Art. 395. — 285. Le principe de cet article est le même que celui qui régit l'article précédent: la responsabilité du propriétaire n'a évidemment pas pour cause l'accident produit par sa maison, mais sa propre négligence à l'égard de ladite maison. Si la loi ne mentionne pas, comme à l'article précédent, la responsabilité de ceux qui ont l'usage de la maison ou des autres objets mentionnés au présent article, ce n'est pas parce que cette responsabilité est impossible, mais parce qu'elle sera plus rare; ainsi, l'usufruitier et le locataire ne devant pas faire les grosses réparations, il n'y aura pas à leur imputer la chûte d'un bâtiment; mais les locataires pourraient être responsables des chûtes d'arbres, d'enseignes, d'auvents, et les locataires de navires seraient responsables des dommages causés par le défaut d'amarres ou d'attaches.
286. Le droit inoderne de l'Europe, consacré ici, s'écarte beaucoup du droit romain, au sujet des dom. mages causés par les animaux et par les objets inanimés. Les Romains, n'admettant pas qu'une personne pût se trouver obligée par le fait d'autrui, ce qui est, en soi, très-rationnel et très-juste, l'admettaient encore bien moins lorsque le dommage était causé par une chose; mais la chose qui avait nui était en quelque sorte responsable; en conséquence, le propriétaire pouvait se libérer de toute indemnité en l'abandonnant à celui qui avait souffert du dommage; il faisait “l'abandon noxal (noxæ deditio) de l'animal ou des décombres de la maison tombée (voy. T. 105, p. 397-398). Si le dommage avait été causé par un esclave, il y avait lieu au inême abandon, parce que l'esclave était, à beaucoup d'égards, considéré comme une chose. Bien plus, à une époque où l'autorité paternelle était despotique, le père pouvait, de même, faire l'abandon noxal de son enfant, qui devait alors travailler comme un esclave jusqu'à ce qu'il eût réparé lui-même le dommage.
Tout ce système péchait par la base: on ne voyait pas que le principe de la responsabilité du naître ou du père est dans sa faute personnelle, dans son défaut de prévoyance. Aussi, arriva-t-on, au moins pour le cas des bâtiments menaçant ruine, à un moyen préventif qui se rapprochait déjà de la vraie théorie: le voisin menacé par la ruine d'un édifice chancelant ponvait actionner le propriétaire et lui demander de donner caution de réparer le dommage futur (cautio damni infecti); si celui-ci refusait de donner caution ou de faire la réparation, le demandeur obtenait l'envoi en possession des bâtiments; il pouvait alors les réparer à ses frais et il ne pouvait être tenu de les rendre que contre le remboursement de ses dépenses.
Aujourd'hui, l'indemnité étant de droit, il n'y a pas la même nécessité de demander cette caution; mais on l'a cependant permis (art. 214 et 222), par emprunt au Code italien (voy. T. 107 p. 397). Le voisin menacé pourrait aussi provoquer une mesure de police pour faire soutenir les bâtiments, s'il y avait danger im. médiat.
Comme les constructeurs de maisons sont, dans une certaine mesure, garants des vices de construction, en vertu du contrat de louage d'ouvrage, la loi réserve le recours contre eux. Ceux qui ont éprouvé le dommage pourraient même, en cas d'insolvabilité du propriétaire, exercer contre lesdits constructeurs l'action indirecte ou oblique qui appartient aux créanciers en général, d'après l'article 359, 2° alinéa.