Art. 533 et 534. -588. Dans ces deux articles, on suppose encore que le créancier n'a entendu renoncer qu'à une garantie et non à sa créance elle-même; mais il y a à remarquer que cette renenciation à une garantie pourra s'étendre à une autre.
Dans l'article 533, une caution est libérée de son cautionnement pour le tout: les autres cautions en profitent, en ce qu'elles cessent elles-mêmes d'être tenues de la part de la caution gratinée; c'est une solution analogue à celle de l'article 528, 2e al., au sujet de la remise de la dette faite à l'un des débiteurs solidaires; avec cette différence, toutefois, que dans le cas de remise de la dette solidaire, le créancier ne conserve ses droits contre les autres débiteurs que s'il a fait des réserves, parce qu'il n'y a, en réalité, qu'une seule dette principale; tandis que, quand il y a plusieurs cautions, chacune est tenue par un contrat spécial et assez indépendant des autres pour que la remise à elle faite soit sans effets pour les autres. Toutefois, comme la remise ne doit pas leur nuire et comme, sans la remise faite à l'une des cautions, celle-ci pourrait, dans certains cas, être appelée, comme les autres, à payer toute la dette, sauf son recours contre chacune (comp. c. civ. fr.; art. 2025; Proj., art. 1023) et comme, dans tous les cas, elle supporterait sa part dans la charge du payement si le débiteur est insolvable (c. civ. fr., art. 2033; Proj., art. 1038), les autres sont nécessairement affranchies de l'obligation de faire pour la caution gratifiée une avance qui ne peut plus être exigée d'elle.
589. L'article 534 suppose la remise par le créancier de tout ou partie de ses sûretés réelles. Il semblerait qu'elle doive être sans influence sur ses sûretés personnelles; mais il y a une nouvelle raison pour qu'elle profite aussi aux cautions et aux débiteurs solidaires: autrement, elle leur nuirait. On sait, en effet, que la caution et le codébiteur solidaire qui payent la dette sont subrogés aux droits du créancier: spécialement, aux priviléges et hypothèques qui garantissaient la créance, ainsi qu'au droit de poursuite contre les autres cautions et codébiteurs, et ils sont naturellement présumés avoir compté sur cette subrogation éventuelle, surtout si les garanties existaient déjà au moment où ils se sont engagés; or, si le créancier a fait remise d'un gage ou d'une hypothèque sur lesquels ses garants ont compté, il leur a nui, en rendant la subrogation impossible en leur faveur: il doit donc perdre son droit contre eux.
Il faudrait encore décider de même si la caution ou les débiteurs solidaires s'étaient engagés avant la constitution des sûretés et alors qu'ils n'avaient pu y compter, au moins d'une façon certaine: le droit à la subrogation éventuelle, leur ayant été une fois acquis, n'a pu leur être «enlevé par la remise du créancier (v. c. civ. fr., art. 2037; Proj., art. 1045) (2).
On remarquera que le texte ne déclare pas les garants déchargés de plein droit, comme paraît le faire l'article 2037 du Code français pour la caution: ils devront donc demander leur décharge en justice, et il serait raisonnable et juste qu'ils ne l'obtînssent pas, si les sûretés réelles étaient dans un rang si défavorable qu'elles fussent purement nominales et sans utilité pour le créancier, ce qui aurait pu en motiver la remise; il pourrait aussi y avoir eu changement d'une sûreté contre une autre, ce qui ne serait pas toujours nuisible: l'appréciation de la justice est donc nécessaire.
Bien que la loi ne mentionne pas ici les débiteurs soumis à l'indivisibilité naturelle ou volontaire, il faut reconnaître qu'ils auraient le même droit à la décharge de leur engagement si le créancier leur avait fait perdre par des remises le bénéfice de la subrogation à ses sûretés réelles.
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(2) L'ancienne rédaction de notre article 534 exigeait au contraire que la caution " justifiât qu'en s'engageant elle avait compté sur la subrogation à ces garanties," ce qui, dans notre intention, impliquait l'antériorité des garanties; mais nous ne croyons pas devoir maintenir cette condition, par le motif donné plus haut.
L'ancien texte ne parlait pas non plus des codébiteurs solidaires: la nouvelle rédaction comble cette lacune qui est aussi dans le Code français.