Art. 622. — 39. Le texte suppose que les choses appartenant à différents propriétaires ont été réunies “sans leur volonté”; si donc la réunion était l'effet de leur consentement réciproque, nos articles ne s'appliqueraient plus: il y aurait eu convention et l'effet de la réunion serait celui que les parties se seraient proposé, expressément ou tacitement; probablement, elles auraient voulu devenir copropriétaires, ou bien l'une aurait entendu céder sa chose à l'autre; en tout cas, la séparation ne serait pas laissée à la volonté d'une seule des parties, puisqu'elles ont voulu la réunion.
Cette observation s'applique aussi au mélange et à la spécification, sans qu'il soit nécessaire que la loi ait répété, pour chacun de ces cas, qu'il n'y a pas eu convention. Au surplus, l'article 629 règlera le cas où il y a eu accord des volontés.
Une autre observation préalable qui s'applique également à nos trois cas, c'est qu'il faut sous-entendre que celui qui a fait la réunion, le mélange ou la spécitication d'une chose mobilière que la loi suppose ne pas lui appartenir, n'était pas non plus dans le cas d'invoquer la prescription abrégée ou instantanée des meubles (a). Or, si nous présumons que le Projet admettra la théorie française de l'article 2279, nos ar. ticles ne s'appliqueront que dans le cas de possession de mauvaise foi, ou dans celui où la chose, même possédée de bonne foi, aurait été perdue ou volée depuis moins de 3 ans.
60. En revenant au texte, nous voyons que la loi suppose d'abord que les choses réunies "peuvent être séparées, facilement et sans notable détérioration”, dans ce cas, chaque propriétaire peut demander la séparation et revendiquer en même temps sa chose.
Le Code français, par une bizarrerie que nous trouvons inexplicable, commence par supposer, comme le Projet, que les choses “sont facilement séparables”; ou croirait, dès lors, que c'est pour permettre la séparation; nullement: il la défend.
Il est cependant bien plus juste et naturel que chacun puisse reprendre sa chose, quand cela se peut sans détérioration grave: c'est le respect du droit de propriété et, par suite, de l'intérêt ou des convenances de chacun des propriétaires.
Cette rentrée de chacun en possession de sa chose n'exclut pas un droit à une indemnité, soit parce que la chose aurait perdu en valeur par la double opération de la réunion et de la séparation, soit parce que le propriétaire en aurait été privé pendant un certain temps. L'indemnité sera demandée à celui qui a fait indûment la réunion: ce peut être un tiers, ce peut être l'un des propriétaires.
La loi termine par une observation qui n'est pas sans utilité: quand elle parle de la détérioration possible qui résulterait de la séparation et qui, par cela même, y inettrait obstacle, on pourrait la prendre trop à la lettre; elle croit donc devoir faire entrer en ligne de compte, comme détérioration, les changements plus ou moins nécessaires qui auraient été apportés aux choses pour en faciliter l'adjonction: elles auront été, le plus souvent, taillées, réduites, façonnées, d'une manière qui leur donnera peut-être plus d'utilité, une fois réunies, mais qui leur en otera, au contraire, une fois la séparation opérée.
Cette disposition est nouvelle; mais paraît fondée en raison.
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(a) Cette prescription instantanée des meubles, au profit du possesseur de bonne foi n'est pas encore réglée dans le Projet; mais elle est présupposée chaque fois que l'occasion de l'appliquer se rencontre (voy, notamment, art. 366).