Art. 667. — 159. Il résulte de l'explication de l'article précédent qu'en principe les arrhes ne sont un moyen de dédit que dans les promesses de vente ou dans les ventes encore imparfaites, faute de la rédaction d'un écrit formant la condition de leur perfection; quand la vente est parfaite, il ne doit pas être permis à une partie de s'en départir sans le consentement de l'autre: autrement, il ne serait plus exact de dire que le contrat se forme, qu'il lie les parties, par le seul consentement. Bien plus, si l'on admettait le dédit à l'égard d'une vente parfaite, on devrait l'admettre même quand la perfection delà vente, au lieu d'être immédiate, n'est résultée que de la rédaction de l'écrit ou de la réalisation de la promesse de vente; or, il Y aurait là une prolongation exagérée de cette faculté de dédit et une fâcheuse incertitude dans les droits des parties et des tiers.
Toutefois, même dans les ventes parfaites, les arrhes peuvent avoir eu pour but de permettre le dédit, tout en le punissant; mais, c'est à la condition ou que cet effet leur ait été formellement assigné, ou qu'elles ne puissent avoir le caractère d'un à-compte versé sur le prix. 01', si l'acheteur a versé au vendeur une somme d'argent, même en la qualifiant " arrhes", on doit la considérer comme fournie à valoir sur le prix et non comme un moyen de dédit. Si, an contraire, la valeur fournie par l'acheteur n'est pas de l'argent, elle ne peut être un à-compte sur le prix, lequel doit nécessairement consister en argent; elle est donc donnée et reçue comme moyen de dédit. Si une valeur est fournie par le vendeur, même en argent, elle a nécessairement le même caractère de moyen de dédit, car le vendeur n'a pas d'à-compte à fournir.
Dans ces deux cas, ce n'est qu'à la partie qui a donné les arrhes qu'appartient la faculté de dédit: ce n'est pas le cas où celle qui les a reçues pourrait se dédire en les rendant au double. Le texte du présent article est formel en ce sens.
Enfin, si la dation d'arrhes a été réciproque et si les parties leur ont expressément donné le caractère de dédit, chacune peut se dédire; mais alors avec la peine ordinaire, c'est-à-dire en rendant ce qu'elle a reçu et en abandonnant ce qu'elle a donné.
160. Il restait à savoir combien de temps durerait la faculté de dédit, soit dans le cas de la vente subordonnée à la rédaction d'un écrit, soit dans la promesse de vente, tant unilatérale que synallngmatigne, soit enfin dans le cas de vente actuelle et immédiate, avec les circonstances prévues au présent article.
D'abord, si un délai a été fixé pour l'exercice de cette faculté, il est clair qu'après son expiration le dédit n'est plus possible.
Mais si aucun délai n'a été fixé, le dédit cesse encore d'être possible après l'exécution, même partielle; sans qu'il y ait à distinguer de quel côté a eu lieu l'exécution, car la partie qui accepte l'exécution n'y participe pas moins que celle qui la fournit.
En France, où la loi est si incomplète sur cette matière, on donne la même décision par interprétation de son esprit et en conformité au droit romain; il est clair, en effet, que si le dédit restait permis après l'exécution, il n'y aurait plus de raison de le limiter et la vente qui devrait être le contrat le plus stable serait le plus fragile.
Le Projet ne laissera aucun doute sur ce point.
16 1. 11 reste à savoir si l'exercice du dédit opérera résolution de la vente ou de la promesse de vente, même à l'égard des tiers.
S'il s'agit de meubles, évidemment non: les tiers auxquels le meuble aurait été aliéné et livré et qui auraient ignoré la faculté de dédit ne pourraient être évincés (art. 366).
S'il s'agit d'immeubles, la faculté de dédit ne pourrait être opposée aux tiers qui auraient fait faire la transcription ou l'inscription de leurs droits qu'autant que la première vente ou promesse de vente aurait été transcrite, avec mention expresse de la dation d'arrhes et de la faculté de dédit qui y était attachée.