Art. 698. — 236. La loi suppose maintenant que le vendeur, toujours de bonne foi, n'a pas connu les droits du vrai propriétaire avant la délivrance, de sorte qu'il n'a plus à It\efuser, et il a reçu le prix. Il n'est plus possible de lui permettre de reprendre la chose livrée. A quel titre d'ailleurs le pourrait-il ? On ne suppose pas encore qu'il soit devenu légitime propriétaire (ce sera le cas de l'article suivant); il ne peut donc revendiquer.
Il ne pourrait pas davantage exercer l'action possessoire en réintégrande, car cette action n'est donnée qu'à celui qui, ayant eu la possession, l'a perdue par la violence ou par la ruse d'autrui (v. art 216); or, le vendeur n'a perdu la possession de la chose vendue que par une livraison volontaire; sans doute, elle est l'effet d'une erreur de sa part, de la croyance à son droit; mais ce n'est pas une raison suffisante de déroger aux règles qui limitent l'action en réintégrande.
237. Le présent article accorde cependant au vendeur un droit très considérable qui est une grande innovation par rapport au Code français et aux autres Codes étrangers: le vendeur ne sera pas exposé à voir l'acheteur retarder son action en nullité et en garantie pendant un temps plus ou moins considérable, dans l'espérance d'une plus-value, il pourra le sommer d'exercer immédiatement l'action en nullité et en garantie. Mais celui-ci pourrait s'y refuser et pourtant ce ne serait pas une raison pour le vendeur de demander lui-même la nullité: le secours que la loi accorde est différent, mais suffisant pour prévenir le calcul intéressé et peu honnête de l'acheteur. Le vendeur demandera au tribunal de faire constater contradictoirement entre lui et l'acheteur le montant des indemnités dues à ce jour, d'après les causes portées à l'article 695. Si l'acheteur refuse de nommer un expert, celui-ci sera nommé par le tribunal; mais, il serait imprudent à l'acheteur de ne pas répondre à la demande, car il est à craindre pour lui que, faute de justification, le chiffre de l'indemnité ne soit très réduit.
Soit que l'acheteur réponde ou non à la demande, le jugement règlera jusqu'à ce moment les effets de la garantie, sauf le droit ordinaire d'opposition ou d'appel. Si l'acheteur refuse de toucher les sommes qui lui sont allouées, le vendeur en fera des offres réelles et les consignera, conformément aux articles 495 et suivants.
L'acheteur ne pourra retirer lesdites sommes qu'en rendant au vendeur la possession de la chose; la consignation devra donc contenir cette condition pour la sécurité du vendeur.
Mais la libération restera soumise à l'application des règles de ce mode de payement: elle aura un caractère conditionnel et résoluble; le vendeur pourra bien, comme le lui permet l'article 500, retirer les sommes consignées, mais en s'exposant à une action en garantie ultérieure; toutefois, la garantie est jugée pour la première période: elle ne pourra plus être portée devant le tribunal que pour le temps qui l'aura suivie; mais il ne serait pas juste que le vendeur, après avoir enlevé à l'acheteur les chances de plus-value pour l'avenir, pût, sans lui rendre ces mêmes chances, reprendre la jouissance des sommes auxquelles il a été condamné (voy. n° 194).