Art. 570. — 676. La loi suppose ici que des actes ont été faits, non plus par le tuteur, mais par le mineur lui-même. S'il s'agissait d'actes soumis à l'autorisation du conseil de famile ou du tribunal, comme, évidemment, ces conditions n'auraient pas été remplies, les actes seraient annulables pour ce seul défaut, comme ils le seraient s'ils avaient été faits par le tuteur avec la même irrégularité. Mais on suppose que c'étaient des actes que le tuteur aurait pu faire seul, comme un contrat de louage, une vente ou un achat de meubles; dans ces cas, la loi ne considère pas l'absence du tuteur comme devant faire nécessairement présumer un préjudice pour le mineur: elle veut qu'il en soit fourni une preuve directe, et alors l'acte sera annulable pour lésion (h).
Au reste, quelle que soit l'importance de la lésion, elle suffit pour motiver la rescision: la loi n'en fixe pas le minimum, comme pour les majeurs; cependant, les tribunaux ne devraient pas tomber dans l'exagération, en tenant compte d'une perte insignifiante et que le mineur n'allèguerait peut-être que pour faire rescinder un acte qu'il regretterait plutôt par caprice que par un intérêt légitime.
Une autre différence avec la rescision pour lésion accordée aux majeurs, c'est qu'il n'est pas nécessaire qu'elle soit appréciable en argent: ainsi, si un mineur avait pris à loyer une habitation dans un quartier mal famé ou malsain, il pourrait faire rescinder le contrat; s'il avait acheté des objets d'art ou de luxe, même à un prix modéré, mais sans utilité pour lui, on pourrait dire qu'il est lésé dans ses intérêts, quoiqu'il ne fût guère possible d'estimer cette lésion en argent: dans ce cas, l'action en rescision lui appartiendrait et pourrait être exercée par son tuteur plus prévoyant que lui.
677. La loi (2e al.) accorde la même protection au mineur émancipé qui a traité seul, dans un cas où il aurait dû être assisté de son curateur; mais toujours en supposant qu'aucune autre condition n'était exigée pour cet acte: autrement, il aurait l'action pour la seule inobservation de cette condition. Si donc le mineur émancipé est lésé par son acte, d'une manière appréciable, "en argent ou autrement," il aura l'action en rescision; dans le cas contraire, l'acte sera inattaquable, quoique peut-être le mineur le regrette, par caprice ou par quelque circonstance extrinsèque.
La loi n'a pas à s'expliquer directement sur l'acte du mineur émancipé qui n'était pas même soumis par la loi à l'assistance du curateur, par exemple, pour un acte d'administration; il est clair que, dans ce cas, il est capable comme un majeur: il n'est même pas restituable pour lésion; c'est la solution que fournit l'argument a contrario de l'article 569, 26 al. Le Code français a pris la peine de le dire explicitement (art. 4-81).
Le dernier alinéa nous dit à quel moment il faut se placer pour apprécier la lésion: c'est au moment où l'acte a été fait et non au moment où l'action est intentée; de cette façon si des événements fortuits ont diminué ou détruit la contre-valeur ou les avantages que le mineur, avait reçus et qui se trouvaient équivalents à ceux qu'il avait fournis, la perte sera pour lui. Ainsi, le mineur a acheté des livres utiles qui, depuis, lui ont été volés ou ont péri dans un incendie, il ne sera pas restitué pour lésion. Il faut, du reste, que ces événements soient imprévus, car s'ils avaient été probables ou prévus, soit pour le mineur, soit pour l'autre contractant, la rescision aurait lieu: par exemple, une nouvelleédition plus complète ou plus correcte du même ouvrage était en cours d'impression, ce qui devait nécessairement causer une dépréciation prochaine de la précédente édition.
678. Le cas du prodigue et du faible d'esprit, pourvus d'un conseil judiciaire, n'est pas le même.
Il résulte de ce qui précède que le seul défaut d'assistance du curateur n'autorise pas le mineur émancipé à faire rescinder ses actes, si aucune autre forme n'était d'ailleurs exigée: il faut encore qu'il soit lésé. On pourrait croire qu'il en est de même pour le prodigue ou le faible d'esprit qui ont agi sans l'assistance de lem\ conseil judiciaire. Mais cette assimilation n'est pas possible: les actes pour lesquels l'assistance du conseil judiciaire est requise sont aussi graves et sont à peu près les mêmès que ceux qui, pour les mineurs et interdits, exigent l'autorisation du conseil de famille et même celle du tribunal; tandis que, pour l'émancipé, l'autorisation du curateur n'est suffisante, seule, que pour des actes peu graves ou d'administration. On conçoit, dès lors, que les actes du prodigue ou du faible d'esprit, faits sans, l'assistance du conseil judiciaire, soient aussi annulables que ceux, quelconques, de l'interdit ou ceux du mineur faits sans l'autorisation du conseil de famille ou du tribunal; par conséquent, sans qu'il soit besoin de lésion.
Telle est la disposition, dèjà signalée, du Code français (art. 502) et du Code italien (art. 341). Le l'rojet l'a adoptée au 26 alinéa de l'article précédent.
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(h) C'est la théorie du Code français (art. 1305); mais le Code italien l'a abandonnée: il accorde au mineur l'action en nullité par cela seul que le tuteur n'est pas intervenu (art. 1303-1°); c'est peut-être un excès de protection.