Art. 541. — 599. Le mode d'extinction auquel nous arrivons est d'une grande utilité pratique: il simplifie les rapports et les comptes réciproques des créanciers et débiteurs. Si, deux personnes se doivent respectivement une somme d'argent, par exemple, il est inutile que l'une paye à l'autre, pour recevoir immédiatement, comme créancière, ce qu'elle a donné comme débitrice; il serait même dangereux de payer, dans certains cas car, si celui auquel est fait le premier payement est de mauvaise foi ou insolvable, celui qui a payé court le risque de ne pas recevoir à son tour ce qui lui est dû. De là, un célèbre axiome romain: " il vaut mieux ne pas payer qu'avoir à répéter ce qu'on a payé " (a).
Le mot " compensation," employé beaucoup dans le langage ordinaire et en dehors de son application juridique, exprime, d'après son étymologie latine, l'idée d'un équilibre entre deux choses pesées ensemble (b). Mais l'origine de son emploi dans la matière des obligations est un peu différente: c'est toujours une figure de langage, mais elle est plus près de la réalité des choses. Chez les Romains, l'or et l'argent, même monnayés, se donnaient au poids, et le mot pensare " peser," était synonyme de " payer - " lors donc que deux dettes se payaient l'une par l'autre, on disait qu'elles se pesaient ensemble qu'elles ee compensaient (c).
La compensation peut encore aujourd'hui être considérée comme un double payement, fictif ou abrégé.
Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait compensation, que les deux dettes soient égales: lorsqu'elles sont inégales, la compensation s'opère " jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives," comme dit le Code français (art. 1290), c'est-à-dire jusqu'à la somme ou valeur où elles se rencontrent et, comme dit notre article, " jusqu'à concurrence de la somme la plus faible le débiteur de la plus forte dette ne payera effectivement que le surplus.
C'est une dérogation plus apparente que réelle à la règle que "le débiteur ne peut contraindre son créancier à recevoir un payement partiel " (art. 459); en effet, si la dette la plus faible est née d'une convention, le plus fort créancier, en y consentant, est présumé avoir accepté d'avance la compensation partielle qui en devait résulter; si la dette n'est pas conventionnelle, les avantages de la compensation sont suffisants pour que la loi l'ait préférée à l'indivisibilité du payement.
600. Si l'on examine les causes de la compensation, elle est de trois sortes: 1° elle vient de la loi, directement, sans la participation des parties ni celle des tribunaux; 2° elle vient de la volonté d'une partie ou de toutes deux, suivant les cas: elle est dite alors soit "facultative," soit "conventionnelle:" on pourrait dire "volontaire," 3° enfin, elle est judiciaire, lorsque les tribunaux l'opèrent sans la volonté des parties, mais aussi sans arbitraire et toujours en vertu des règles du droit.
Chacune de ces causes sera reprise successivement.
C'est la compensation légale qui présente le plus d'intérêt et aussi le plus de difficultés.
Une règle commune aux trois sortes de compensations sera donnée en dernier lieu.
Le Code français (art. 1289 à 1299) a été, ici encore, reproduit presque littéralement par le Code italien (art. 1285 à 1295), avec quelques améliorations, toutefois, que l'on signalera, chemin faisant. On croit que le présent Projet est plus précis et peut-être plus complet.
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(a) Potius nostra interest non solvere quam solutum repetere.
(b) De pensare et cum, H peser avec."
(c) Le monnayage ne dispense pas nécessairement du pesage des monnaies: non seulement chez les Juifs, chez les Grecs et les Romains, mais longtemps encore, après eux, en Europe, l'usage était de donner la monnaie au poids, à cause de l'imperfection des procédés de fabrication. Aujourd'hui même, alors que toutes les pièces d'une même monnaie sont mathématiquement semblables, en sortant des presses, le pesage est un moyen rapide de s'assurer qu'elles n'ont pas été altérées.