Art. 423. — 347. Le terme est différent de la condition en ce qu'il ne retarde pas, comme celle-ci, la formation de l'obligation, mais seulement son exigibilité. Le Code français (art. 1185) et le Code italien (art. 1172) ont cru devoir énoncer cette proposition purement doctrinale; mais il a paru suffisant d'indiquer ici que le terme retarde l'action du créancier, sauf à indiquer plus loin l'effet plus étendu de la condition qui est de suspendre la naissance même du droit.
Le terme est, le plus souvent, un simple laps de temps à attendre; mais, il peut être aussi un événement déterminé et certain, c'est-à-dire qui ne peut manquer d'arriver; car, s'il était incertain quant à son accomplissement, ce serait une condition; au reste, il peut y avoir incertitude sur l'époque à laquelle l'événement arrivera ou sur l'époque à laquelle il sera connu des parties, on dit alors qu'il y a Il terme incertain," mais ce n'est toujours pas une condition (a).
Le texte n'exige pas que l'événement prévu soit futur, parce que ce serait une restriction arbitraire: sans doute, pratiquement, les parties ne se référeront pas, pour l'exécution de l'obligation, à un événement passé; mais il pourrait arriver qu'elles crussent futur un événement déjà accompli à leur insu et cette erreur ne vicierait pas la convention: l'exécution serait exigible quand l'événement serait connu. La question se représentera bientôt, quand il s'agira de savoir si un événement actuellement arrivé mais inconnu des parties est une condition, lorsque d'ailleurs, à la différence de l'événement qui nous occupe, il est casuel ou incertain
348. On a déjà annoncé deux sortes de termes: le terme de droit et le terme de grâce. Les deux qualifications indiquent bien leur nature différente et, plus loin, on verra la différence de leurs effets.
Les cas où le terme est établi par la loi elle-même ne sont pas très fréquents: on peut citer, en droit français, le cas de l'héritier qui ne peut être poursuivi pendant les délais de 3 mois et 40 jours, lesquels lui sont accordés pour faire inventaire et délibérer (art. 797), le cas de restitution de la dot qui ne peut être exigée du mari ou de ses héritiers qu'un an après la dissolution du mariage (art. 1565), enfin, le cas de vente dont le prix ne peut être exigé avant la délivrance, ni la délivrance avant le payement du prix (art. 1612 et 1651; Proj., art. 684 et 713, 3e al.).
Il sera bien plus fréquent que le terme soit fixé par la convention des parties, laquelle, " faisant loi entre elles," justifie encore l'expression de " terme de droit enfin, le terme peut être fixé par un testament, lequel a autant de force que la convention, bien qu'il n'y ait qu'une seule volonté exprimée.
349. Le texte suppose ensuite que les parties ont laissé une latitude plus ou moins grande au débiteur pour acquitter sa dette. Comme ces formules: " quand le débiteur pourra," ou " quand il voudra," sont assez fréquentes, la loi croit devoir en prévenir une fausse interprétation qui consisterait à les prendre à la lettre: rien ne serait plus contraire, ordinairement, à l'intention des parties et aux règles générales d'interprétation des conventions, telles qu'elles sont établies aux articles 376 à 380.
Dans le cas où le débiteur a la faculté de payer " quand il voudra," quelques auteurs français pensent qu'il peut refuser de payer pendant toute sa vie et que le payement n'est exigible que contre ses héritiers. Cette solution est inadmissible: d'abord, elle sera, presque toujours contraire à l'intention des parties; ensuite, les héritiers pourraient, en vertu du principe général d'après lequel ils ont les mêmes droits que leur auteur, prétendre ne payer eux-mêmes que " quand ils voudront." Il paraît plus sage de ne pas faire de différence entre les deux formules " quand le débiteur pourra," ou " quand il voudra" et de dire, avec le Projet, que les tribunaux fixeront un délai raisonnable, d'après les circonstances.
Le Code français n'a donné cette solution que pour le premier cas, parce que c'est aussi le seul qu'il ait prévu (art. 1901).
Il ne faudrait pas, du reste, considérer le terme ainsi fixé par le tribunal comme étant un terme " de grâce:" le tribunal ne fait ici qu'interpréter l'intention des parties, tandis que le terme de grâce est vraiment son oeuvre et souvent contraire à l'intention du créancier. On verra bientôt l'intérêt de la question, en comparant les deux termes.
La loi excepte de cette disposition " le cas où les parties auraient entendu constituer une rente perpétuelle"; on verra en effet, une variété du prêt à intérêt où le débiteur ne peut être contraint au remboursement et où il peut le faire si et quand il lui plaît (v. art. 886 et 887): cette convention n'est naturellement pas soumise à notre article 423.
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(a) En droit, quand on parle d'événements certains, on considère le cours oridinairc des choses (id quodplerumquejitj; mais, en raison pure, il y a bien peu d'événements futurs absolument certains. Ainsi, on peut, pratiquement, fixer comme terme d'une obligation, une élection politique ou municipale prochaine, une exposition annoncée, et cependant, il est facile de reconnaître que ces événements pourraient être empêchés; à plus forte raison, les actes d'une personne déterminée qui peut en être empêchée par la mort ou autrement. On ne pourrait guère citer comme événements futurs et absolument certains que la mort elle-même d'une personne, ou des faits de la nature compatibles avec le climat, comme la première pluie, la première gelée, le premier typhon, le premier tremblement de terre.