Art. 430. — 365. L'article 430 consacre, tout à la fois, le principe de la rétroactivité de la condition et celui du double effet, déjà signalé, de chacune des deux conditions. On va l'appliquer successivement aux diverses hypothèses.
1° Une obligalion, de somme d'argent ou autre, a été contractée sous condition suspensive; tant que la condition est en suspens (pendente conditione) le créancier n'a qu'un droit éventuel; mais il peut céder ce droit sous la modalité qui l'affecte: le cessionnaire exercera le droit de créance, si la condition s'accomplit, pourvu qu'il ait notifié au débiteur la cession qui lui a été faite; si la condition fait défaut, son droit s'évanouira. Quant au point de savoir s'il aura droit à la restitution de son prix, par action en garantie, cela dépendra des clauses de la cession: en général, il n'y aura pas lieu à la restitution du prix, parce que la cession a un caractère aléatoire comme la créance cédée elle-même. Cependant, le cédant d'une créance est, de droit et sans stipulation, garant de l'existence de la créance (c. civ. fr., art. 1693); mais une créance conditionnelle existe suffisamment pour n'être pas sujette à cette garantie: elle a l'existence éventuelle que le cessionaire était en droit d'attendre, du moment que la condition lui a été révélée.
Dans cette hypothèse d'une créance conditionnelle, le débiteur n'aura pas toujours lui-même à céder un droit corrélatif à son obligation; mais cela pourrait être, si le contrat était synallagmatique; alors seulement, il aura pu céder aussi son droit conditionnel, avec les mêmes conséquences.
2° Une créance pure et simple ou à terme existait entre deux personnes et le créancier l'a cédée à un tiers, sous condition suspensive: il a conservé sa créance sous condition résolutoire, ainsi qu'on l'a fait remarquer sous l'article 428 (n° 362). Ici, chacune des parties figurant dans la cession a un droit inverse de celui de l'autre et elle peut en disposer tel qu'il se comporte, c'est-à-dire, avec la condition dont il est affecté: le cessionnaire peut disposer par vente ou donation de sa créance éventuelle ou conditionnelle; le cédant peut disposer de même de sa créance actuelle mais résoluble. Si la condition de la première cession se réalise, la sous-cession faite par le cessionnaire produit ses effets et la seconde cession faite par le cédant se résout, si, au contraire, la condition de la première cession fait défaut, c'est la souscession qui se résout et la seconde cession faite par le cédant qui se réalise.
Les rôles et les situations seraient inverses, si la première cession avait été faite sous condition résolutoire.
Quant au débiteur cédé, sa position ne change pas, il reste tenu purement et simplement ou à terme: il payera à celui des deux intéressés dont le droit sera définitivement confirmé, ou, tout au moins, dont le droit sera actuel, quoique résoluble, au moment où le payement sera exigé de lui.
3° Supposons enfin un droit de propriété cédé sous condition suspensive, ce qui laisse la propriété au cédant, mais sous condition résolutoire. Chacune des parties peut céder le droit qui lui appartient, sous la condition dont il est affecté: l'événement qui confirmera le droit du cessionnaire résoudra le droit du cédant et, du même coup, les secondes cessions qu'il a faites, en confirmant les sous-cessions. En sens inverse, si la première cession a été faite sous condition résolutoire, le cédant a gardé la propriété sous condition suspensive, et les nouvelles cessions faites par l'un ou l'autre se résoudront ou se confirmeront comme et avec le droit de chaque cédant.
La complication de ces hypothèses est plus apparente que véritable: le principe une fois posé, les conséquences sont logiques et faciles à déduire.
366. Le 26 alinéa de l'article 480 subordonne les effets qui précèdent, en tant qu'il s'agit de les opposer, respectivement, entre une partie ou ses ayant-cause et les ayant-cause de l'autre, à la publicité requise pour les cessions de créance et pour les aliénations d'immeubles ou les constitutions de droits immobiliers.
Il est évident, par exemple, que si celui qui n'a qu'un droit conditionnel le cédait comme lui appartenant purement et simplement et que la condition ne s'accomplît pas en sa faveur, les cessionnaires ne pourraient être évincés que s'ils avaient été mis en mesure de connaître la condition dont leur droit était affecté; or, pour les droits réels immobiliers, la condition, tant suspensive que résolutoire, a dû être révélée par la transcription du titre originaire du cédant. Pour les créances conditionnelles, si la condition est mentionnée au titre, cela suffit pour en avertir le cessionnaire; si la condition y a été ajoutée par un acte séparé, le cessionnaire a pu en être informé au moment où il a fait au cédé la notification de la cession. Si ces avertissements n'ont pas été. donnés au cessionnaire, la condition ne lui est pas opposable, car les droits sont toujours présumés purs et simples: la condition est une anomalie, une exception au droit commun.