Art. 344. — 105. Cet article correspond à la deconde règle posée par l'article 1119 du Code français, aux exceptions qu'y apporte l'article 1121, et à l'article 1128 du Code italien; mais il y ajoute aussi les compléments nécessaires.
Il pose d'abord en principe que l'intérêt est la cause nécessaire des conventions; il indique seulement que cet intérêt doit être à la fois " légitime et appréciable." S'il n'était pas légitime, la cause serait nulle, comme illicite; s'il n'était pas appréciable, il serait, pour les tribunaux, comme n'existant pas: il y aurait défaut de cause. Ce principe n'est pas discutable et il est passé en axiome que "pas d'intérêt, pas d'action; " tous les jours, on voit les tribunaux rejeter une prétention, soit principale, soit accessoire à une action, parce que le demandeur ne justifie pas de son intérêt.
106. Le 2e alinéa rattache à ce principe du défaut de cause ou d'intérêt la nullité de la stipulation pour autrui qui, dans le Code français, se trouve égarée, en quelque sorte, et sans lien avec les principes, comme la nullité de la promesse du fait d'autrui que le Projet a rattachée à un défaut d'objet réalisable.
Lors donc que quelqu'un aura, par affection ou par un motif resté inconnu, stipulé un avantage pour autrui, l'exécution de la promesse ne pourra être poursuivi en justice, ni par le tiers, parce qu'il n'a pas figuré dans la convention et qu'elle ne peut lui donner d'action (v. art. 365), ni par le stipulant, parce qu'il ne peut justifier d'un intérêt pécuniairement appréciable.
Mais si le stipulant avait ajouté une clause pénale à la stipulation dont l'intérêt n'est pas autrement appréciable, la stipulation deviendrait valable, par cela seul que son intérêt serait déterminé par la convention; il n'y aurait pas à rechercher si la clause pénale excède ou non cet intérêt: la convention, ici comme toujours, " fait loi entre les parties," pourvu qu'il n'y ait pas eu dol ou surprise.
On objecterait vainement que si la convention principale est nulle, la clause pénale est entraînée dans la même nullité: on se trouve, ici encore et comme à l'article précédent, dans le cas de l'exception apportée au principe par l'article 323. On doit d'ailleurs admettre que si la clause pénale est le moyen le plus simple de reconnaître l'intérêt du stipulant, elle n'est pas le seul: c'est une question de fait laissée à l'appréciation des tribunaux, d'après les circonstances.
Bien que la loi n'ait mentionné ici l'effet utile de la clause pénale qu'au sujet de la stipulation pour autrui, il ne faut pas hésiter à l'admettre dans tous les cas où c'est le défaut d'intérêt appréciable qui forme l'obstacle à la validité de la stipulation; mais il ne faudrait pas admettre que la clause pénale pût légitimer l'intérêt d'ailleurs illégitime que vise aussi le 1er alinéa; aussi l'effet utile de la clause pénale ne figure-t-il qu'au 2e alinéa.
107. Le 3e alinéa apporte une double exception à la nullité de la stipulation pour autrui, même lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'une clause pénale: elle est fondée, non seulement sur le caractère accessoire attribué à cette stipulation, mais aussi sur la présomption d'intérêt personnel du stipulant. Dans le premier cas, on peut supposer une vente ou un autre contrat intéressé, dans lequel le vendeur ou le créancier, outre ce qu'il s'est fait promettre pour lui-même, s'est fait promettre aussi quelque avantage pour autrui, comme une servitude pour son voisin sur le fonds vendu, ou un emploi pour un de ses anciens serviteurs. Dans le second cas, c'est un donateur qui, ne devant rien recevoir en retour de la donation, stipule pour autrui un avantage analogue au précédent ou tout autre, mais qui d'ailleurs n'est pas assez considérable pour détruire le caractère gratuit de la convention.
107 bis. Le 4e alinéa nous dit que, dans ces deux cas, si la promesse dans l'intérêt d'autrui n'est pas exécutée, le stipulant n'aura pas à justifier, en fait, quel est le montant de son intérêt personnel à l'exécution: ce serait le plus souvent impossible; il demandera la résolution de la convention pour inexécution: il rentrera dans le bien qu'il a aliéné, puisque la condition n'est pas remplie. Mais s'il y avait attaché une clause pénale, il en demanderait le payement comme dommages-intérêts stipulés, et c'est à lui qu'elle serait payée, toujours parce que le tiers n'a pas figuré dans la convention et n'y peut puiser un droit d'action.
108. Le dernier alinéa suppose que le stipulant pour autrui a agi comme gérant d'affaires (11).
Il était bon de faire remarquer, à ce sujet, qu'il ne suffirait pas que le stipulant prît la qualité de gérant d'affaires pour faire valablement une stipulation pour autrui: il lui manquerait toujours un intérêt à demander l'exécution de la promesse. Si au contraire, la gestion est déjà commencée antérieurement, et si la stipulation en est la suite, comme la responsabilité du gérant peut l'intéresser à l'exécution, il pourra l'exiger. Il en serait de même si, la stipulation ayant été le début de la gestion, le promettant en avait commencé l'exécution: le stipulant pourrait en exiger l'accomplissement total, si sa responsabilité se trouvait déjà encourue vis-à-vis du maître; par exemple, en l'absence d'un ami, j'ai stipulé d'un charpentier des réparations à la toiture de son bâtiment: si le charpentier ne commence pas, je ne puis l'y contraindre, faute d'intérêt personnel; mais s'il a déjà découvert une partie du bâtiment et néglige de continuer, je puis le contraindre à terminer le travail, parce que je me trouverais responsable d'une entreprise qui serait plus nuisible au bâtiment, restant inachevée, que si elle n'avait pas été commencée.
Si le maître ratifie la stipulation faite pour lui, même quand elle ne se rattache pas à une gestion d'affaires antérieure, l'exécution peut être exigée, soit par le stipulant, soit par le maître, parce que la ratification équivaut à un mandat (v. n° 104, in,f.); or la stipulation d'un mandataire donne une action à lui-même et au mandant.
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(11) Ce dernier alinéa est nouveau.