Art. 550. — 618. Il a déjà été parlé assez longuement de la saisie-arrêt qui d'ailleurs appartient plus à la procédure civile qu'au fond du droit (voy. art. 480). Elle a beaucoup d'analogie avec la cession de créance dans son but et dans ses moyens: dans son but, en ce qu'elle tend à transférer le profit de la créance à un autre qu'au créancier originaire; dans ses moyens, en ce qu'elle exige une signification au débiteur; enfin, ici, elle exercera la même influence sur la compensation, soit antérieure, soit postérieure à ladite signification.
De même que la saisie-arrêt constitue pour le tierssaisi un obstacle à la validité du payement fait à son créancier (débiteur-saisi), de même, elle l'avertit de ne pas se créer pour l'avenir des causes de compensation avec lui; mais elle ne peut lui enlever le bénéfice d'une compensation déjà acquise. Ces deux dispositions sont toujours l'application du principe général que les actes ou conventions ne peuvent nuire aux tiers, ne peuvent leur enlever des droits acquis: dans le premier cas, le tiers est le saisissant, dans le second, le tiers est celui auquel la saisie est signifiée (le tiers-saisi).
Il pourrait même arriver que le tiers-saisi perdît le bénéfice d'une compensation déjà acquise, mais il ne devrait l'imputer qu'à sa négligence: la procédure de saisie-arrêt, à laquelle il est mêlé, l'oblige à déclarer, à un certain moment, s'il est réellement débiteur du saisi ou s'il a quelque exception, fin de non-recevoir ou cause de libération vis-à-vis de celui-ci; à défaut de cette déclaration, il est considéré comme débiteur par et simple, d'après les causes alléguées dans la saisie (voy. c. pr. civ. fr., art. 573 et 577).
Dans le cas qui nous occupe, si le tiers-saisi n'a pas, au moment où il est ' ' assigné en déclaration de sa dette," fait connaître la compensation légale déjà opérée, il ne peut pas plus l'opposer au saisissant que si les causes en étaient postérieures à la saisie.
Mais, dans ces deux cas où le bénéfice de la compensation cesse de lui appartenir, il est au moins créancier ordinaire et il pourra prendre, de son côté, dans la procédure, le rôle et la' qualité de saisissant et se faire colloquer, se faire comprendre avec les autres dans la distribution des sommes saisies entre ses mains; c'est ce qu'exprime la fin de notre article.
619. La loi.assimile au cas de saisie-arrêt " les autres cas où l'un des débiteurs ne peut, ni payer valablement, ni être contraint au payement (art. 548-5°)." Ainsi, l'acheteur d'un immeuble hypothéqué doit payer son prix, non au vendeur, mais aux créanciers hypothécaires après l'accomplissement des formalités de la purge (v. n° 538 bis. S'il payait volontairement au vendeur, il resterait exposé aux poursuites hypothécaires; le danger serait le même s'il était contraint de payer audit vendeur. Or, la compensation légale est un payement virtuel et, pour ainsi dire, forcé. Si donc l'acheteur se trouvait créancier de son vendeur, dans les conditions d'une compensation légale avec son prix, celle-ci n'aurait cependant pas lieu, car, en même temps que l'acheteur serait privé de sa créance, il se trouverait exposé à payer de nouveau son prix aux créanciers hypothécaires, résultat évidemment inique; si on décidait que l'acheteur se trouve libéré de son prix, même envers eux, le résultat serait encore plus choquant, car la compensation nuirait aux créanciers hypothécaires, c'est-à-dire à des tiers, à des personnes qui ont des droits acquis.