Art. 678. — N° 1. 86. Ici encore, on n'a pas cru utile de poser en principe, comme le Code français, que " tout ce qui est dans le commerce peut être vendu: " cette disposition était inutile dans le Code français, à cause de la règle générale posée déjà, dans l'article 1128, pour tous les contrats; elle ne serait pas moins inutile dans le Projet japonais, à cause de l'article 325-2° qui ne permet de contracter que " sur des choses dont les parties ont la disposition."
Il fallait seulement indiquer les conséquences d'une vente de chose hors du commerce ou la sanction de la règle; tel est l'objet principal de cet article.
Le 1er alinéa indique d'abord deux classes de choses qui, par exception, ne peuvent être vendues: 1° celles qui, par leur nature, sont hors du commerce général, comme les biens du domaine public (voy. art. 23), les droits de famille, les fonctions publiques, etc.; 2° celles dont la disposition est interdite par une loi spéciale, toujours pour des raisons d'intérêt général ou d'ordre public, mais qui demandaient que le législateur s'en expliquât. I)e ce nombre sont les successions non ouvertps (art. 342), les armes de guerre et les armes prohibées, les objets contraires aux bonnes moeurs.
La vente de pareils objets n'est pas annulable, mais absolument nulle: elle n'est pas viciée, mais inexistante. La loi en tire la principale conséquence, c'est que chaque partie peut se prévaloir de cette nullité, ce qui ne serait pas, si la vente n'était qu'annulable, car la nullité alors ne pourrait être invoquée que par la partie que la loi aurait voulu protéger. Ici, la loi ne prétend protéger aucune partie, mais garantir l'ordre public, sauvegarder l'intérêt général, et le meilleur moyen d'assurer l'observation de la prohibition c'est d'étendre l'action en nullité.
187. Chaque partie a d'abord le droit d'opposer une exception ou fin de non-recevoir, une défense à l'action qui serait dirigée contre elle pour obtenir l'exécution du contrat: l'acheteur actionné en payement opposera la nullité de la vente; le vendeur actionné en délivrance la refusera en invoquant la nullité.
Chaque partie a également, après l'exécution, le droit d'action pour faire remettre les choses en l'état où elles étaient avant la vente et avant l'exécution: l'acheteur répétera le prix qu'il a payé sans cause légitime, puisqu'il n'a rien pu acquérir; le vendeur revendiquera la chose, si elle lui appartenait ou, au moins, il exercera l'action possessoire, s'il n'était que possesseur. Chacun ne pourra triompher dans son action qu'en restituant ce qu'il a reçu: l'acheteur, la chose livrée, le vendeur, le prix reçu.
Nous disons que le vendeur a la revendication ou l'action possessoire; c'est qu'en effet, la circonstance qu'une chose est hors du commerce n'est pas toujours un obstacle à ce qu'un particulier en ait la propriété et surtout la possession; mais, s'il y avait eu vente d'un droit à une succession future ou non ouverte, d'une fonction publique, d'une qualité constitutive d'un état civil, le vendeur ne pourrait pas, à proprement parler, revendiquer la chose vendue, par le double motif qu'elle n'est pas dans ses biens et que l'acheteur ne la possède pas puisqu'une est toute personnelle; seulement, il pourrait toujours, s'il n'avait pas l'occasion de se défendre par une exception opposée a, une prétention de l'acheteur, intenter contre lui une action pour faire juger et déclarer que la vente est nulle, afin que l'acheteur ne puisse s'abuser sur son droit et susciter plus tard des embarras à lui vendeur ou a ses héritiers.
S'il s'agissait d'une chose du domaine public, le vendeur ne pourrait ni la revendiquer, ni s'en faire rendre la possession, car les choses du domaine public ne sont pas même susceptibles de possession civile par les particuliers (v. art. 192, 2" aL).
188. Le dernier alinéa réserve le droit à une indemnité, mais celle-ci est très limitée dans son application. En principe, il ne faudrait pas croire que le vendeur ait plus de responsabilité de cette vente que l'acheteur; on doit admettre que les deux parties ont autant de facilité l'une que l'antre à connaître la prohibition de la vente, puisqu'elle tient à 1:1 nature même de la chose vendue. Mais, comme il est possible que l'une des parties ait employé un dol, des manœuvres frauduleuses, pour déterminer l'autre à contracter, en faisant croire que la chose était susceptible d'être vendue, il est juste que ce (loI soit puni par la réparation du tort qu'il a causé. Le plus souvent, ce dol émanera du vendeur qui, pour obtenir un prix aura abusé l'acheteur sur le caractère de la chose.
La loi. n'a pas réservé, comme allant de soi, le droit de l'acheteur à la restitution du prix. Xous venons d'établir qu'elle est la conséquence de la nullité de la vente: le prix a été pa vé- sans cause.