Art. 673. — 176. Tout le monde n'est pas d'accord en France, sur le caractère de la sanction qui doit être attachée à la prohibition de la vente entre époux. La loi ne s'en étant pas expliquée, on ne peut trouver la sanction qu'elle a dû sous-entendre qu'en se. reportant au motif principal de la prohibition, et comme les auteurs sont divisés sur ce motif, ils le sont, naturellement aussi, sur ses suites.
Si la loi ne craignait, comme on le dit trop souvent, que les avantages indirects, c'est-à-dire résultant de l'inégalité de la valeur reçue par l'un des époux avec la valeur par lui fournie, elle n'aurait pas à annuler la vente: il lui suffirait d'autoriser la révocation de cet avantage par l'époux qui l'a procuré (art 1096, 1er al.) et la réduction à la portion disponible par ses héritiers (art. 1099, 1er al.); cette dernière sanction est la seule que la loi française attache à la dation en payement contenant " avantage indirect," lorsqu'on est d'ailleurs dans un des cas où cette opération est permise (v. art. 1595, dern. al.).
Mais la somme stipulée comme prix de vente, même égale à la valeur réelle de la chose, peut ne pas être véritablement payée, quoiqu'il en soit donné quittance; de même, dans la dation en payement, hors des cas où elle est permise, la dette qu'il s'agit d'éteindre peut être simulée et mensongère; ce ne sont donc plus, des avantages indirects que craint la loi, mais des avantages déguisés; l'action, dès lors, ne doit plus tendre seu1ement à la réduction, mais à la nullité, et déjà l'article 1099, 25 alinéa, du Code français, l'avait déclaré pour tons les cas de déguisement; or, la vente et la dation en payement sont les plus faciles moyens de déguiser une donation.
177. Il va de soi que la nullité dont il s'agit ici n'est pas de celles qu'on appelle absolues et qui empeclient la convention de se former: elle ne se rapporte pas au défaut d'une des conditions d'existence des conventions énoncées à l'article 225; ce ne peut être qu'une nullité ou rescision fondée sur l'incapacité de contracter., telle qu'elle est réglée en France par les articles 1304 et suivants et dans le Projet japonais par les articles 5G6 et suivants.
Mais il reste à savoir si cette action en nullité appartient aux deux époux ou seulement à celui qui a fait la vente ou la dation en payement prohibée.
On décide généralement, en France, que la loi, procédant d'une façon générale, en prohibant le contrat de vente entre époux, déclare ceux-ci, par cela même, tous deux incapables, l'un de vendre, l'autre d'acheter, et on prétend que l'action en nullité appartient à chacun des contractants.
178. Rien n'est moins logique; l'action en nullité ou en rescision, en général, n'appartient qu'à celui que la loi a voulu protéger: elle n'appartient pas à ceux qui ont contracté avec lui (c. fr., art. 1125, 2° al.; Proj. jap., art. 340). Or, la loi n'a voulu protéger ici que l'époux qui se dépouillerait gratuitement de son bien, sous le semblant d'une vente ou d'une dation en payement: nous avons plusieurs fois démontré que c'est lui seul qui court un danger, c'est donc aussi lui seul qui doit avoir l'action. Le texte de notre article G73 est rédigé en ce sens.
La loi donne aussi l'action aux héritiers, pour le cas où l'époux ne l'aurait pas exercée lui-même de son vivant, et à ses créanciers, pour le cas où il la négligerait à leur préjudice; et notons bien que, dans ce cas, ce n'est pas l'action révocatoire (c. fr., art. 1167; Proj. jap., art. 560), mais l'action dite "indirecte ou oblique" par laquelle les créanciers font valoir les droits de leur débiteur (c. fr., art. llGG; Proj. jap., art. 359).
Ellfln, le texte termine en déclarant cette action soumise aux. règles générales de l'action en nullité ou en rescision (ilrt. 506 et suiv.). Ainsi, l'action dure cinq ans (au lieu de dix, comme en droit français), mais ces cinq ans ne courent pas, tant que dure le mariage; le contrat annulable ne peut être ratifié ou confirme qu'après la dissolution du mariage (art. 577).