Art. 449. — 411. I. Voici d'abord l'hypothèse où le choix appartient au débiteur, et c'est lui-même qui est en faute.
La loi sous-distingué: 1° s'il reste une des choses dues, 2° si toutes deux ont péri successivement, 3° si elles ont péri simultanément.
I. Au premier cas, l'obligation devient "simple," elle n'a plus qu'un objet, celui qui reste: la loi refuse formellement au débiteur le droit de donner la valeur de celle qui a péri, parce que ce serait changer les termes de la convention, où l'on n'a pas eu en vue la valeur des choses dues, mais les choses elles-mêmes.
Par le même motif, le créancier ne pourrait exiger la valeur de la chose qui a péri; en effet, le débiteur pourrait alléguer qu'en faisant périr ou en aliénant l'une des deux choses, il a indirectement exercé son choix sur l'autre, et, justement, cette perte pourra n'être qu'une aliénation qui, étant tout-à-fait valable, l'a mis dans l'impossibilité légale de la fournir au créancier.
Lorsque l'obligation alternative est ainsi devenue simple, l'objet unique sur lequel elle porte désormais doit être aux risques du créancier, d'après les principes généraux, et s'il vient à périr par cas fortuit, le débiteur doit être libéré.
Le Code français (art. 1193) et le Code italien (art. 1180) ont, pour ce cas, adopté une autre décision et ils obligent le débiteur à donner " le prix de la chose qui a péri la dernière." Cette décision n'est pas facilement justifiable. C'est en vain qu'on dit que le débiteur, en faisant périr ou en aliénant l'une des choses dues, a diminué les chances favorables du créancier: c'était son droit. Tout au plus, pourrait-on rechercher s'il n'aurait pas dû prévenir le créancier du choix qu'il avait ainsi fait indirectement, afin que celui-ci pût se faire délivrer la chose qui restait, ou mettre le débiteur t,n demeure de la livrer et ainsi transporter les risques sur celui-ci.
La solution des deux Codes précités serait plus soutenable, s'il y avait un terme établi dans l'intérêt du créancier, ce qui est assez rare: dans ce cas, le débiteur aurait dû conserver les deux choses jusqu'à l'échéance du terme, et alors, on ne devrait pas faire payer au débiteur le prix de celle qui a péri la dernière, mais plutôt le prix de celle à l'égard de laquelle il est en faute.
II. Au deuxième cas de notre article, la solution des Codes français et italien redevient exacte; le débiteur a aliéné ou fait périr d'abord l'une des deux choses: il a exercé son choix, il doit l'autre, purement et simplement; ensuite, il la fait périr également: il en doit la valeur.
III. Le troisième cas est plus délicat. Les deux choses ont péri simultanément et le débiteur est en faute, soit à l'égard de toutes deux, soit à l'égard d'une seule.
Il peut paraître singulier, au premier abord, que dans la perte simultanée de deux choses, le débiteur soit en faute pour l'une d'elles, non pour l'autre. On peut cependant supposer que, dans une inondation ou un incendie, le débiteur aurait pu sauver au moins une des deux choses et n'en a sauvé aucune, faute de prévoyance. Par exemple encore, ayant promis un cheval de trait 0 n un cheval de selle et ayant naturellement dû s'abstenir d'atteler le cheval de selle, il les a attelés tous deux et ils ont péri dans une rivière débordée: il a donné occasion à un cas fortuit que ne devait pas rencontrer le cheval de selle, il est en faute pour celui-là et non pour le cheval de trait.
On peut retenir les mêmes exemples, pour l'explication de l'article suivant, où la faute viendra du créancier: on supposera alors qu'il avait pris les deux chevaux à l'essai: il ne devait en user que suivant leur destination et faire tout ce qui dépendait de lui pour les sauver en cas d'accident naturel, et il y a manqué.
Revenons au cas où les deux choses ont péri " simultanément " et où le débiteur est en faute, soit à l'égard de toutes deux, soit à l'égard d'une seule. Par exemple, il devait alternativement un cheval déterminé ou un autre; ils ont péri dans une inondation ou un incendie; mais les circonstances lui permettaient d'en sauver au moins un, et il n'en a sauvé aucun.
Remarquons, tout d'abord, que la décision des deux Codes précités serait ici sans application possible, car on ne peut plus parler d'une chose " qui a péri la dernière," puisque la perte est supposée simultanée; aussi paraît-il impossible, en France, de résoudre cette difficulté sans arbitraire. Laisser au débiteur le choix entre les deux valeurs serait peut-être encore ce qui se justifierait le mieux: car, ne pouvant appliquer le texte de la loi, on rentrerait dans l'application de la convention qui a donné le choix au débiteur, et il n'y aurait pas à cela un grand inconvénient, quoique celui-ci soit en faute, parce que, en général, les choses dues alternativement auront à peu près la même valeur.
Quoi qu'il en soit, le Projet a tranche la question d'une toute autre manière: voulant, à bon droit, que le débiteur soit puni de sa faute, il transporte le choix au créancier: celui-ci obtiendra la valeur de l'une ou de l'autre chose; ce n'est plus observer la convention, mais c'est le débiteur qui l'a méconnue le premier.