Art. 703. — 249. A la différence des droits réels prévus ci-dessus, les priviléges et les hypothèques bien que grevant en entier l'immeuble vendu, ne constituent pas nécessairement pour l'acheteur une privation du. droit de propriété qu'il a voulu acquérir par le contrat, ni même une diminution de sa jouissance.
D'abord, s'il est prudent, il demandera, avant de payer son prix, un état des inscriptions de priviléges ou d'hypothèques pouvant grever l'immeuble vendu; cet état lui sera délivré par l'officier préposé aux transcriptions des mutations et aux inscriptions des hypothèques (v. art. 369 et 1275, 28 al.).
Une fois instruit du nombre, du rang et du montant des créancers inscrites, il offrira aux créanciers de leur verser son prix d'acquisition et, en suivant une procédure qui sera organisée en son lieu (v. art. 1269 et suiv.) et qu'en France on nomme la purge, il obtiendra la radiation des priviléges et hypothèques et se trouvera à l'abri d'une éviction ultérieure (comp. T. II, n° 538 bis et T. IV, nos 508 et s.). L'acheteur n'a donc pas le même sujet de se plaindre de ce que l'immeuble soit grevé de ces sûretés que s'il s'agissait des droits réels sus-énoncés.
Mais il pourrait avoir eu l'imprudence de verser son prix au vendeur et non aux mains des créanciers, et alors il resterait exposé à l'expropriation ou à payer les dettes hypothécaires, sauf son recours contre le vendeur.
Cependant, l'existence du droit réel d'hypothèque portant sur l'immeuble ne doit pas suffire à motiver l'action en garantie. Nous ne donnerons pas pour motif que l'acheteur est en faute de n'avoir pas rempli les formalités de la purge: le créancier pourrait faire ce reproche à l'acheteur, si celui-ci contestait l'exercice de l'action hypothécaire, pour le seul fait qu'il a payé son prix; mais le vendeur ne pourrait avoir un tel droit, puisqu'il n'a pas lui-même payé sa dette au créancier. Si l'existence seule de l'hypothèque ne suffit pas à motiver l'exercice immédiat de l'action en garantie, c'est parce que ce droit, à la différence des autres droits réels portant sur les immeubles, peut ne jamais être exercé, faute d'utilité pour le créancier: celui-ci peut avoir d'autres sûretés réelles ou personnelles plus faciles à faire valoir, il peut même avoir lieu de compter sur un payement volontaire du débiteur avec d'autres fonds disponibles.
L'acheteur, dans le cas qui nous occupe, n'est donc admis à exercer l'action en garantie que lorsqu'il est poursuivi en expropriation par le créancier hypothécaire.
Cette solution n'est peut-être pas incontestée en droit français, mais nous l'y soutiendrions sans hésiter et par le même motif que plus haut. L'article 1G53 vient à l'appui de notre proposition, en nous fournissant le genre d'argument dit a contrariera permet à l'acheteur " de refuser le payement du prix s'il est troublé ou s'il a juste sujet de craindre d'être troublé par une action en revendication ou hypothécairece qui est dire, implicitement, que la seule existence d'une hypothèque sans menace de son exercice par le créancier, ne suffirait pas à permettre le refus de payement et encore moins l'action en garantie pour recouvrer le prix payé et obtenir des indemnités.
Nous aurons du reste, au sujet des obligations de l'acheteur, à revenir sur cet article qui n'est pas sans difficultés (v. art. 717 et n° 281).
Au surplus, le Code français, est suffisamment explicite sur ce point, car il paraît n'autoriser le recours en garantie que quand l'acheteur a payé la dette hypothécaire, ou délaissé l'immeuble ou subi l'expropriation (v. art. 2178 et 2191).
249 bis. Une autre différence considérable entre les priviléges ou hypothèques grevant la chose vendue et les autres droits réels est relative à l'effet de la connaissance qu'en pouvait avoir eue l'acheteur.
Quand il s'agit des droits réels autres que ceux qui nous occupent ici, la connaissance qu'en avait l'acheteur est appelée mauvaise foi et elle lui enlève tout droit à des dommages-intérêts au cas d'éviction, ne lui laissant que le droit de recouvrer son prix, comme payé sans cause. Mais ici, l'acheteur, tout en connaissant les priviléges ou hypothèques, a pu croire que le ven. deur payerait ses dettes avec d'autres fonds, que les créanciers le poursuivraient sur les autres biens qui pouvaient être restés dans ses mains, comme c'est leur devoir, en certains cas (v. art. 1282): l'acheteur peut avoir été imprudent de ne pas purger les hypothèques, mais ce n'est pas là un cas de mauvaise foi.