Art. 512. — 556. Cet article complète le précédent, en excluant l'idée de novation dans des cas qui pourraient faire doute et sur quelques-uns desquels d'ailleurs il y a désaccord en France.
Les changements ici prévus ne concernent plus les éléments constitutifs de l'obligation (sauf ce qui va être dit du consentement), mais ses modalités, ses garanties, son exécution, son étendue ou sa preuve: une obligation conserve son identité, quoique son exigibilité soit avancée ou retardée, quoiqu'elle soit affectée ou affranchie d'une condition qui en rend l'existence incertaine, quoiqu'elle soit munie ou démunie d'une hypothèque ou d'un cautionnement, quoiqu'elle doive s'exécuter dans un lieu ou dans un autre, ou qu'elle soit étendue ou restreinte dans son montant. Il en faut dire autant de la condamnation aux dommages-intérêts, en cas d'inexécution d'une obligation de faire ou de ne pas faire, et même de la stipulation, postérieure au contrat, d'une clause pénale, pour ledit cas d'inexécution: les dommages-intérêts stipulés ou prononcés en justice, sont une suite naturelle, quoique conditionnelle, de l'obligation primitive.
Enfin, la forme donnée aux actes ou titres qui doivent l'établir n'en change pas la nature, lors même qu'ils en rendraient la cession plus facile au créancier (par ex., le débiteur souscrirait une lettre de change ou un autre effet de commerce) ou qu'ils lui permettraient de la faire exécuter sans recourir aux tribunaux (par ex., le débiteur renouvellerait devant notaire une obligation sous seing privé). Il peut donc y avoir renouvellement du consentement sans novation de la dette: il y a alors une reconnaissance de la dette, un acte récognitif, dont l'effet principal est d'interrompre la prescription (v. c. civ. fr., 2248; Proj., art. 1391, 2e al.).
On a déjà rencontré l'acte récognitif sous l'article 299 (T. 1er, n° 465); on le retrouvera au sujet des preuves (Livre V, art. 1389 et s.).
L'acte récognitif pourrait être, en même temps, confirmatif, s'il avait pour but de réparer les vices dont l'acte primordial était entaché (v. c. civ. fr., art. 1338; Proj. art. 578).
La loi se prononce ici sur une question souvent débattue en France: à savoir, si le règlement d'une dette en billets ou. effets de commerce, négociables par endossement, opère novation de la dette qui a servi de cause aux billets. Assurément, si les billets mentionnaient seulement, comme cause de la dette, " valeur reçue," suivant une formule trop générale (e), on pourrait croire à un prêt d'argent; d'un autre côté, comme il serait sans donte évident, par l'ensemble des circontances du fait, et surtout par l'identié de la somme totale des billets avec le montant de la première dette, que le débiteur n'a pas deux dettes, on supposerait qu'il a d'abord payé sa première dette et a immédiatement emprunté la même somme, ce qui se réduit à un changement de cause (v. n° 553). Mais si, dans les billets, on a mentionné la première cause, comme une vente, il est juste qu'il n'y ait pas novation et que le vendeur, par exemple, n'ait pas perdu son privilége et son droit de résolution.
Le Projet n'a pas cru nécessaire de dire, comme le Code français (art. 1277) et le Code italien (art. 1273), qu'il n'y a pas novation dans " la simple indication faite par le débiteur d'une personne qui doit payer à sa place, ou, par le créancier, d'une personne qui doit recevoir à sa place: " ce sont là des vérités tout-à-fait évidentes; tandis que les hypothèses négligées par les Codes précités et prévues au présent article du Projet pouvaient paraître beaucoup plus douteuses, et surtout celles prévues aux articles 515 et 516, ci-après.
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(e) Le Code de Commerce français veut que les lettres de change et billets à ordre portent la cause de la promesse (art. 110, 76 al. et 188, in fine). Pour les billets non causés, voir, ci-dessus, art. 347 et n° 113.