Art. 506. — 541. On a dit, en commençant cette matière, que la subrogation a une grande analogie avec la cession de créance et cela est évident, puisque le subrogé exerce les droits et actions de l'ancien créancier; aussi pourra-t-il quelquefois y avoir à résoudre une question de fait, à savoir, si les parties ont entendu faire une opération ou l'autre, et l'on a dit que la question se résoudra par les termes employés dans les actes et par les circonstances du fait révélant l'intention. Au reste, ce doute n'est possible que dans le premier cas de subrogation, celui où elle est conférée par le créancier; car, jamais un débiteur qui emprunte pour payer sa dette ne peut être considéré comme ayant cédé la créance dont il est débiteur; quant à la subrogation légale, elle est trop précise dans le langage de la loi pour être confondue avec une cession; d'ailleurs, s'il y a des cas où la loi cède une créance (voy. c. civ. fr., art. 747, 766, 1303; Proj., art. 389 et 565), ce n'est pas à l'occasion du payement de la dette par un tiers, il n'y a donc aucun danger de confusion avec la subrogation.
Mais, après la question de fait, vient la question de droit. En quoi la subrogation diffère-t-elle de la cession de créance ou du transport-cession proprement dit ?
Il ne convient pas que la loi fasse un parallèle entre deux institutions voisines, qu'elle signale leurs ressemblances et leurs différences: c'est la tâche des ouvrages de doctrine ou d'enseignement. Ce que la loi peut faire, et elle le fait quelquefois, c'est d'indiquer une ou plusieurs de ces ressemblances ou de ces différences, lorsqu'elles pourraient faire doute: elles prennent alors le caractère de dispositions législatives. Ici c'est, au fond, une différence que la loi proclame entre la subrogation et la cession; mais, en la forme, la loi refuse au subrogé un droit qui appartiendrait à un cessionnaire et qui semblerait appartenir au subrogé, si l'on se référait uniquement à la définition que l'article 501 donne de la subrogation et aux effets que lui assigne l'article 505.
542. Il arrive souvent que le tiers qui paye avec subrogation, ou qui fournit au débiteur les deniers pour payer, a fait un déboursé moindre que le montant de la dette; si, au lieu d'un payement avec subrogation, il avait acheté la créance pour un prix inférieur à son montant il n'en aurait pas moins droit d'en exiger le payement intégral: il aurait agi dans un esprit de lucre ou de spéculation qui, s'il n'est pas à encourager, n'a du moins rien d'illicite; au contraire, le tiers qui paye avec subrogation a été mu par d'autres considérations: s'il est dans un cas de subrogation conventionnelle, son mobile a été le désir de rendre un service, soit au débiteur, soit au créancier, de remplir un bon office à leur égard; s'il a payé dans un cas de subrogation légale, il peut l'avoir fait par intérêt personnel, mais ce n'était pas par esprit de spéculation, il voulait seulement éviter des poursuites fâcheuses. De là, la limite de son recours aux sommes par lui déboursées.
Cette disposition n'est pas écrite dans les Codes français et italien, mais la jurisprudence l'y a toujours suppléée: elle est, pour ainsi dire, traditionnelle. On a dû la formuler ici.
543. D'autres différences non moins certaines doivent être admises entre la subrogation et la cession de créance.
Ainsi, la cession n'est opposable au débiteur et aux autres intéressés que si elle a été signifiée au débiteur ou acceptée par lui (voy. ci-dessus, art. 467 et c. civ. fr., art. 1690). Il en est autrement de la subrogation qui produit ses effets, tant entre les parties qu'à l'égard des tiers, sans avoir été notifiée au débiteur; la raison de cette différence est que, dans le payement avec subrogation, le payement est l'acte principal, le transport des droits du créancier n'est que l'accessoire; or, la loi qui ne favorise pas la cession de créance, favorise, au contraire, le payement, même quand il n'est qu'imparfaitement extinctif de la dette. Le subrogé cependant fera sagement de ne pas laisser ignorer au débiteur le payement qu'il a fait pour lui; car, si celui-ci, dans l'ignorance du payement déjà effectué, payait sa dette une seconde fois, il se trouverait libéré vis-à-vis du subrogé, comme Il ayant payé de bonne foi au possesseur de la créance " (voy. art. 478) (l).
Mais la différence entre la cession de créance et la subrogation reparaît dans toute sa gravité si l'on suppose que le créancier primitif cède la créance dont il a déjà reçu le payement avec subrogation ou que des saisies-oppositions soient pratiquées de son chef sur ladite créance: la cession et les saisies seront nulles, malgré la bonne foi du cessionnaire ou des saisissants, car il n'y avait plus de créance à céder ou à saisir.
543 bis. Une autre différence entre la cession et la subrogation se présente dans le cas même où la créance n'existait pas au moment où elle a été payée ou cédée: le subrogé qui a payé une dette déjà éteinte n'a contre le prétendu créancier que l'action en répétition de l'indû, limitée à ce qui a été payé, et sans indemnité autre que les intérêts légaux, s'il y a eu réception de mauvaise foi (art. 488); au contraire, le cessionnaire d'une créance qui n'existait pas a, s'il a été acheteur (m), une action en garantie qui lui fait recouvrer, non seulement ce qu'il a payé, avec les intérêts, mais encore tout le profit légitime qu'il pouvait espérer de l'opération: notamment, la différence entre le prix de cession et le montant intégral de la créance, si, d'ailleurs, le prétendu débiteur est solvable; autrement, le cessionnaire ne peut pas imputer au cédant la perte du profit espéré.
En France, on signalerait une dernière différence entre la subrogation et la cession, lorsque l'une et l'autre n'ont eu lieu que pour partie (v. c. civ., art. 1252); mais cette différence n'a plus lieu avec le Projet japonais, ainsi qu'on l'expliquera ci-après, sous l'article 508.
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(k) Chez les Romains, la caution se nommait Jidejussor; on ne dit guère " fidéjusseur " en français: le mot " caution " qui exprime bien l'idée d'une " garantie " est préférable; mais, quand il y a plusieurs cautions, au lieu de dire " co-cautions," ce qui serait inélégant, on dit " cofidéjusseurs " (voy. c. civ. fr., art. 2033, rubrique de la Section; Proj., art. 1038).
(l) Il faut naturellement excepter le cas de subrogation conférée par le débiteur: il la connaît nécessairement.
(m) Si la cession avait été faite par donation, le donataire évincé n'aurait droit à aucune indemnité.