Art. 501. — 520. Le premier article, sans être toutà-fait une définition du payement avec subrogation, en indique le double effet déjà annoncé: comme payement, il est et il ne peut pas manquer d'être extinctif de l'obligation; mais puisqu'il n'est pas un payement par et simple, son effet extinctif est incomplet: la dette est vraiment éteinte par rapport au créancier qui n'a plus aucun droit, elle subsiste par rapport au débiteur qui n'est nullement libéré. Aussi a-t-on l'habitude de dire que la subrogation est une fiction de cirait qui permet de considérer comme subsistant encore, au profit du tiers qui a payé, l'obligation qui a cessé d'exister au profit du créancier. Cette idée de " notion " n'est pas nouvelle en cette matière: déjà les anciens jurisconsultes romains, dans le cas où le payement était fait par un codébiteur solidaire ou par une caution, lui donnaient, pour son recours en remboursement, les actions mêmes du créancier, et ils disaient que ce dernier " était censé avoir vendu sa créance, avoir cédé ses actions " (a).
Cependant, quelques jurisconsultes français (b) ont combattu l'idée de cession et de conservation de la créance au profit du subrogé: ils ont prétendu que le payement éteint la créance, aussi bien à l'égard du débiteur qu'à l'égard du créancier, et que le recours du tiers qui a pay~, contre le débiteur, est fondé sur une créance nouvelle par sa cause, qui est la gestion d'affaires ou le mandat, suivant que le tiers a payé spontanément ou sur le mandat du débiteur; mais, pour que ce recours soit efficace, la loi y attacherait les sûretés qui garantissaient la créance primitive.
L'inventeur et les partisans de ce système ne se sont pas aperçus qu'ils avaient eux-mêmes besoin de recourir à une fiction pour expliquer la conservation des sûretés de l'ancienne créance et que, dès lors, il est plus simple et tout aussi naturel de conserver la créance elle-même au subrogé.
La question n'est pas d'ailleurs dénuée d'intérêt pratique: si la créance est considérée comme éteinte par le payement et si les droits accessoires sont seuls conservés, il n'y aura de conservés que ceux qui sont désignés plus ou moins explicitement par la loi; 01', les priviléges, les hypothèques, le cautionnement, sont évidemment conservés; on peut décider de même pour la solidarité entre débiteurs, parce qu'elle a de l'analogie avec un cautionnement mutuel; mais, il n'en est plus de même pour les intérêts, soit compensatoires, soit moratoires, pour le droit d'user des titres de l'ancienne créance et des actes de poursuite déjà faits; enfin, tandis que l'ancienne créance pouvait avoir un caractère coinmerci al, avec les avantages qui y sont attachés, la nouvelle est toujours civile.
Il est facile de voir, à la simple lecture de l'article 50 i. que tel n'est pas le système suivi par le Projet; de plus, on s'est attaché à prévenir tous les doutes, en déduisant, dans les articles 505 et 509, les principales conséquences du système adopté.
521. Mais de ce que le subrogé acquiert la créance primitive elle-même il ne résulte pas qu'il soit privé de l'action spéciale qui lui appartient de son propre chef et qui est née de la gestion d'affaires ou du mandat: il peut, suivant son intérêt, se prévaloir de l'une ou de l'autre; il peut même les cumuler, en demandant par l'une ce qu'il ne pourrait obtenir par l'autre; ainsi, si la dette primitive ne portait pas d'intérêts, le tiers qui l'a payée en vertu d'un mandat aurait droit aux intérêts légaux de ses déboursés, d'après les règles du mandat; mais il ne pourrait alors invoquer, pour ces intérêts, la garantie d'une hypothèque ou d'un cautionnement attachés à la première dette. Dans un cas même, le tiers n'aura contre le mandant que l'action de mandat, c'est lorsque la dette qu'il a payée n'existait pas; dans ce cas, il n'y a, en réalité, aucune subrogation: le payement est sujet à répétition, comme indû; mais si celui qui a reçu est insolvable ou s'il est difficile de faire contre lui la preuve que la dette n'existait pas, le mandataire peut toujours se retourner contre le mandant, responsable du mandat qu'il a donné. Dans le cas de gestion d'affaires, le gérant n'aurait que la répétition de l'indû contre celui qui a reçu.
522. L'article 501 annonce trois sortes de subrogations; à la rigueur, on pourrait n'en reconnaître que deux, l'une conventionnelle, l'autre légale; c'est ainsi qu'a procédé le Code français (art. 1249); mais il faut alors subdiviser la subrogation conventionnelle en deux cas, ce qui est plus complique.
Il n'est pas question ici de subrogation judiciaire: on en a rencontre une application dans l'article 359; mais elle n'a aucun rapport avec le payement. Il en est de même de la subrogation autorisée entre créanciers qui ont pratique une saisie immobilière (voy. c. pr. civ. fr., art. 721 à 723) (c).
523. La subrogation qui va nous occuper est souvent appelée subrogation " personnelle" ou subrogation " de personnes," parce qu'elle substitue un nouveau créancier à l'ancien; elle forme ainsi opposition à la subrogation réelle" qui substitue une chose à une autre comme objet du droit de propriété; par exemple, quand un mari, en vertu du contrat de mariage ou d'une disposition de la loi, fait " remploi," pour sa femme, du prix d'un immeuble flliéné, en achetant un autre immeuble; on dit alors que le nouvel immeuble est "subrogé" au premier; il en est de même au cas d'échange d'un immeuble dotal contre un autre bien qui devient dotal à son tour (voy. c. civ. fr., art. 1407, 1434 et 1435, 1553, 7' al. et 155).
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(a) Il n'est pas rare que les jurisconsultes expliquent par l'idée de fiction des théories un peu hardies de la loi; la loi française elle-même qualifie de 1, fiction légale " la représentation en matière de succession (art. 733); elle admot form;lle;ne:it une tradition "feinte,>, ou fictive (art. 16L9) et l'on peut dire que la loi feint, lorsqu'elle emploie l'expression " est censé," dans les articles 522 et 883; enfin, c'est par une véritable notion que le mandataire représente le mandant et que tout ce qu'il fait, dans les limites du mandat; est censé fait par le mandant luimême.
(b) Parmi eux est le célèbre Merlin qui fut Procureur général à la Cour de cassation, sous le 1er Empire, et qui prit une part considérable à la rédaction du Répertoire de jurisprudence qui porte son nom. Ce Répertoire, peu connu au Japon, est trè? précieux, surtout pour l'ancien droit français et pour le droit de la Hévolution dit H droit intermédiaire."
(c) On a prétendu cependant trouver un véritable cas de snhrogation " judiciaire" par suite de payonent, dans l'ilrticle 133 (ln Code français de Procédure civile, qui permet à l'avoué dont le client a gagné le procès (le demander à la justice la disfraction des dépens à soit profit; mais il y a plutôt là une subrogation h'/jale; car la justice ne pouvant refuser de raccord à l'a\'()1]é qui la rpqniert, 011 Il(' peut pas dire que ce bénéfice vienne (I'ell(,,: un effet de la loi n'a pas toujours lieu de plein droit et il ne cesse pas d'être légal parce qu'il doit être déclaré par la. justice (v. n° 503-3°, in fine).