Art. 631. — 70. Déjà l'article 606 a réglé les droits de celui qui, par l'effet du hasard, a trouvé un trésor dans le fonds d'autrui: la loi, suivant une tradition presque universelle et très-ancienne, même au Japon, lui en accorde la moitié, à titre d'invention ou d'occupation.
Ordinairement, les lois, pour abréger et ne pas revenir sur cette matière, règlent en même temps les droits du propriétaire de la chose dans laquelle le trésor est découvert et lui attribuent l'autre moitié.
On a préféré, dans ce Projet, mettre chaque disposj. tion à la place qui lui convient logiquement.
En effet, à l'égard de la moitié qui n'est pas attribuée à l'inventeur, l'acquisition du propriétaire n'est pas fondée sur l'occupation: on pourrait, sans inconvénient, dire qu'elle est fondée sur la loi; mais, comme ce bienfait de la loi est fondé lui-même sur la propriété de la chose principale, il est naturel de le faire rentrer dans les cas d'accession (b).
Comme le trésor est presque toujours trouvé dans le sol, l'usage est de dire que le propriétaire en acquiert la moitié jure soli, “par le droit du sol”; mais c'est une formule trop étroite, puisqu'il n'est pas douteux que le trésor découvert dans un meuble appartient pour moitié au propriétaire dudit meuble (voy. ci-dessus, p. 21, no 18); on doit dire qu'il acquiert jure dominii, “ par le droit de propriété.”
A cette occasion, nous donnerons la solution promise plus haut (p. 23, n° 18, V.), au sujet du trésor trouvé dans un bâtiment vendu pour être démoli, mais encore attaché au sol: il ne nous paraît pas douteux que la moitié revenant au propriétaire de la chose principale soit acquise à celui à qui appartient le bâtiment; le trésor est caché dans le bâtiment et non dans le sol; le cas ne diffère pas juridiquement de celui où le trésor n'aurait été découvert que dans les décombres du bâtimeut déjà démoli: les bâtiments vendus pour être démolis sont déjà des “ meubles par destination ” (voy. ci-dess., p. 42, n° 29, note c, ajoutant un 49 alinéa à l'article 13) et, comme tels, ils enlèvent tout droit au propriétaire du sol.
Disons encore, en passant, que c'est à raison de ce que le trésor découvert dans un meuble appartient pour moitié au propriétaire dudit meuble, que cet article est placé ici à la fin de la matière de l'accession, et c'est ainsi que le texte a soin d'exprimer sa double application “mobilière et immobilière."
71. En attribuant ainsi la moitié du trésor au propriétaire de la chose principale, la loi suit deux considérations d'équité: la première, c'est que le trésor peut avoir été déposé par un des anciens propriétaires, et le propriétaire actuel est le plus souvent son héritier; par conséquent, celui-ci se trouve déjà propriétaire du trésor à son insu: la découverte du trésor lui fait recouvrer l'exercice et la jouissance effective de son droit, plutôt qu'elle ne lui fait acquérir le droit luimême; ce droit se trouve même réduit de moitié, pour la récompense de l'inventeur qu'il a paru bon d'associer à ce bénéfice du hasard, afin d'éloigner de lui la pensée d'un détournement.
Mais cette première considération ne suffirait pas toujours à justifier le droit du propriétaire actuel, car il peut n'être pas l'héritier des anciens propriétaires: il n'est pas rare qu'il soit un acheteur et peut-être tout récent.
Il faut ajouter que la loi considère que, sans le hasard qui a amené un tiers à la découverte du trésor, le propriétaire avait de grandes chances de faire luimême, tòt ou tard, cette même découverte, laquelle alors lui aurait donné le trésor tout entier.
72. Notre article 631 tranche encore deux et même trois questions sur lesquelles il pourrait y avoir doute, au Japon comme en France, si la loi ne prenait soin de s'en expliquer.
1° La découverte du trésor a été faite par le propriétaire même de la chose principale, c'est-à-dire de celle dans laquelle le trésor était enfoui ou caché: il est naturel que le tout lui appartienne; ce n'était pas là le cas douteux puisque le propriétaire n'a pas de concurrent.
Mais à quel titre acquiert-il cette chose ? Il parait logique et naturel de reconnaître qu'il y a en lui deux qualités: celle d'inventeur et celle de propriétaire, et que s'il acquiert les deux moitiés du trésor, c'est pour partie en l'une de ces qualités et pour partie en l'autre. On en pourra déduire des conséquences dans le cas où le propriétaire serait marié et où il existerait entre lui et sou conjoint, soit une communauté soit une séparation d'intérêts plus ou moins déterminée.
En France, la combinaison des règles sur l'acquisition du trésor avec celles des divers régimes matrimoniaux donne lieu à des controverses; les dispositions qui précèdent aideront à les prévenir au Japon, lorsque sera venu le moment de régler l'association conjugale.
2° La découverte du trésor, au lieu d'être fortuite, i eu lieu par suite de recherches faites dans ce but: en ce cas, que ce soit par le propriétaire lui-même, ou par un tiers avec ou sans son ordre, c'est le propriétaire qui acquiert; on a vu, en effet, à l'article 606, que le tiers n'acquiert la moitié du trésor que quand sa découverte est due au hasard.
3° Il fallait admettre contre le propriétaire de la chose principale, comme contre l'inventeur, la revendication du trésor par son véritable propriétaire; il fallait aussi l'enfermer dans des limites assez étroites: la loi adopte naturellement la même prescription que contre l'inventeur et, pour cela, elle renvoie à l'article 607.
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(b) Déjà, sur l'article 67 qui refuse à l'usufruitier la jouissance de la portion du trésor revenant au propriétaire, on a eu occasion de faire allusion à la nature du trésor et, en disant qu'il “ n'est pas une accession,” un accessoire de la chose dans laquelle il est trouvé (T. Ier, p. 141, no 97), on indiquait par là qu'on ne le considérait pas comme acquis au propriétaire par accession; dès lors, on admettait que c'était un cas d'acquisition par la loi; c'est qu'à ce moment on n'était pas encore décidé à faire de concession à l'opinion commune qui y voit une accession. Mais la solution du texte sur l'usufruitier ne devra pas être changée: la justification seule diffèrera: on dira que cet accessoire de la chose usufructuaire, étant en dehors des prévisions du constituant, ne peut être une source de profit pour l'usufruitier.