Art. 502. — 524. Le cas de subrogation par le créancier est le plus simple; la loi ne le soumet qu'à deux conditions: que la subrogation soit “clairement mentionnée " et qu'elle soit faite dans la quittance, c'est-à-dire, au moment même où le payement est régulièrement accepté.
Sur le premier point, le Projet est un peu moins exigeant que la loi française qui veut que la subrogation soit "expresse” (art. 1250-1°): comme d'ailleurs on n'exige pas, pour l'observation de cette disposition que le créancier emploie exclusivement le mot de “subrogation," comme beaucoup d'équivalents sont admissibles, il vaut mieux n'exiger que “la clarté.” La loi française, dans un cas analogue, celui de la novation, se contente d'une disposition “claire” de la convention (art. 1273).
Il y aura toujours une difficulté possible, soit avec le Projet, soit avec la loi française, c'est celle de savoir s'il y a eu payement avec subrogation ou transportcession de créance; en d'autres termes, si la somme ou valeur fournie par le tiers l'a été comme payement et pour acquitter la dette, ou comme prix de cession et pour acquérir la créance. Les deux opérations ont, comme on l'a annoncé, plus d'analogies que de différences: la plus considérable des différences se trouve mentionnée à l'article 506 sous lequel elle sera justifiée. Il faut laisser aux tribunaux le soin de décider ce que les parties ont entendu faire (quid inter partes actum sit), d'après les expressions employées dans la convention, d'après la correspondance qui a pu être échangée à ce sujet, enfin, d'après le motif qui a pu faire agir le tiers, lequel peut être le désir de rendre un bon office au débiteur ou, au contraire, l'esprit de spéculation.
525. La seconde condition est encore plus simple: si la subrogation n'est pas accordée “au moment du payement," elle ne peut plus l'être ensuite, parce que la dette, se trouvant alors éteinte, absolument et sans réserve, ne peut renaître par aucun acte.
Il ne faudrait pas ajouter à la loi, en exigeant que la quittance subrogative soit écrite; sans doute, cela sera désirable et le plus fréquent; mais l'écrit pe sera exigé ici qu'autant qu'il sera nécessaire d'après le droit commun des preuves: un payement effectué devant témoins, avec déclaration verbale de subrogation par le créancier, serait parfaitement valable devant les tribunaux, dans tous les cas où un payement simple pourrait se prouver par témoins. Si, au contraire, il n'y avait ni écrit, ni témoins, et que la subrogation résultât de l'aven seul du créancier, les tribunaux pourraient ne pas accueillir la prétention du subrogé, parce qu'il pourrait y avoir collusion de celui-ci avec le créancier, pour faire revivre une dette éteinte, au préjudice da débiteur et des autres personnes intéressées à l'extinction: c'est l'aveu du débiteur qui ferait foi en pareil cas, plutôt que celui du créancier.
526. L'article 502 se termine en tranchant une question très-débattue en France, au sujet de l'article 1236, in fine, dont la rédaction est fort obscure (d). Cet article semble refuser au créancier le droit de subroger, un tiers “non intéressé,” lorsqu'il paye “en son propre nom," au lieu de payer au nom du débiteur; d'un autre côté, comme cette opération n'a rien d'illicite en soi, on la déclare valable comme transport-cession de la créance; or, cette interprétation, loin d'être favorable au débiteur, lui est au contraire nuisible (voy. ci-après, art. 506): il n'y aura plus de difficulté avec le Projet: que le tiers soit intéressé ou non, qu'il paye en son propre non ou au nom du débiteur, comme gérant d'affaires ou comme mandataire, il pourra toujours être valablement subrogé par le créancier.
Ce qui aurait pu faire doute seulement, c'est qu'un mandataire, payant au nom du débiteur, pût se faire subroger: il semblerait que, représentant le débiteur, il ne pnisse conserver la créance à son profit et que le payement devrait être aussi complétement extinctif que s'il était fait par le débiteur lui-même; mais la représentation du débiteur par le mandataire est elle-même “une fiction” (voy. p. 519, a) et il n'y a pas de raison sérieuse de donner plus de puissance à cette fiction qu'à celle sur laqnelle repose la subrogation. D'ailleurs, on verra dans l'article suivant que le payement fait par le débiteur lui-même peut être accompagné de la subrogation, il n'est donc pas surprenant que le même résultat puisse, sous une autre forme, être attaché au payement fait par son représentant.
527. La loi n'a pas eu besoin de s'expliquer sur la capacité nécessaire au créancier pour conférer la subrogation: il est clair que s'il a capacité pour recevoir le payement qui éteint son droit, il a la capacité de subroger à ce même droit, puisque la subrogation ne doit pas lui préjudicier (comp. art. 507); la loi d'ailleurs termine cette matière en renvoyant aux règles générales du payement.
Le seul point qui pourrait faire quelque doute est celui de savoir si le mandataire du créancier, à l'effet de recevoir le payement, peut conférer la subrogation au tiers qui paye: quelqnes auteurs prétendent qu'il faut distinguer entre les mandataires généraux, comme le tuteur et le mari, et le mandataire spécial qui n'est chargé que de recevoir, comme un caissier, un huissier ou un notaire (e); mais il paraît plus naturel et plus juste de ne pas faire cette distinction, toujours parce que, la subrogation ne nuisant pas au créancier, il n'y a pas lieu d'exiger un pouvoir exprès à cet égard; on peut dire même que ces mandataires manqueraient à leur devoir et encourraient une responsabilité envers le créancier, s'ils refusaient le payement offert par un tiers, sous prétexte que celui-ci exige la subrogation. D'ailleurs, si le créancier avait des motifs sérieux de refuser la sabrogation ainsi conférée par un mandataire spécial, il devrait refuser le payement lui-même: autrement, il serait censé avoir ratifié toute l'opération.
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(d) La même obscurité de rédaction a été reproduite dans le Code italien (art. 1238, in fine).
(e) Il ne faut pas considérer un serviteur chargé d'aller recevoir le payement comme un véritable mandataire dans le sens qui nous occupe, ou, tout au moins, il faut dire que son mandat est limité à la réception matérielle et au transport de la chose due.