. 325).
Pour l'intelligence de ce parallèle, il est nécessaire de revenir, en quelques mots, sur le consentement en général, sur les qualités que doit avoir l'objet de la convention et sur la cause de la convention:
a. Le consentement manque, non seulement lorsque la proposition d'une partie n'a pas été agréée par l'autre, expressément ou tacitement, mais encore lorsque l'une des parties a eu en vue un objet différent de celui qu'avait envisagé l'autre; ici, par exemple, une partie avait voulu transiger sur une convention antérieure, tandis que l'autre avait entendu seulement en fixer le sens, sans rien sacrifier de ses prétentions; ou toutes deux avaient bien entendu transiger, mais l'une avait envisagé une certaine contestation, née ou à naître, et l'autre partie une contestation différente; ou enfin, étant d'accord sur le point à régler par la transaction, une partie avait entendu faire un sacrifice différent ou moins considérable que celui que l'autre partie avait cru obtenir.
b. L'objet de la convention ne serait pas suffisamment déterminé, si les sacrifices promis respectivement étaient exprimés d'une façon qui laissât à l'une des parties le pouvoir d'exiger ou à l'autre celui de donner plus ou moins, sans qu'on pût dire qu'elle manque à son obligation; l'objet ne serait pas à la disposition des parties, si l'on prétendait transiger sur l'état civil des personnes ou sur un intérêt qui n'est pas purement privé, comme sur la dénonciation d'un vol ou de coups et blessures et non pas seulement sur la réparation civile qui en est due.
c. Enfin, la cause doit être vraie et licite; or quelle est la cause de la transaction ? C'est, comme le dit la définition de notre article 757, le désir, la volonté de terminer ou de prévenir un procès; cette volonté est évidemment licite; mais elle peut être erronée, elle peut être fausse: cela se rencontrera lorsqu'il n'y aura pas de contestation possible sur l'objet que les parties ont considéré comme contestable; par exemple, le procès était déjà terminé par un jugement ou un arrêt devenu irrévocable, ou bien une convention ou un testament ne laissait aucun doute possible en faveur d'une partie contre l'autre et sur aucun point de leurs prétentions respectives.
On s'attendrait donc à voir déclarer radicalement nulle, faute de cause, la transaction intervenue sur un sujet de contestation déjà irrévocablement jugé ou sur lequel une des parties n'aurait aucun droit.
Tel n'est pas cependant le système du Code français qui ne voit là que des causes de “rescision” de la transaction (art. 2054 et 2057).
Le Projet la imité en cela, quoique la logique rigoureuse semblât demander la nullité radicale. On justifiera cette solution mitigée sous les articles 760 et 761.
Il resterait donc pen de cas de nullité radicale de la transaction faute de cause: ce serait le cas de la transaction soumise à une condition suspensive qui ne se serait pas accomplie; ajoutons le cas où l'une des parties aurait déclaré qu'elle transigeait à raison d'un fait qui pour elle était déterminant, qu'elle croyait accompli et qui ne l'était pas, comme une alliance dans sa famille; enfin, de même que la vente de la chose d'autrui est radicalement nulle faute de cause, de même serait nulle la transaction où l'une des parties recevrait une chose n'appartenant pas à son adversaire, alors qu'elle entendait en acquérir la propriété.
Sauf la réserve faite plus haut, la transaction ne diffère donc pas des autres conventions, quant aux conditions de son existence.
2° La transaction est soumise aux deux conditions de validité des conventions en général: à l'absence de vices du consentement (d'erreur, de violence) et à la capacité des parties (v. art. 326); si elle était l'effet d'un dol, elle serait encore sujette à annulation entre les parties, à titre de réparation du préjudice causé (v. art. 333). C'est donc inutilement que le Code français déclare la transaction rescindable pour dol et violence (art. 2053, 2e al.).
3° La transaction produit entre les parties et sans nuire aux tiers les effets ordinaires des conventions, en tant qu'elle a pour objet de reconnaître, de créer, de transférer, de modifier ou d'éteindre soit des obligations, soit des droits réels (v. art. 348 et s., 365 et s.). Toutefois, on verra au dernier article (art. 762) qu'une distinction est à faire à cet égard, notamment, pour la garantie d'éviction et pour la transcription.
4° Les règles ordinaires d'interprétation des conventions s'appliquent à la transaction (v. art. 376 et suiv.).
5° La transaction et les obligations qui en résultent comportent les mêmes modalités que les obligations des autres conventions (voy, art. 421 et suiv.).
6° Elle comporte aussi les mêmes causes d'extinction, notamment la résolution pour inexécution des obligations (voy. art. 441 et s., 471 et s.).
7° Enfin, quant à la preuve de la transaction, la loi n'apporte pas de dérogation ou droit commun; elle pourra donc se prouver tant par témoins que par titres (roy. Livre Ve).
375. Voyons maintenant en quoi le Code français a soumis la transaction au droit commun et en quoi il l'en a séparée.
1° Il commence par l'en séparer quant à la preuve, en exigeant qu'elle soit rédigée par écrit (art. 2014, 2° al.). Le motif est évidemment d'éviter que la preuve de la transaction ne devienne une nouvelle source de procès, alors qu'on a voulu justement en éviter un. Mais, en somme, la loi ne gagne rien à cette sévérité; il y aura toujours procès: si la transaction ne peut être prouvée par écrit, parce qu'on n'en a pas rédigé, ni par témoins, parce que la loi le défend, on se retrouvera en face du procès primitivement commencé ou du procès prévu. Il ne paraît donc pas y avoir là une rai. son suffisante de refuser la preuve par témoins.
Au surplus, en France, l'écrit dont il s'agit n'est pas exigé pour faire de la transaction un acte solennel, autrement la loi exigerait un acte authentique; c'est seulement un mode de preuve; aussi, à défaut d'écrit, pourrait-on prouver la transaction par l'aveu et le serment (v. art. 1356 et 1358), et même on peut soutenir que, s'il y avait un commencement de preuve par écrit, la preuve testimoniale serait permise (v. art. 1347).
2° L'article 2015 dit inutilement que pour transiger, “il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.” Il n'y a rien là qui ne soit vrai de tout contrat où l'on dispose, soit qu'on alière soit qu'on promette. Cette capacité doit exister autant à l'égard des objets mêmes de la contestation (née ou à naître), auxquels chaque partie peut renoncer, qu'à l'égard des objets étrangers qu'elle peut promettre ou aliéner.
3° L'article 2046 n'est pas plus utile, lorsqu'il dit qu'on peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit,” mais que “la transaction n'empêche pas l'action du ministère public,” il s'agit là, en effet, d'un intérêt purement privé, d'une nature tout à fait différente de celle de l'intérêt public mé du délit, quoiqu'il ait le délit pour cause; aussi, les lois criminelles ontelles toujours soin de dire que l'action publique est indépendante de l'action privée; qu'elle n'est ni subordonnée à la plainte de la partie lésée, ni éteinte par sa renonciation (voy. C. pr. crim. franç., art. 4; Proj. jap., C. pr. crim., art. 3); de même, que l'acquittement ou la condamnation, prononcés au criminel, n'empêchent pas la réparation civile (C. pen. fr., art. 10; Prej. jap., C. pen. art. 58).
Toutefois, la transaction en matière de faux, est soumise, en France, à une condition particulière: elle doit être communiquée au ministère public et homologuée par le tribunal, avant son exécution (C. proc. civ., art. 249). Cette exception au droit commun ne nous paraît pas fondée sur des motifs assez impérieux pour la reproduire dans le Projet japonais.
4° Il n'était pas besoin de dire dans l'article 2047 qu'on peut ajouter à une transaction la stipulation d'une peine contre celui qui manquera à l'exécuter": la clause pénale est le règlement à forfait des dommages-intérêts; or, chaque fois qu'une partie peut devoir des dommages-intérêts qui auront besoin d'être appréciés par le tribunal, il est toujours possible aux parties de les régler d'avance par une clause pénale. La disposition du Code français n'aurait même pas pour effet de permettre la stipulation d'une peine excé. dant l'intérêt légal, si la transaction obligeait une des parties au payement d'une somme d'argent: tant que de l'intérêt ne sera pas libre, en France, la clause pėnale ne le sera pas davantage.
5° Les articles 2048 et 2049 se rapportent à l'interprétation des transactions et ils ne paraissent contenir rien qui ne soit déjà dans les règles générales d'interprétation des conventions, notamment dans les articles 1156 et 1163.
6° L'article 2050 donne encore une solution qui ne pouvait guère faire doute, dans le silence de la loi; il y a, du reste, un peu d'équivoque dans les termes de cet article: il suppose qu'une partie “qui a transige sur un droit qu'elle avait (ou mieux qu'elle prétendait avoir) de son chef,” c'est-à-dire par une cause née en sa personne, comme par un contrat où elle a figuré elle-même, acquiert ensuite un droit semblable du chef d'une autre personne, par exemple par succession, et il décide que cette partie “n'est pas liée, quant au droit nouvellement acquis, par la transaction antérieure.”
S'il s'agissait, dans la pensée du Code français, d'un droit seulement semblable, mais qui ne fût pas identiquement le même, par exemple un droit de créance ayant une cause semblable, comme un prêt, et un objet pareil, comme de l'argent ou des denrées, il ne saurait y avoir question: ce ne serait plus le même objet de transaction; or, “les transactions se renferment dans leur objet” a dit déjà l'article 2048: “elles ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris” (art. 2049).
Et en admettant que la transaction ait eu pour fondement l'interprétation d'une expression particulière dont le sens était douteux dans le premier contrat, et que la même expression se trouvât dans la nouvelle convention, les parties ne seraient pas liées par l'interprétation portée dans la transaction: la loi dit plus loin que “les transactions ont entre les parties l'autorité de la chose jugéo” (art. 2052); or, lorsqu'un tribunal a jugé une première fois quel est à ses yeux le sens d'une expression, soit dans une convention, soit dans la loi, il conserve le droit de juger autrement la méme difficulté et d'en donner une autre solation, fûtce entre les mêmes parties, du moment que ce n'est plus dans le même procès.
Ce qu'on peut croire seulement, c'est que la première interprétation du tribunal sera rarement abandonnée, et, lorsqu'il s'agit d'une interprétation transactionnelle, il sera facile de l'invoquer avec succès comme preuve de l'intention des parties, dans le nouvel usage qu'elles auront fait de la même expression.
Pour que l'article 2050 dise une chose plus ou moins utile, il faut l'entendre d'un droit identique, ce qu'il appelle un droit “semblable.” Le cas sera rare d'ailleurs où une personne pourrait prétendre au même droit, à deux titres différents, l'un en sa personne, l'autre comme héritière ou ayant-cause d'une autre personne. Comme exemple, nous citerons celui d'un prétendu créancier solidaire qui aurait transigé avec celui qu'il soutenait être son débiteur et aurait sacrifié une partie de sa prétention pour en assurer l'autre partie; plus tard, il succède à un autre des créanciers solidaires: il pourra faire valoir le droit comme entier du chef de son auteur, en défalquant seulement ce qu'il a obtenu de son propre chef par la transaction.
On pourrait donner encore l'exemple d'un copropriétaire indivis qui, après avoir transigé sur une revendication exercée de son chef contre le possesseur, succèderait à un autre des copropriétaires et formerait, du chef de celui-ci, une nouvelle demande.
7° C'est un principe général que les convention n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et qu'elles ne nuisent ni ne profitent aux tiers (C. civ. fr., art. 1165; Proj. jap., art. 365). L'article 2051, en disant que “la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres et ne peut être opposée par eux,” dit une chose qui n'est pas entièrement exacte et qui, dans ce qu'elle a de vrai, est inutile.
Elle n'est pas entièrement exacte, car il y a des intéressés qui peuvent opposer ou invoquer la transaction à laquelle ils n'ont pas pris part, mais dans laquelle ils sont considérés comme ayant été représentés par leur co-intéressé: par exemple, les codébiteurs et les cocréanciers solidaires sont représentés les uns par les autres, et les cautions par le débiteur principal, sinon pour ce qui leur nuit, au moins pour ce qui leur profite: ils peuvent donc opposer ou invoquer la transaction qui leur est favorable.
Pour la proposition inverse, à savoir que la transaction ne peut être opposée aux co-intéressés non représentés, elle est vraie; mais alors elle est inutile, puisqu'elle est déjà inscrite dans la règle générale que “les conventions ne nuisent point aux tiers.”
8° L'article 2052 a trois dispositions; les deux premières sont utiles et nous en trouverons de semblables dans le Projet, mais la troisième nous paraît mériter encore le reproche d'inutilité, quand elle dit:“la transaction ne peut être attaquée pour cause de lésion.” En effet, l'article 1118 a déjà dit que “la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats et à l'égard de certaines personnes déterminées par la loi”; or, ces contrats ne sont qu'an nombre de deux, dans la loi française: le partage et la vente d'immeubles; la transaction ne devant pas être un troisième contrat de ce genre, il suffisait de la passer sous silence pour la mettre à l'abri de la rescision.
Il est raisonnable d'ailleurs que la transaction ne fasse pas exception à la règle: moins qu'aucun autre contrat elle doit être rescindable pour lésion, car les éléments en sont incertains; on transige sur des droits douteux, et pour qu'une partie pût établir qu'elle a fait des sacrifices trop considérables, eu égard à ceux qu'elle a obtenus, il faudrait qu'elle fût autorisée à reprendre le procès terminé ou à entreprendre celui qu'on a voulu prévenir, et c'est justement là ce qui est inadmissible.
Il n'y aurait même pas lieu à rescision pour lésion si la transaction était intervenue sur le prix d'une vente d'immeuble ou sur la composition des lots d'un partage: l'article 888 est formel en ce sens pour le partage et on n'hésiterait pas, en l'absence de l'article 2052, à décider de même pour la vente d'immeuble.
En ce qui concerne les personnes exceptionnellement admises à faire annuler leurs engagements pour lésion, c'est-à-dire les mineurs (voy. art. 1305), faut-il considérer l'article 2052 comme utile, en ce qu'il apporterait une exception au droit commun des mineurs? Nous ne le croyons pas: la transaction intéressant les mineurs n'est pas un acte dispensé de formes, elle est, au contraire, soumise à des formalités protectrices assez compliquées (voy. C. civ. fr., art. 467 et 472); si ces formalités et conditions n'ont pas été observées, l'acte est annulable, pour ce seul fait; si elles ont été observées, l'acte est réputé fait par un majeur et, dès lors, il n'est plus annulable pour lésion (art. 1314).
L'article 2052 n'a donc pas eu à affranchir de la res. cision pour lésion des actes qui déjà n'y étaient pas soumis par la règle générale.
9° L'article 2053 est entièrement inutile, dans ses deux alinéas, en déclarant que “la transaction peut être rescindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation, et, dans tous les cas, lorsqu'il y a eu dol ou violence”; ce sont là des causes ordinaires de rescision (v. C. civ. fr., art. 1110 et suiv.; comp. Proj. jap., art. 330 et 331, 334 et s.).
10° L'article 2058 dit que “l'erreur de calcul dans la transaction doit être réparée”; cette disposition, ne se trouvant pas ailleurs, ne fait pas double emploi; mais, au lieu d'être placée dans la transaction, elle aurait dû l'être dans les règles générales des conventions, comme on l'a fait dans le Projet japonais (v. art. 331, ge al. et 582), car le Code français n'entend pas sans doute que l'erreur de calcul dans un prix de vente ou dans toute autre clause d'un contrat quelconque soit irréparable.
Nous nous sommes arrêté plus longuement que d'ordinaire sur ces négligences du Code français; d'abord, parce qu'il est peu de matières où on en trouve un aussi grand nombre en aussi peu d'articles; ensuite, parce qu'il était nécessaire de justifier l'absence de toutes ces dispositions dans le Projet japonais.
Nous allons aborder maintenant les véritables exceptions au droit commun que présente la transaction et qui forment l'objet des cinq articles suivants.
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(a) Dans le langage usuel on appelle souvent désistement d'action, l'abandon du droit et désistement d'instance celui de la procédure; mais nous n'approuvons pas cet usage: le mot "action" répond plutôt à la procédure qu'au fond du droit.