586. L'exécution des obligations naturelles ne peut être exigée ni par voie d'action, ni par l'exception de compensation: elle doit être volontaire de la part du débiteur, à la bonne foi et à la raison duquel elle est laissée par la loi.
L'obligation naturelle peut aussi être acquittée par un tiers, soit au nom du débiteur, soit en son propre nom.
587. Ce qui a été volontairement payé ou acquitté, soit par le débiteur lui-même, soit par un tiers, ne peut être répété comme indûment payé.
Il n'est pas nécessaire que la cause du payement ait été exprimée, pourvû que la preuve de l'intention d'acquitter une dette naturelle résulte des circonstances du fait.
588. A défaut d'exécution volontaire, l'obligation naturelle peut être l'objet d'une reconnaissance formelle du débiteur, d'un cautionnement par un tiers, d'une novation ou de la dation d'un gage ou d'une hypothèque, soit de la part du débiteur, soit de la part d'un tiers.
Dans ces divers cas, l'obligation naturelle reconnue, novée ou garantie produit les effets civils ordinaires.
589. Lorsque l'exécution, la novation ou la garantie de l'obligation naturelle ont été procurées par un tiers, sans mandat du débiteur, celui-ci n'est tenu, pour le remboursement, que d'une obligation naturelle.
590. L'exécution volontaire, la reconnaissance ou la garantie des obligations naturelles ne sont valables que si elles émanent de personnes capables d'aliéner ou de s'obliger.
591. L'obligation naturelle peut résulter d'une convention nulle à l'origine, pour erreur excluant le consentement civil, pour défaut ou insuffisance de détermination de l'objet ou pour défaut des formes solennelles requises;
Toutefois, s'il s'agit d'une donation nulle pour défaut de formes, l'obligation naturelle ne peut être exêcutée ou reconnue par le donateur lui-même, mais seulement par ses héritiers ou ayant-cause.
La présente disposition est applicable aux héritiers de celui qui a laissé un testament nul en la forme.
592. La convention nulle pour défaut de cause ou pour cause illicite ne peut produire d'obligation naturelle; il en est de même de la convention ayant pour objet des choses sur lesquelles il est défendu de contracter, par raison d'ordre public.
593. La nullité prononcée par les articles 343 et 344, à l'égard de la promesse du fait d'autrui et de la stipulation dans l'intérêt d'autrui, ne met pas obstacle à la formation d'une obligation naturelle de la part du promettant.
594. En dehors des cas où le débiteur peut être civilement tenu à raison d'un enrichissement indû, d'un dommage injuste ou des dispositions de la loi, il peut valablement se reconnaître tenu, à ce titre, d'une obligation naturelle.
595. Une obligation naturelle peut subsister après que l'annulation, la révocation ou la résolution d'une obligation civile a été prononcée en justice.
Il en est de même après qu'une obligation civile a été éteinte par un autre mode légal d'extinction.
596. Le débiteur qui a usé du bénéfice de la prescription libératoire ou acquisitive, en faveur duquel est intervenu un jugement passé en force de chose jugée, ou qui pourrait invoquer toute autre présomption ou preuve directe de son droit ou de sa libération, peut encore se reconnaître obligé naturellement.
597. La cession civile d'une créance naturelle n'est admise qu'en faveur du créancier d'un failli et pour les sommes seulement dont il a été fait remise par un concordat.
598. La dette naturelle peut être solidaire ou indivisible, si la dette civile qu'elle supplée ou à laquelle elle survit avait ce caractère.
599. Lorsque les tribunaux ordinaires sont appelés à statuer sur l'exécution volontaire, la reconnaissance ou les autres effets légaux d'une obligation naturelle, ils jugent souverainement l'intention du débiteur; mais leur décision est sujette à cassation, s'ils ont fait une fausse application des dispositions légales qui précèdent.
600. Les parties peuvent, par un compromis, soumettre à des arbitres le jugement de l'existence ou de l'étendue d'une obligation naturelle, avant même qu'il y en ait eu exécution ou reconnaissance volontaire; dans ce cas, la sentence arbitrale déclarant l'obligation naturelle est civilement obligatoire; mais elle est nulle, si les arbitres ont admis l'existence d'une obligation naturelle dans un cas où la loi la dénie, ou l'ont déclarée impossible quand la loi permet de la reconnaître; à moins, dans l'un et l'autre cas, que les parties ne leur aient donné les pleins pouvoirs d'amiables compositeurs.
On trouve dans ces quinze articles la plupart des propositions émises et justifiées dans l'Exposé qui précède. Cependant, il n'est rien dit ici de l'extinction des obligations naturelles, puisqu'on a reconnu que leur extinction complète n'est jamais certaine. On a dû aussi faire une interversion dans la méthode et placer ici leurs effets avant leurs causes, parce que les effets des obligations naturelles sont la meilleure preuve de leur nature qu'il fallait faire connaître d'abord, tout en évitant la forme dogmatique qui ne convient guère à la Loi, même en cette matière qui est, de toutes, la plus métaphysique.