Art. 361. — 159. Cet article règle les voies et moyens par lesquels les créanciers obtiennent la réparation du préjudice à eux causé par les actes frauduleux du débiteur.
Le premier moyen, celui qu'on peut considérer comme général, est une action tendant à l'annulation de ce qui a été fait en fraude des créanciers. Pour distinguer cette action des autres actions en nullité, l'usage est de l'appeler if action révocatoire " et ce nom est consacré ici (mm).
Le 1er alinéa du présent article nous dit que cette action est donnée contre ceux qui ont traité avec le débiteur et, subsidiairement, c'est-à-dire, en tant qu'il est besoin et possible, contre les sous-acquéreurs. Il est clair que cette action ne peut être exercée contre le débiteur, au moins contre le débiteur seul, et cela pour deux raisons: la première, c'est qu'il ne dépend plus de lui d'anéantir l'acte qu'il a fait avec un tiers, la seconde c'est qu'il est insolvable et que l'action contre lui n'aurait aucune utilité pour les créanciers. Il faut donc que l'action soit dirigée contre ceux qui ont traité avec le débiteur; sauf à mettre celui-ci en cause, comme l'exige le Se alinéa, tant pour qu'il puisse soutenir la validité de l'acte que pour que le jugement lui soit opposable.
Quand il s'agit de faire annuler un engagement du débiteur envers un tiers, ou une renonciation du débiteur à une créance qu'il avait contre un tiers, c'est ce dernier seul qui peut être le défendeur: l'action est nécessairement 'personnelle contre lui; elle ne provient pas d'un contrat, car le tiers n'a pas contracté avec les créanciers, mais elle est née, soit de sa participation à la fraude, ce qui est un dommage injuste, un délit civil, soit de son enrichissement illégitime.
S'il s'agit de faire annuler une aliénation et que la chose aliénée soit encore la propriété de l'acquéreur, l'action est encore personnelle et elle s'explique de la même manière. Mais si l'acquéreur a lui-même cédé la chose, la loi permet et devait permettre la révocation contre le sous-acquéreur, au moins dans certains cas, autrement, la réparation du préjudice eût été le plus souvent impossible; mais il ne fallait pas non plus atteindre des tiers qui n'auraient eu aucune participation à la fraude; il a donc été nécessaire de faire des distinctions, indiquées aussitôt après: suivant ces distinctions, l'action révocatoire, même dirigée contre des sous-acquéreurs, est encore personnelle, car elle se trouve toujours fondée sur un délit civil.
160. Le 2° alinéa prévoit un acte frauduleux du débiteur, qui n'est pas un contrat, mais qui ne doit pas davantage échapper à la révocation. Le débiteur, avec intention frauduleuse contre ses créanciers, s'est laissé condamner dans une instance où il était défendeur, ou il a laissé rejeter une demande par lui faite, pour la forme seulement, mais dans laquelle il n'a pas soutenu son droit (on dit, en procédure, qu'il " s'est laissé débouter ")" les créanciers n'avaient pas usé du droit d'intervention que leur fournissait l'article 359, 26 al. (voy. c., pr. civ. fr., art. 339 et s.): dans ces deux cas, la, justice a été nécessairement trompée, et le respect dû à ses décisions ne sera nullement atteint parce que sa décision sera attaquée et même réformée. Il y a, à cet égard, une voie de recours spéciale et extraordinaire, appelée tierce-opposition, parce qu'elle est exercée par des personnes qui n'ont pas été parties au procès, par des tiers (voy. c. proc. civ. fr., art. 474 et s.).
Elle sera certainement admise au Japon (7).
161. Le dernier alinéa prévoit le cas où la révocation ne pourrait être obtenue directement, c'est-à-dire par annulation de l'acte frauduleux; dans ce cas, il sera pourvu à la réparation du préjudice des créanciers par une demande en dommages-intérêts. Voici les principaux de ces cas: l'aliénation frauduleuse a porté sur des objets mobiliers que l'acquéreur a détournés et qui ne peuvent être retrouvés; ou bien, ce sont des meubles ou même des immeubles que l'acquéreur a revendus à des tiers de bonne foi qui ne peuvent être atteints par l'action révocatoire, d'après l'article suivant.
Il faut admettre enfin que les créanciers fraudés pourront toujours se borner à une action en dommagesintérêts, lorsque la chose aura passé dans les mains d'un sous-acquéreur, s'ils préfèrent ne pas s'engager dans une poursuite devenue plus difficile contre celui-ci.
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(mm) On l'appelle aussi, en France, " action paulienne," du nom du Préteur romain Paul, qui l'inventa.
(7) Elle est admise sous le nom de demande en révision, lequel n'exprime pas que l'action appartient à des tiers et d'ailleurs pourrait s'appliquer aussi bien à la requête civile ou respectueuse.