Art. 434 et 435.- 379. Comme on l'a dit plus haut, la condition casuelle est celle qui dépend seulement du hasard (casus) ou d'un événement sur lequel les parties ne peuvent exercer aucune influence; si la condition dépend, en même temps, de la volonté d'une partie et du hasard ou de la volonté d'un tiers, la condition est appelée mixte; enfin, elle est dite potestative, quand il dépend uniquement de la volonté de l'une des parties de la faire accomplir ou défaillir.
Le Code français prohibe “la condition potestative de la part de celui qui s'oblige” (art. 1174); le Code italien, avec une nuance d'expression, prohibe la condition qui dépend “de la pure volonté de celui qui s'oblige” (art. 1162) (j). Au contraire, tous deux permettent, par cela seul qu'ils ne la prohibent pas, la condition potestative de la part du stipulant.
Le Projet japonais paraît s'écarter de ses deux modèles, en ne prohibant pas même la condition potestative de la part de celui qui s'oblige; mais, en réalité, la dérogation est moindre qu'elle ne paraît. En France, notamment, la saine interprétation de la loi n'amène à prononcer la nullité de la convention qui en dépend que lorsque la condition est purement potestative, lorsque le promettant ne fait aucun sacrifice, soit qu'il veuille ou ne veuille pas accomplir la condition, quand elle dépend de son par caprice ou de sa fantaisie, lorsqu'enfin il n'a entendu s'obliger que si tel était son bon plaisir, ce que les Romains désignaient par ces mots: “si je veux" (si voluero). Au Japon aussi, la convention sera nulle dans ce cas; mais ce sera d'après le principe général qu'il n'y a pas convention ou contrat sans volonté de s'obliger, sans consentement. Mais on n'a jamais sérieusement soutenu, en France, qu'one vente fût nulle quand, par exemple, le vendeur l'avait subordonnée à un voyage, ou à sa démission de fonctions publiques ou privées; parce qu'on reconnaît qu'en pareil cas, comme dans une foule d'autres, ce n'est pas par caprice ou pure fantaisie qu'une partie fait un voyage ou donne sa démission: il y a toujours des intérêts en jeu, des sacrifices à faire, qui peuvent faire hésiter le contractant. De même, s'il s'agit d'un contrat synallagmatique, il est difficile de dire quand la condition “dépend de la volonté de la partie qui s'oblige,” puisque les deux parties sont respectivement créancière et débitrice.
380. Toutes ces difficultés disparaissent dans le Projet. L'article 435 prend d'ailleurs une précaution qui éloigne tout danger. Il est clair que dans le cas où l'accomplissement de la condition dépend de la volonté d'une seule des parties, que ce soit du stipulant ou du promettant, la convention n'est pas pure et simple: il fant encore que cette volonté soit exprimée et notifiée; jusques-là, le promettant ignore si et quand il devra exécuter, ou c'est le stipulant qui ignore si et quand il pourra demander l'exécution; la partie qui n'a pas le choix peut donc souffrir plus ou moins d'une trop longue incertitude. La loi y pourvoit, en autorisant cette partie à demander au tribunal la fixation d'un délai, si d'ailleurs les parties n'en ont pas fixé on elles-mêmes (comp. art. 436). Passé ce délai, la condition sera réputée défaillie, si la partie n'a pas exercé sa faculté.
Il n'y a pas à distinguer, d'ailleurs, si la condition potestative était suspensive ou résolutoire, quant à son effet sur la convention, ni, si elle était positive ou négative, c'est-à-dire s'il s'agissait de l'accomplissement ou du non-accomplissement d'un fait déterminé.
381. L'article 434 a un autre objet: statuant sur une condition qui ne dépend pas de la volonté du promettant, mais de celle du stipulant ou du hasard, il punit le promettant de tout acte de sa part qui aurait pour effet d'empêcher l'accomplissement de la condition au profit du stipulant, et la punition est que la condition défaillie par son fait sera réputée accomplie contre lui. Ainsi, une vente avait été faite sous la condition suspensive que le vendeur aurait acquis telle autre propriété; l'acheteur, regrettant le contrat et pour faire manquer la condition, achète lui-même le bien désiré par son vendeur: il en sera puni, si le vendeur in voque la loi, en se trouvant acheteur du premier bien, en même temps qu'il l'est du second, ce qui pourra être pour lui un sérieux embarras. En modifiant l'exemple, on l'appliquera à la condition résolutoire: il a été convenu que la vente serait résolue, dans l'intérêt de l'acheteur, s'il parvenait à acquérir un autre immeuble déterminé qui répond mieux à ses besoins; le vendeur, pour empêcher la résolution de s'accomplir, s'est rendu luimême acquéreur de ce bien: comme il a volontairement empêché la résolution, elle sera réputée accomplie; il devra reprendre son immeuble et restituer le prix qu'il aura reçu.
Bien entendu, dans les deux cas, la résolution n'a pas lieu de plein droit: elle doit être prononcée en justice, à cause de son caractère de peine, et la demande ne peut en être faite que par la partie en faveur de laquelle la condition avait été établie.
L'article 134 ne s'applique pas, comme il résulte bien de son texte, au cas où la condition dépend de la volonté du promettant; il est clair que, dans ce cas, il a pu faire manquer l'accomplissement de la condition sans en être responsable: il a exercé son droit.
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(j) Le Code français, qui n'annule pas la donation affectée d'une condition illicite (art. 900), annule, au contraire, celle qui dépend d'une condition potestative; mais il paraît ne considérer comme telle que "celle qui dépend de la seule volonté du donateur.” Cependant ce point est fort discutable.