Art. 505. — 536. Cet article ne serait pas utile, après l'article 501, s'il n'apportait plusieurs exceptions ou modifications à la règle que " le subrogé exerce tous les droits et actions qui appartenaient au créancier désintéressé."
Sur le principe même posé au début de l'article, on ne fera qu'une seule observation: le subrogé n'a pas, d'une façon absolue, tous les droits qui appartenaient au créancier à un titre quelconque, mais seulement, comme le texte a soin de le dire, ceux qui constituaient " des effets ou des garanties de sa créance."
Comme " effets" de la créance (indépendamment du droit d'action directe et principale pour l'exécution) on comptera: le titre même servant de preuve, les actes de poursuite déjà faits, depuis et y compris la mise en demeure, les dommages-intérêts déjà dus, le droit à une clause pénale, s'il y a lieu, et l'action révocatoire des actes frauduleux (v. art. 360 et suiv.); comme " garanties ou sûretés les priviléges et hypothèques, le cautionnement, la solidarité et l'indivisibilité conventionnelle, l'action indirecte ou oblique organisée par l'article 359, enfin l'action résolutoire du contrat.
Mais il ne faudrait pas reconnaître à celui qui serait subrogé à un vendeur la faculté de rachat stipulée par celui-ci, ni l'action en rescision pour lésion ou vilitc) du prix: ce ne sont là ni des effets ni des garanties de la créance du vendeur; ce seraient d'ailleurs des moyens indirects pour le subrogé de bénéficier du payement, contrairement à l'article suivant. La faculté de rachat et l'action en rescision continueront à appartenir au vendeur, aussi bien quand il a reçu son prix d'un tiers subrogé que quand il l'a reçu de l'acheteur luimême. Lorsqu'il exercera l'un ou l'autre de ces droits, c'est au subrogé et non à l'acheteur qu'il aura à rendre le prix qu'il a reçu.
Voici maintenant les modifications que peut subir le principe général qui met le subrogé au lieu et place du créancier primitif.
537. -Ier Cas. Comme l'ordre public n'est pas intéressé à ce que la subrogation ait tous ses effets, les parties peuvent toujours, au moment où le payement a lieu, y apporter les limites qui leur conviennent: par exemple, supprimer ou restreindre l'action hypothécaire ou décharger les cautions.
Parmi les " parties," il faut toujours compter le subrogé, sans distinguer si la subrogation est légale ou conventionnelle; mais la nécessité du consentement du débiteur ou du créancier varie suivant les cas: si la subrogation vient du créancier, il faut son consentement pour restreindre la subrogation, puisqu'elle est son œuvre, sauf au débiteur et au subrogé à consentir ensuite telles autres restrictions qui leur conviendront; si la subrogation est légale, c'est encore avec le créancier que le subrogé pourra consentir à une diminution de ses droits, car le débiteur reste étranger au payement; si, au contraire, la subrogation vient du débiteur, les restrictions seront convenues entre lui et le subrogé, sans participation du créancier.
Il ne pourrait pas y avoir augmentation des droits transmis au subrogé, au moins comme tel; ce qui pourrait se faire en ce sens ne serait plus une subrogation mais une cession, un transport de créance; ainsi un vendeur pourrait bien, en recevant son payement, céder au tiers qui le paye l'action en réméré ou son action en rescision pour lésion qu'on vient de refuser à oelui-ci; mais, puisque ce ne serait plus une subrogation, il faudrait observer les règles de la cession des droits et actions, et l'on verra sous l'article 506 que les règles ne sont pas tout-à-fait les mêmes que celles de la subrogation. à;
538. —IIe et IIIe Cas. C'est une question très embarrassante, en France, que celle de savoir si le tiers détenteur qui paye une dette hypothécaire grevant son immeuble est subrogé contre la caution qui garantit la même dette.
A ne consulter que l'article 1252, l'affirmative ne ferait pas de doute, car il y est dit que " la subrogation a lieu tant contre les cautions que contre les débiteurs." Mais la caution qui paye la dette est elle-même subrogée à tous les droits du créancier, d'après l'article 1251-3°, comme étant " tenue pour un autre " et aussi d'après l'article 2029; or, si elle est obligée de rembourser le détenteur, en vertu de la subrogation de celui-ci, elle sera, à son tour, subrogée contre lui-même: il y aura ce qu'on nomme "circuit d'actions" et le débat n'aura pas d'issue.
On décide généralement que la caution est à l'abri du recours du tiers détenteur et c'est la solution que donne le Projet, mais d'une façon moins absolue. La raison qui a fait admettre ce résultat, en jurisprudence française, peut être prise aussi en considération dans une loi à faire, mais sous des distinctions qu'on paraît avoir négligées jusqu'ici: on a dit que le tiers détenteur qui est réduit à payer une dette hypothécaire avec ses propres deniers a commis, à l'origine de son acquisition, une faute qu'on ne peut, au contraire, reprocher à la caution: le tiers détenteur pouvait, dit-on, au moyen du payement de son prix d'acquisition et en observant la procédure dite de purge, affranchir son immeuble des hypothèques qui le grevaient, tandis que la caution, n'ayant pas la même faculté, n'a pu commettre la même négligence.
Mais, par cela même que, dans cette solution, la perte du recours contre la caution n'atteint le tiers détenteur qu'autant qu'il n'a pas fait tout ce qui dépendait de lui pour n'avoir pas besoin de ce recours, il. faudrait limiter avec soin le cas où il en est déchu, et c'est ce qu'on néglige de faire.
538 bis. Avant d'aller plus loin et bien que la matière de la purge soit tout-à-fait spéciale aux priviléges et hypothèques et encore inusitée au Japon, il est nécessaire, pour l'intelligence de ce qui précède, d'en indiquer ici les principaux caractères; d'ailleurs, elle est introduite dans le Projet (v. art. 1269 et s.; comp. c. civ. fr., art. 2183 à 2192).
La purge est une procédure ingénieuse, mais compliquée, au moyen de laquelle l'acquéreur d'un immeuble peut le dégrever des priviléges et hypothèques dont il est affecté, par des offres spéciales faites aux créanciers, suivies de consignation, s'ils acceptent, et d'une revente aux enchères, s'ils refusent. Si le contrat d'acquisition est une vente, l'acheteur offre aux créanciers son prix d'achat; si c'est une donation, un échange, ou tout autre contrat que la vente, il offre une valeur qu'il estime équivalente à l'immeuble.
Dans le cas où les créanciers acceptent les offres, si c'est un prix de vente qui leur a été offert, le tiers détenteur n'a pas à exercer de recours contre la caution: il a payé sa dette au vendeur, en versant le prix aux créanciers de celui-ci et il n'a pas de subrogation, puisqu'il n'a pas de recours; c'est dans ce même cas de vente que, si le tiers acquéreur, n'ayant pas employé la procédure de purge, a payé directement son prix au vendeur et est obligé de le payer de nouveau aux créanciers hypothécaires, on peut le lui imputer à faute et affranchir la caution de son recours. Mais si, comme donataire ou co-échangiste, il a dû offrir une valeur estimative dont il n'était pas débiteur, l'immeuble ne se trouve purgé que par un sacrifice qu'il n'était pas tenu de faire: il a, évidemment, un recours contre le débiteur principal et, on devrait décider, dans le sys, tème dont il s'agit, que par la subrogation aux droits du créancier, il a un pareil recours contre la caution.
Dans ces derniers cas mêmes, s'il avait négligé la purge, la caution ne pourrait le lui reprocher pour se soustraire à la responsabilité de la dette, puisque les sommes qu'aurait offertes le tiers détenteur, donataire " ou échangiste, n'étaient pas dues par lui et auraient dû lui être remboursées par la caution.
Il pourrait même arriver, au cas de vente, qu'un acheteur ayant employé la purge ne dût pas être dénué de tout recours contre la caution: par exemple, s'il avait été obligé d'offrir une valeur supérieure à son prix d'acquisition, trop faible pour être accepté par les créanciers; dans ce cas, on pourrait lui accorder le même recours pour cet excédant, lors même qu'il n'aurait pas effectivement purgé, puisqu'il n'aurait pu le faire qu'au moyen d'une augmentation de prix.
Tel était le système admis dans la précédente rédaction du Projet, laquelle subrogeait le tiers détenteur contre la caution " pour les sommes dont il n'avait pu, " au moyen de la purge des hypothèques, dégrever " l'immeuble sans faire une avance de fonds."
Si donc le tiers détenteur, acheteur, co-échangiste donataire, n'avait pu dégrever l'immeuble par la purge qu'au moyen d'une avance de fonds dont il n'était pas débiteur par le contrat, il avait son recours contre la caution, lorsqu'il avait ainsi payé les dettes hypothécaires, sans qu'il y eût à distinguer s'il avait effectivement ou non procédé à la purge. En effet, la caution ne, pouvait reprocher au tiers détenteur de n'avoir pas purgé, lorsque cette formalité accomplie ne l'aurait pas mise à l'abri du recours.
Mais ce système a été abandonné, sur les justes oritiques de la Commission, sans pourtant qu'il y eût lieu de se rallier à celui de la doctrine française. Il en est résulté un système encore plus nouveau que le précèdent; mais il n'est exposé que sous l'article 1036 auquel renvoie notre article 505. Remarquons seulement ici que notre article est deux fois formel en faveur de la caution: 1° il lui donne la subrogation contre le tiers détenteur, sous la condition d'avoir pris une mesure qui la fera comprendre dans la procédure de purge (2e al,); 2° il refuse la subrogation au tiers détenteur contre la caution, dans tous les cas (3e al.).
539. —Ive Cas. On suppose ici plusieurs tiers détenteurs de divers immeubles hypothéqués à la même dette: l'un d'eux a purgé son immeuble, au moyen d'une avance de fonds qu'il a dû faire comme donataire, comme co-échangiste ou même comme acheteur; les autres n'avaient pas purgé leur acquisition: autrement, ils ne pourraient plus être poursuivis, ni par le créancier originaire (subrogeant), ni par le subrogé. Celui donc qui, pour purger, a payé ce qu'il ne devait pas personnellement, doit avoir un recours contre les autres tiers détenteurs qui ont négligé la purge. Mais il ne peut exercer contre eux un recours pour tout ce qu'il a payé: autrement, à leur tour, ils auraient recours les uns contre les autres et contre lui, et on tournerait dans un circuit d'actions; le recours devra donc se diviser. Le texte nous dit dans quelle mesure.
Il ne peut être ici question d'une division égale ou par portions viriles, comme entre codébiteurs conjoints, ou même entre codébiteurs d'une dette solidaire ou indivisible, dans leurs rapports respectifs: ils sont tenus à cause du bien qu'ils détiennent (propter rem), il est donc naturel et juste qu'ils soient tenus entre eux dans la proportion de la valeur respective des divers immeubles toutefois, les immeubles qui valent plus que le montant de la dette hypothécaire ne seront comptés que pour une valeur égale à cette dette; car, évidemment, le tiers qui les détient ne peut être tenu pour plus que le montant de celle-ci: s'il était seul, il ne payerait que cette valeur, au maximum. Bien entendu, celui qui a payé concourra pour sa part, puis, tous auront leur recours contre le débiteur; mais, vraisemblablement, il est insolvable.
Supposons une dette de 10,000 yens (j); trois immeubles ont été hypothéqués à la dette et ils se trouvent dans les mains d'autant de tiers détenteurs: Primus a reçu en donation l'un de ces immeubles valant 12,000 yens et, pour le conserver, il a payé la dette hypothécaire; Secundus a acquis un autre immeuble valant 8,000 yens et Tertius a le dernier qui n'en vaut que 2000. On commencera d'abord par réduire à 10,000 yens la valeur de l'immeuble de Primus, car il ne peut contribuer au payement pour une valeur supérieure à la dette; les trois immeubles présentent ainsi une valeur totale de 20,000 yens, pour en payer 10,000, soit la moitié -, chacun contribuera donc pour moitié de la valeur qu'il détient: Primus payera 5000, Secundus 4000 et Tertius 1000. Chacun des tiers détenteurs aura son recours contre le débiteur, s'il est solvable; mais aucun ne recourra contre les cautions, lors même qu'elles ont négligé la condition à laquelle elles sont soumises par l'article 1036 précité.
540. - Ve Cas. Cet alinéa s'applique à des personnes qui étaient obligées personnellement, soit comme codébiteurs tenus solidairement ou indivisiblement, soit comme cautions. Comme elles sont subrogées les unes contre les autres, il faut toujours éviter le circuit d'actions; on recherchera donc la part contributoire de chacune: entre codébiteurs principaux, cette part n'est pas toujours virile, elle peut différer suivant l'intérêt que chacun a eu dans la convention originaire (v. art. 460 et n° 429); entre co-fidéjusseurs (7c). les parts seront viriles, s'il n'y a convention contraire. Celui donc qui a payé gardera à sa charge sa part contributoire et recourra divisé ment contre les autres pour la leur.
La loi ne parle pas de recours de ces personnes contre les tiers détenteurs; il n'y avait pas, en effet, à s'en occuper: les codébiteurs principaux ne peuvent jamais recourir contre les tiers détenteurs, pas plus qu'ils ne pourraient recourir contre des cautions, puisqu'ils devraient toujours rembourser, à titre de garants, ce que ceux-ci auraient payé en leur acquit; quant aux cautions qui ont payé, elles recourront contre les tiers détenteurs, si elles ont conservé leur droit à la subrogation conformément à l'article 1036: c'est encore la distinction portée au 2° alinéa.
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(j) En japonais, le nombre de 10,000 est une sorte d'unité (1'tchi man), on dit '- un man," comme, en français, un millier, un million, un milliard.