Art. 448. — 409. Ce qui caractérise l'obligation alternative (a) ce n'est pas la pluralité d'objets dus, ni leur diversité de nature, puisqu'on a vu que l'obligation peut être simple, tout en ayant des objets nombreux et distincts: c'est la circonstance que la prestation d'une ou plusieurs des choses dues libère le débiteur. La loi dit "une ou plusieurs," parce qu'il est possible que les choses dues, au lieu de consister en deux unités, soient séparées par groupes de plusieurs; par exemple, le débiteur a promis deux bœufs oit dix moutons, diz kohous de riz ou cinq tonneaux de saké.
La théorie de l'obligation alternative paraît assez compliquée, au premier abord, à cause des nombreuses distinctions qu'elle nécessite; mais il sera facile de reconnaître qu'elle ne présente rien d'arbitraire et qu'elle est régie par des principes généraux déjà connus, à savoir: la liberté des conventions donnant le choix à l'une ou à l'autre partie, la'préférence naturelle donnée au débiteur quand la convention est muette sur ce point, la théorie des risques ou des pertes fortuites, la res- ponsabilité des fautes, enfin, dans une certaine mesure, la théorie de la condition, car l'article 455 complétera le caractère de l'obligation facultative donné par le présent article, en indiquant qu'elle est, toujours et par elle-même, sous condition suspensive.
Les six articles suivants règlent les conséquences de la perte de tout ou partie des choses dues, ce qui est le grand et presque le seul intérêt de cette matière. Mais, là, il faudra nécessairement distinguer: 1° à laquelle des deux parties appartenait le choix de la chose à fournir; 2° si la perte est imputable à cette partie même ou à l'autre, ou si elle est fortuite ou provenant d'une force majeure; 3° si elle atteint une des choses dues ou toutes deux; 4° enfin, dans ce dernier cas, si les pertes sont successives ou simultanées.
Il résulte de ces nombreuses distinctions une complication exceptionnelle; mais on y trouvera, comme on vient de l'annoncer, une intéressante combinaison de plusieurs principes fondamentaux des Obligations.
Le Projet s'écarte ici, sur quelques points, des solutions du Code français et du Code italien; il a tranché quelques questions que ceux-ci ont négligées; enfin il a supprimé deux de leurs dispositions comme inutiles (voy. c. civ. fr., art. 1192 et 1196).
410. Du moment que le débiteur ne doit qu'une chose Olt une autre, un groupe de choses ou un autre groupe, il y a un choix à faire. Il importe de savoir qui fera le choix. Si la convention s'en est expliquée (et ce sera le plus fréquent), on suivra la convention; si elle est muette, le choix appartiendra au débiteur, par application de la règle générale que, dans le doute, on doit décider en faveur du débiteur (voy. art. 380). Ici déjà, le Projet s'écarte légèrement de ses modèles qui n'admettent le choix du créancier que s'il lui a été réservé " expressément: " on ne voit pas pourquoi le „ droit du créancier à faire le choix ne s'induirait pas des circonstances, alors que lorsqu'il s'agit de déterminer l'étendue de l'obligation, quant aux objets qu'elle embrasse, les juges peuvent décider d'après les circonstances du fait.
Le Projet prend soin de dire, par surcroît de précautions, comme les deux Codes précités (c. fr., art. 1191; c. it., art. 1177), que le débiteur, lorsqu'il a le choix, ne pourrait donner une partie de chaque chose: il est évident qu'en pareil cas, il ne se conformerait pas à l'intention du créancier et que des prestations partielles seraient souvent sans utilité sérieuse pour celui-ci. Le Projet ajoute que, de même, le créancier, lorsqu'il a le choix, ne pourrait demander une partie de chaque chose ou de chaque groupe de choses, parce que ce serait contraire à l'intention et à l'intérêt du débiteur. Cette idée est peut-être celle que le Code français a voulu exprimer, assez obscurément d'ailleurs, à l'article 1221-3°.
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(a) Alternative est dérivé de latin aller: " l'un de deux," ou de alteruter, " l'un ou l'autre."