Art. 527. — 580. Les renonciations à des droits doivent quelquefois être expresses; lorsque la loi l'exige, c'est pour protéger davantage le titulaire du droit contre un résultat qui ne serait pas dans ses prévisions et dans son intention; c'est aussi pour le préserver d'une interprétation abusive dans le sens d'une renonciation que les tribunaux pourraient induire trop facilement des circonstances; ce sont, en général, des droits réels, à la jouissance desquels il y a moins de raison de renoncer qu'à celle des droits personnels (voy. art. 102-3° et 309). Mais il est naturel que la loi soit plus favorable à la renonciation aux droits personnels: d'abord, ces droits sont, de leur nature, temporaires et destinés à s'éteindre par des causes multipliées: ensuite, ils créent entre les personnes des sujets de procès et d'animosité qui font désirer toute cause qui rend aux parties leur liberté respective; la loi peut donc, sans inconvénient, admettre des renonciations tacites résultant des circonstances et laissées à l'appréciation des tribunaux. Quant à l'acceptation de la remise par le débiteur, il va sans dire qu'elle peut être tacite également, et elle sera encore plus facilement induite des circonstances.
Mais il ne faudrait pas confondre une renonciation Jacite avec une renonciation prêxumêe. La renonciation n'est présumée que dans les cas où la loi le déclare, en raison de certaines circonstances qu'elle détermine ellemême. On en va trouver ci-après des exemples, au sujet de la solidarité et de l'indivisibilité purement volontaire (v. art. 532).
Cette restriction aux pouvoirs du juge ne les empêche pas d'induire des circonstances du fait la preuve d'une renonciation tacite; mais, dans le doute, ils ne devraient pas décider en faveur du débiteur et d'une renonciation du créancier, comme le prescrit l'article 380: cet article, facile à justifier, quand il s'agit de décider si un prétendu débiteur s'est obligé et dans quelle mesure il l'a fait, n'a plus la même raison d'être quand il s'agit de savoir si la dette, certaine d'ailleurs quant à sa formation, s'est éteinte, en tout ou en partie, par un fait postérieur. Il y a d'ailleurs, ici, une interversion complète des rôles: le débiteur n'est plus défendeur à l'action du créancier, mais demandeur dans son exception ou sa fin de non-recevoir (b). On trouvera, au Livre YB, aux Preuves, un article analogue à l'article 1315 du Code français, d'après lequel "celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."
581. Il existe, en procédure, le " désistement d'action qui ne laisse pas de faire quelque difficulté, quand on le rapproche de la remise de la dette (voy. c. pr. fr., art. 402 et 403). Le désistement est la renonciation du créancier à l'exercice de l'action déjà portée devant le tribunal.
Faut-il y voir seulement le désistement de l'action, sauf à en intenter une autre, ou un désistement du droit lui-même ?
Si un créancier déclarait " se désister," avant d'avoir commencé le procès, il faudrait évidemment interpréter son acte dans le sens d'une renonciation à son droit au fond et ce serait une renonciation expresse. Quand le procès est commencé, il faut examiner attentivement les causes qui paraissent avoir amené ce désistement: si le défendeur a déjà opposé un défaut de forme, une exception d'incompétence ou une autre exception qui pourra faire écarter la demande avant l'examen du fond et mettre ainsi des frais à la charge du demandeur, il sera naturel de décider que celui-ci n'a entendu renoncer qu'à son action, à la procédure commencée, et qu'il a entendu réserver son droit au fond et l'exercice d'une nouvelle action. Si au contraire, il s'est désisté après que le défendeur, dans la correspondance, dans les défenses écrites ou dans les plaidoiries, a opposé des moyens qui tendaient à faire rejeter la demande au fond, il y aura lieu d'interpréter le désistement dans le sens d'une renonciation au droit lui-même. Ce ne sera pas une remise gratuite de la dette, car rien ne permet de voir là une intention de libéralité; ce ne sera pas non plus une transaction, parce qu'il n'y aura pas eu contrat proprement dit, ni sacrifices réciproques pour éviter le procès: ce sera une reconnaissance tacite que le droit n'avait jamais existé ou avait été éteint.
L'inverse du désistement est "l'acquiescement" du défendeur à la demande, lequel n'est pas un engagement nouveau, mais une reconnaissance d'un droit antérieur (voy. n° 556).
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(b) Il y a, à cet égard, un axiome déjà cité et qu'on retrouvera aux Preuves, en général: " le défendeur, en opposant une exception, devient demandeur," reus in excipiendo fit actor.