Art. 363. — 165. La première des solutions de cet article est indiscutable. Il y a plus de difficulté sur la seconde.
Assurément, les créanciers qui n'ont traité avec le débiteur qu'après l'acte frauduleux ne peuvent dire qu'ils sont fraudés; ils ont du connaître la position du débiteur, l'état actuel de son actif et de son passif, ils ne sont pas trompés; l'action révocatoire ne peut donc appartenir qu'aux créanciers antérieurs aux actes frauduleux.
166. Mais ce serait exagérer leur avantage que de soutenir, comme on l'a fait, que le profit de la révocation ne doit aussi appartenir qu'à eux seuls: ce serait faire deux catégories de créanciers et deux masses de biens à distribuer, ce qui est contraire aux principes fondamentaux de la faillite et de la déconfiture.
L'effet de la révocation doit être de rétablir les choses dans l'état où elles auraient été si l'acte frauduleux n'avait pas eu lieu. Ainsi, s'il y a eu engagement fraùduleux envers un créancier, ce dernier sera seul écarté de la distribution des biens du débiteur et son exclusion devra profiter à tous les autres; s'il y a eu renonciation frauduleuse du débiteur à une créance, celui au profit duquel elle a été consentie devra payer sa dette et tous les créanciers en bénéficieront. Il n'en doit pas être autrement au cas d'aliénation révoquée, la chose rentrée dans les biens du débiteur sera vendue et le prix en sera distribué entre tous les créanciers. Toutefois, si celui contre lequel la révocation est prononcée avait lui-même fourni une contre-valeur, il figurerait avec les autres dans la distribution, pour la restitution qui lui est certainement due.
De ce que les créanciers postérieurs à l'acte fraudul-eux doivent participer au profit de l'action révocatoire, il ne faudrait pas conclure qu'au cas où la demande des créanciers antérieurs serait jugée téméraire et mal fondée, ils contribueraient aux frais, comme au cas de succès: c'est un cas à ajouter à ceux où une personne qui profiterait d'un jugement favorable ne souffre pas d'un jugement défavorable; on a déjà rencontré un de ces cas (voy. art. 101).
Le texte réserve, en terminant, le cas où il y aurait entre les créanciers des causes légitimes de préférence: c'est toujours l'application de l'idée que l'acte révoqué est censé non avenu. On ne peut supposer le cas d'un créancier ayant hypothèque sur l'immeuble aliéné en fraude, parce que le créancier hypothécaire peut faire valoir son droit contre les tiers-acquéreurs, même sans qu'il y ait eu fraude; mais il peut y avoir des priviléges sur les meubles qui se seraient évanouis avec l'aliénation; il pourra même arriver que la préférence soit née de la révocation elle-même: ainsi, le créancier qui a fait les poursuites sera remboursé par préférence aux autres, sur la valeur du bien recouvré, des avances et frais qu'il a faits pour le procès: c'est un cas de privilége fondé sur l'idée de service rendu à la masse, c'est-à-dire à tous les créanciers (v. art. 1143).